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33. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Il n’avait pensé à personne en particulier, disait-il, à Mme Dacier moins qu’à aucun autre, et pas même à M.  […] L’abbé de Pons en sentait très bien d’ailleurs la portée, et la liaison avec le grand changement qui s’était fait dans la manière générale de penser : mais il y introduisit quelque confusion. […] Ce qu’on a senti ou pensé, on peut l’exprimer avec une élégance égale dans toutes les langues ; et chaque langue vous fournira les expressions uniques pour caractériser quelque pensée, quelque sentiment que ce soit, et pour en fixer le degré de vivacité ou de noblesse. […] Il s’ensuit, d’après lui, que, pour être éloquent, il ne s’agit que de bien penser, de penser fortement, et que la seule exactitude de l’expression amène et nécessite l’éloquence. […] Si incomplètes que j’aie montré en bien des points les vues de l’abbé de Pons, du moins ce sont des vues, ce sont des idées ; on sent toujours avec lui l’homme, qui pense et qui fait penser.

34. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Puis donc que j’ai besoin de manger comme une bête, je dois fournir le labeur de bête de somme qui, seul, peut nourrir mon corps et permettre au dieu qui pleure en moi de vivre, de penser, d’aimer. […] Les prostitués les ont appelés : « Envieux. » Et le Maître a répondu : « Leur intelligence a justement mérité à ceux-ci la meilleure part. » Et : « Il faut que tout le monde vive. » Et encore : « Tout travail mérite salaire. » Bien que penser, chanter, sculpter, donner son âme et son esprit aux jeunes gens ne soient que des repos et des joies, le Maître avait raison d’employer le mot travail. […] Pour ne plus travailler comme les autres esclaves, ces « penseurs » pensèrent en esclaves, sur l’ordre du maître, à l’heure du maître, ce que voulut le maître. […] Philosophe, dis ce que tu penses et tout ce que tu penses. […] Combien nous sommes peu à montrer le calme courage de la franchise, à mi-côte, à égale distance des saints qui pensent et travaillent et des absolus prostitués qui vendent âprement et habilement des mots vides et des grimaces de pensées.

35. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Puisque dans ce singulier monde de la publicité, c’est le bruit qui est tout, et non pas ce que le bruit signifie, il convenait de ne pas gratifier un livre pareil d’un bruit quelconque, même en disant ce qu’on en pensait, et je rengainai mon opinion… qui n’était pas un compliment. […] Mais le grand observeur, dont un pareil sujet chaussait admirablement les facultés incomparables, mais cette tête qui pensait à tout ne pensa point précisément à ces Mémoires d’une femme de chambre, qui auraient si bien trouvé la place d’un chef-d’œuvre de plus parmi les chefs-d’œuvre de La Comédie humaine, et il nous a laissé, à nous qui vivons après lui, l’occasion de bénéficier, si nous pouvons, de cette distraction de son génie. […] Je pensais au livre terrible de Swift sur les domestiques, et je me demandais si nous allions avoir affaire à un esprit de cette cruauté tigre, ou à un de ces esprits androgynes qui ont de la femme autant que de l’homme dans leur organisation intellectuelle. J’ai cité Beaumarchais ; je pensais aussi à Laclos, au monstre charmant des Liaisons dangereuses. […] Et d’autant que de pareils livres, — qui m’ennuient et me dégoûtent, moi, car je pense comme M. 

36. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Le 15 juillet 1849, j’en donnai un extrait à la Liberté de penser, avec l’annonce que le volume paraîtrait « dans quelques semaines ». […] Les travaux spéciaux, les voyages m’absorbèrent ; mes Origines du Christianisme, surtout, pendant vingt-cinq ans, ne me permirent pas de penser à autre chose. […] J’ai pensé que quelques personnes liraient, non sans profit, ces pages ressuscitées, et surtout que la jeunesse, un peu incertaine de sa voie, verrait avec plaisir comment un jeune homme, très franc et très sincère, pensait seul avec lui-même il y a quarante ans. […] Les exigences françaises de clarté et de discrétion, qui parfois, il faut l’avouer, forcent à ne dire qu’une partie de ce qu’on pense et nuisent à la profondeur, me semblaient une tyrannie. […] Vers 1700, Newton avait atteint des vues sur le système du monde infiniment supérieures à tout ce qu’on avait pensé avant lui, sans que ces incomparables découvertes eussent le moins du monde influé sur l’éducation du peuple.

37. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

On ne rirait pas de lui, je pense, si l’on pouvait supposer que la fantaisie lui est venue tout à coup de s’asseoir par terre. […] Il y faudra penser toujours, sans néanmoins s’y appesantir trop, — un peu comme le bon escrimeur doit penser aux mouvements discontinus de la leçon tandis que son corps s’abandonne à la continuité de l’assaut. […] Cette fois nous pensons distinctement à des marionnettes. […] Cherchez la raison ; vous verrez qu’on pense à une mascarade. […] On pensait à des paquets quelconques qui se laisseraient choir et s’entrechoqueraient.

38. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Ne pas l’entendre me fait penser tristement. Je pense à la mort, qui fait aussi tout taire autour de nous, qui sera aussi une absence. […] S’il eût consulté une femme, Platon n’aurait pas écrit cela : tu le penses bien ? […] Je pensais à Dieu qui a fait notre prison si radieuse ; je pensais aux saints qui ont toutes ces belles étoiles sous leurs pieds ; je pensais à toi qui les regardais peut-être comme moi. […] Ce n’est aucune peine ni chagrin qui me fait penser de la sorte, ne le crois pas, je te le dirais ; c’est le mal du pays qui prend toute âme qui se met à penser au ciel.

39. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Goulden parlait toujours : moi, je ne pensais qu’à Catherine. […] Goulden, qui me regardait aller et venir, s’écria : « Joseph, à quoi penses-tu donc, malheureux ? […] la jeunesse, la jeunesse, cela ne pense à rien… Quelle imprudence… quelle imprudence !  […] — Oui… oui, lui disais-je tout bas ; et toi, tu penseras à moi… tu n’en aimeras pas un autre !  […] … Je pensais que Catherine irait bientôt là ; qu’elle prierait des années et des années en songeant à moi… Oui, je pensais cela, car je savais que nous nous aimions depuis notre enfance, et qu’elle ne pourrait jamais m’oublier.

40. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

J’y pense souvent, je le regrette quelquefois ; cependant, faut-il tout dire ? […] Jeune fille aux longs yeux, sais-tu ce que je pense ? […] Jeune fille aux longs yeux, sais-tu ce que je pense ? […] Jeune fille aux longs yeux, sais-tu ce que je pense ? […] Jeune fille aux longs yeux, sais-tu ce que je pense ?

41. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Celui qui, à l’ouverture de la Révolution, pensait ainsi, n’était pas homme à s’endormir chez nous sur l’oreiller d’une monarchie constitutionnelle quelconque ; il avait besoin de s’assurer qu’elle n’était pas minée dessous. […] La lassitude est à son comble, chacun ne pense qu’à passer en repos le reste de ses jours. […] On ne pense qu’à soi, et puis à soi, et toujours à soi. […] S’il pense autrement, il finira, comme le roi de Sidon, par être jardinier. […] … Votre continent me fait horreur avec ses esclaves et ses bourreaux, ses bassesses et sa lâcheté ; il n’y a que l’Angleterre où l’on puisse écrire, parler, penser et agir : voilà ma place, il n’y en a plus d’autre pour quiconque veut continuer la guerre.

42. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Plusieurs pensent qu’il aurait mieux valu en finir cette année et bâcler une loi pour clore la bouche aux déclamations du clergé. D'autres pensent qu’il n’y a pas d’inconvénient à attendre et que le bien se dégagera. […] On pourrait, au nom même de la liberté de penser, répondre à M. […] la liberté de penser, qui doit supposer possibles d’autres résultats philosophiques que l’éclectisme, n’a pas eu son organe dans la discussion.

43. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il en faut plus qu’on ne pense pour dire la vérité. […] ou le critique ne sait que penser, et alors pourquoi ne se tait-il pas ? […] Vous penserez que je pourrais commencer par la fin et m’en tenir là. […] Jules Lemaître auquel on ne peut s’empêcher de penser, quand on pense à M.  […] Voulez-vous savoir ce qu’il pense de la Théodora de M. 

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