La loi mécanique de la moindre résistance n’est-elle qu’un autre côté de la loi de la moindre peine ? […] — Mais, objecte-t-on, ces réactions n’ont point leur contre-partie mentale. — Si fait, cette contre-partie est l’affection pénible ou agréable, avec l’effort simultané pour retenir le plaisir et écarter la peine. […] Il y a en premier lieu, jusque dans la sensation, quelque chose qui ne peut se convertir en objet : c’est le plaisir et la peine. […] Quelques philosophes ont soutenu, il est vrai, que la peine est la représentation confuse d’un trouble organique ; mais entre l’idée de trouble organique et le sentiment de la peine il y a un hiatus énorme. […] On a plutôt du plaisir que de la peine à s’instruire et à percevoir des objets.
Sans vouloir nous étendre sur un problème qui ne fait pas partie intégrante de ce travail, nous croyons qu’il faudra à l’avenir distinguer dans l’émotion ordinaire (non plus esthétique) : d’une part, l’excitation, l’exaltation neutre qui la constitue, qui est son caractère propre et constant : de l’autre, un phénomène cérébral additionnel, qui est l’éveil d’un certain nombre d’images de plaisir ou de douleur, venant s’associer au forni originel, le colorer ou le timbrer pour ainsi dire, et produire la peine ou la joie proprement dites, quand elles comprennent le moi comme sujet souffrant et joyeux. […] — Quoi qu’il en soit de cette digression, il reste acquis que l’on ne peut désigner avec quelque exactitude les émotions d’une œuvre d’art par les coefficients de peine ou de plaisir qui les affectent. […] On constatera de nouveau, après avoir analysé de la sorte un certain nombre d’œuvres d’art, qu’aucune ne présente une émotion que l’on puisse qualifier positivement de peine ou de plaisir : il n’est pas de livre qui donne, sauf par un retour sur soi, un sentiment de souffrance véritable, de désespoir, de chagrin, d’infortune positifs ; ni de peinture qui procure de la satisfaction, un encouragement, de l’espoir intéressé et vif, sauf dans la mesure ou un pur exercice corporel ou intellectuel, donne du plaisir. […] Il facilitera ainsi, à un point qu’on ne peut encore imaginer, l’analyse des œuvres d’art plastiques et musicales, en permettant de doser, pour ainsi dire, ce qu’elles contiennent d’éléments de peine et de plaisir physique pour les sens de l’être vivant normal. […] Signalons que la formule « le plaisir et la peine » constitue le sous-titre du livre de Léon Dumont, Théorie scientifique de la sensibilité (1881).
En m’en occupant, je vois qu’il faut longtemps pour réunir toutes les connaissances, pour faire toutes les recherches qui doivent servir de base à ce travail ; mais si les accidents de la vie ou les peines du cœur bornaient le cours de ma destinée, je voudrais qu’un autre accomplit le plan que je me suis proposé. […] En examinant la vérité, séparément des hommes et des temps, on arrive à une démonstration, qui se reporte ensuite avec moins de peine sur les circonstances présentes. […] Quelle multitude de peines assiège alors le cœur qui voulait vivre dans les autres, et se voit trompé dans cette illusion ! […] Tel individu qui vous déchire, n’est pas digne que vous regrettiez son suffrage, mais vous souffrez de tous les détails d’une grande peine, dont l’histoire se déroule à vos yeux ; et déjà certain de ne point éviter son pénible terme, vous éprouvez cependant la douleur de chaque pas. […] Pourrait-on aussi me reprocher de n’avoir pas traité séparément les jouissances attachées à l’accomplissement de ses devoirs, et les peines que font éprouver le remord qui suit le tort, ou le crime de les avoir bravé ?
Oui, si Dieu me demandait, pour lui épargner cette peine, d’éteindre ma pensée, de me condamner à une vie simple et vulgaire, j’accepterais. […] Jugez de la peine que j’éprouvai quand j’appris qu’une maladie grave avait été la cause qui avait entravé votre correspondance. […] Et ma mère, dont la pensée autrefois était mon soulagement dans mes peines, cette fois, c’était mon souvenir le plus douloureux. […] Ceci est, mon ami, une des passes les plus singulières de ma vie ; j’aurais mille peines à le faire comprendre à qui que ce soit ; nul ne l’a, je pense, bien compris. […] Cette vie me serait bien douce si de pénibles souvenirs, des inquiétudes trop bien fondées, et surtout un terrible isolement n’y mêlaient encore bien des peines.
Louis XIV prit beaucoup sur lui-même en cette circonstance, et il convient que tout ce dessein lui donna une peine incroyable. […] Vous n’aurez pas de peine à croire qu’il y en a eu de bien penauds ; mais je suis bien aise qu’ils voient que je ne suis pas si dupe qu’ils s’étaient imaginé, et que le meilleur parti est de s’attacher à moi. […] Elle et les partisans de Fouquet ne craignent rien tant qu’une chose, c’est la peine de mort, cette peine que le roi désire, et qu’il n’aurait point commuée. […] Louis XIV, pour perdre plus sûrement Fouquet, avait employé un artifice dont nous avons peine à supporter l’idée. […] Louis XIV, par une suite de rigueurs qui doivent enfin paraître excessives, jugea à propos de commuer plus sévèrement la peine, et de changer le bannissement en une prison perpétuelle.
Le bonheur qui naît des passions est une distraction trop forte, le malheur qu’elles produisent cause un désespoir trop sombre pour qu’il reste à l’homme qu’elles agitent aucune faculté libre ; les peines des autres peuvent aisément émouvoir un cœur déjà ébranlé par sa situation personnelle, mais la passion n’a de suite que dans son idée ; les jouissances, que quelques actes de bienfaisance pourraient procurer, sont à peine senties par le cœur passionné qui les accomplit. […] La multitude de peines que savent causer les hommes les plus médiocres en tous genres, conduit à penser qu’un être généreux, quelle que fut sa position, se créerait, en se consacrant uniquement à la bonté, un intérêt, un but, un gouvernement, pour ainsi dire, malgré les bornes de sa destinée. […] Toute cette connaissance du cœur humain, dont est née la flatterie des courtisans envers leurs souverains, Almont l’emploie pour soulager les peines de l’infortuné ; plus on est fier, plus on respecte l’homme malheureux, plus on se plie devant lui. […] Si vous rencontrez Almont, quand votre âme est découragée, sa vive attention à vos discours vous persuade que vous êtes dans une situation qui captive l’intérêt, tandis que, fatigué de votre peine, vous étiez convaincu, avant de le voir, de l’ennui qu’elle devait causer aux autres ; vous ne l’écouterez jamais sans que son attendrissement pour vos chagrins, ne vous rende l’émotion dont votre âme desséchée était devenue incapable ; enfin, vous ne causerez point avec lui, sans qu’il ne vous offre un motif de courage, et qu’ôtant à votre douleur ce qu’elle a de fixe, il n’occupe votre imagination par un différent point de vue, par une nouvelle manière de considérer votre destinée ; on peut agir sur soi par la raison, mais c’est d’un autre que vient l’espérance.
Les peines édictées, qui sont « la mort et la confiscation des biens » au profit des hôpitaux, pour les DEUX combattants, pouvaient être d’autant plus sévères que, dans cet édit de 1679, le législateur créait ce fameux tribunal d’honneur composé des maréchaux de France, qui devaient juger en dernier ressort et punir les injures de l’honneur outragé… Le législateur avait fait de sa loi une espèce de filet, tissé de précautions et de peines, dans lequel il pût prendre tous ceux qui participaient à un duel d’une manière quelconque : combattants, seconds, témoins, porteurs de cartels ou d’appels, même jusqu’aux laquais qui, le sachant, porteraient une lettre de provocation de leurs maîtres, — condamnés par ce fait seul au fouet et à la fleur de lys, et, si récidive, aux galères à perpétuité ! […] Serait-il même possible de prévoir l’espèce de loi qu’ils décréteraient contre le duel, pour rester modernes et républicains, dans ce temps si béatement humanitaire et si pourri d’indulgence, qui a aboli la confiscation comme trop dure, et qui va peut-être demain abolir la peine de mort contre les assassins ? […] précisément en raison de l’importance sacrée de l’argent dans nos mœurs actuelles, avides et dépensières, les législateurs, qui sentent le bonheur d’en avoir et qui ont si peur des peines sévères, oseraient-ils jamais se servir de la seule peine laissée maintenant au législateur pour réprimer et pour punir ?
A peine y fut-elle qu’elle se lia avec lui. […] A peine étoit-il à trois pas de chez elle, qu’on vint lui annoncer un autre M. de Racan. […] Il s’en trouveroit fort peu qui voudroient prendre cette peine ; &, pour ce qui est dit qu’elle a servi le public, ç’a été si particulièrement, qu’on n’en parle que par conjecture.
La reine vit le roi convalescent le 24 au soir seulement ; nous avons ici la chronique même, la plus fidèle : « Dès qu’il vit la reine le lundi au soir vers minuit, il l’embrassa et lui demanda pardon du scandale et des peines qu’il lui avait donnés. […] « Le roi lui répondit assez froidement : « Ce n’est pas la peine » ; et sans paraître vouloir entendre un plus long discours, il alla faire la conversation avec gens qui étaient dans sa chambre ; ensuite il commença sa partie de quadrille. […] La vieille Cour avait peu de peine à se persuader que Dieu, après avoir frappé le roi, toucherait son cœur. […] C’est une page toute vive de la conversation la plus satirique du moment ; elle s’est fixée par hasard sous une plume de grande dame qui s’est mise un matin à écrire et qui bientôt ne s’est plus donné la peine de continuer : parler, entendre, être entendu à demi-mot est si amusant et si facile ; écrire est si long et si ennuyeux ! […] L’âge paisible avance ; on y touche, on y est arrivé : ce n’est pas sans péril et sans peine.
On est si occupé à me regarder, qu’on ne se donne pas la peine de me répondre. […] Tous les autres, j’ai, non pas à me plaindre d’eux, mais à leur attribuer quelque partie de mes peines. […] Votre nuit, madame, m’a fait bien de la peine. […] Il est difficile et pénible de vous quitter pour un jour, et chaque jour est une peine ajoutée aux précédentes. […] Vous me direz que, si c’est tout, il ne vaut pas la peine de vivre.
Après quatre ans d’un service si rude, dit-il, Que la peine en tout autre en eût ôté l’envie… Voyant ses passions si mal récompensées, il se guérit. […] Mais ce n’étoit qu’une ombre Ne nous hâtons pas de plaindre Desportes il goûte tant de contentement à souffrir, qu’il ne craint rien plus que d’être sans tourment : Je fais un magasin de soucis et de peines. […] Tout, dans ces poésies, roule sur les peines de l’amour ; tout est mauvais traitements, angoisses ; il n’y a ni relâche ni congé dans ce que les poëtes de cette école appellent le service de l’amour. […] De stances du même : « Toute cette pièce est si niaise et si écolière qu’elle ne vaut pas la peine de la censure. » D’une phrase du même : « Cette phrase est latine ; il faut dire, pour parler françois… » D’une autre : « Phrase excellentissime. » Le vieux tyran des syllabes fait de l’ironie. […] Du reste, au témoignage de Racan, loin d’avoir aucun orgueil dans le privé, il faisait plutôt de fréquents retours de mépris philosophique pour les choses mêmes dont il avait le plus sujet d’être vain ; pour la noblesse, quoique la sienne fût antique ; pour la poésie même, dans les moments où il craignait d’y avoir perdu sa peine.