Dès l’âge de quatre ans, la jeune Amable faisait preuve d’une grande intelligence et d’une surprenante mémoire ; elle avait pour la lecture une véritable passion, et il lui fallait cacher les livres qu’elle dévorait. […] Puis, à toi, ta blessure est si simple et si belle, Si belle de motif, et pour un soin si pur, Toi, chaque jour, laissant quelque part de ton aile Au fond du nid obscur, Que c’est pour nous, souffrant de nos fautes sans nombre, De vaines passions, d’ambitieux essor, Que c’est honte pour nous de t’écouter dans l’ombre, Et de nous plaindre encor. […] Ce qui touche le plus dans le récent volume, ce sont les pièces où, sans détour, sans déguisement de drame ou de mythe, l’âme du poëte a éclaté, ces pièces modestes intitulées Plainte, Invocation, Découragement, le Temps, la Commémoration funèbre sur la mort de Mme Guizot, la Passion.
Si la passion vient ainsi fausser le raisonnement, c’est par une faiblesse de la faculté d’abstraire, et le remède consiste à la fortifier le plus possible. […] Enfin toutes ces causes d’erreur peuvent se mêler et concourir dans une fausse généralisation ; on obéit à des préjugés, à une tradition, à l’intérêt ou à la passion, et l’on accepte pour vrais des faits imaginaires ; on jette un coup d’œil distrait sur la réalité ; on la voit de loin, indistinctement, confusément, ou l’on n’en prend qu’une partie ; on fait arbitrairement abstraction de ce qui gêne ou déplaît ; après quoi l’on se prononce avec autorité, et l’on établit des lois, universelles, éternelles. […] Dans tout ce travail, il faudra se détacher de toute passion, de tout amour-propre, se désintéresser en quelque sorte du résultat, et dans quelque opinion qu’on ait commencé sa recherche, quelque preuve qu’on ait poursuivie, il faudra renoncer à tout ce que n’imposeront rigoureusement et exclusivement les faits.
Vous êtes restée jusqu’au bout la petite fille qui, dans les traînes du Berry, inventait de belles histoires pour amuser les petits pâtres… On assure que vous avez vécu fort librement : c’est que vous ne pouviez ni vous garder de la passion ni vous y tenir, votre pente étant surtout à la pitié et à la charité maternelle, qui est la vraie mission de la femme. […] Vos amoureuses adultères sortent broyées de leur aventure ; et, si vous avez paru reconnaître le droit absolu de la passion, ce n’est que de celle qui est « plus forte que la mort » et qui la fait souhaiter ou mépriser. […] Le sentiment moral et la passion pourront avoir leur tour ; mais il faut commencer par « objectiver », comme on dit, la sensation.
Au fond, Michelet conçoit l’amour comme Platon, comme les poètes des Chansons de chevalerie, comme d’Urfé (à cela près que d’Urfé, par un scrupule renchéri touchant la possession physique, ne veut considérer l’amour qu’avant le mariage), comme Corneille enfin, et Pascal lui-même. « À mesure qu’on a plus d’esprit, dit Pascal, les passions sont plus grandes, parce que les passions n’étant que des sentiments et des pensées qui appartiennent purement à l’esprit, quoiqu’ils soient occasionnés par le corps, il est visible qu’elles ne sont plus que l’esprit même et qu’ainsi elles remplissent toute sa capacité. » Pareillement Michelet : « L’amour est chose cérébrale. […] C’est une succession, souvent longue, de passions fort différentes, qui alimentent la vie et la renouvellent. » Autrement dit, un amour, c’est une vie.
Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Seulement, comme c’est en même temps un poète inouï de douleur, d’ironie et de passion, je crois que je l’aime encore pour bien d’autres motifs que ses deux ancêtres, Jean de La Fontaine et Villon. […] Edmond Pilon La bonne Vierge-Vénus et la Vénus-Marie Se penchent, se désolent, sanglotent et prient Sur ton tombeau plus blanc que celui des colombes, De l’Olympe, du Pélion, du Paradis, Des anges, des satyres et des séraphins prient Pour le pauvre homme bon et le poète parti Vers les églises d’encens et les riches prairies Où la harpe entremêle à la flûte fleurie Des rythmes de prière à des chansons d’orgie ; Ta vie toute pareille à celle du pèlerin, Dont la violente jeunesse grisée d’amour et de vin Avance peu à peu vers la prière des anges, Aboutit — ô Verlaine — à ce tombeau étrange Bâti des impuretés de ta jeunesse ardente Et des strophes liliales de tes poèmes chrétiens ; Te voici, à présent, couché dans la prairie ; Mais la rouge passiflore à la fleur de Marie Enlace, malgré tout, sa passion orgueilleuse Aux tiges de la pensée et des fleurs religieuses Que placeront des amis, que sèmeront des fidèles Et que planteront de beaux anges avec leurs ailes… La couronne d’épines et la couronne de roses, Le bâton de Tannhauser et la houlette des fêtes Que Watteau dessina, pour toi, voici deux siècles, S’emmêlent sur ton ombre tourmentée et posent Leur symbolique trophée au bord de ton silence… Verlaine, ton tombeau est un tombeau étrange Que veillent à la fois les amours et les anges… [La Vogue (15 juin 1900).]
Quand on sait les préoccupations et les passions qui agitaient alors ces députés, on conçoit difficilement qu’ils trouvassent beaucoup d’attraits aux jeux des Pantalon et des Zanni. […] Aussi, les confrères de la Passion, qui continuaient à jouer leurs Farces, leurs Soties et leurs Moralités à l’Hôtel de Bourgogne, et qui jouissaient d’un privilège en vertu duquel il était fait défense à tous autres de représenter des jeux dramatiques dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, s’émurent de la redoutable concurrence que leur faisaient les nouveaux venus. […] Les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, à qui les Confrères de la Passion avaient cédé leur privilège, n’étaient plus en mesure de faire une sérieuse opposition aux étrangers protégés par la faveur royale ; ils s’arrangèrent avec eux.
Elle représente la liberté de la passion : l’apothéose de la joie de vivre. Représenter la beauté, glorifier la beauté, c’est glorifier la nature, c’est-à-dire la passion, c’est-à-dire le mal. Jouissance sensuelle et égoïste, joie de se distinguer et d’être distingué, volonté d’individuation et de suprématie, ferment d’orgueil, d’envie et de rivalité, joie égoïste du rêveur oisif et contemplatif, oublieux des tâches et des obligations sociales, appel à la liberté de la passion et à la joie de vivre, la Beauté est tout cela et par tout cela, elle représente l’égoïsme, l’amour de la personnalité, le dédain de la morale.
Les souffrances du poète, ses colères, ses passions, son exil ne sont-ils pas une moitié du poème ? […] Ce n’est donc ni le bien-être ni même la liberté qui contribuent beaucoup à l’originalité et à l’énergie du développement intellectuel ; c’est le milieu des grandes choses, c’est l’activité universelle, c’est le spectacle des révolutions, c’est la passion développée par le combat. […] Villemain, fait naître plus de tracasseries que de grandes luttes, plus d’intrigues que de grandes passions. » L’esprit humain a infiniment plus travaillé sous les années de compression de la Restauration que sous les années de liberté raisonnable qui ont suivi 1830.
. — Les passions posthumes. […] Au déclin du polythéisme, Cicéron écrivait encore : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie fussent comptés au nombre des dieux… Rendez aux dieux Mânes ce qui leur est dû ; ce sont des hommes qui ont quitté la vie, tenez-les pour des êtres divins. » Dans cette vie muette et voilée qu’il continuait sous la tombe, le mort gardait ses passions terrestres : des haines et des amours brûlaient sous sa cendre, une éruption pouvait toujours sortir de ce volcan mal éteint. De ces passions posthumes, la vengeance était la plus forte.
« On comprend, dit M. de Lamartine, rien qu’à voir ce portrait, toute la passion qu’une telle femme dut inspirer à mon père, et toute la piété que plus tard elle devait inspirer à ses enfants. » Oui, l’on comprend la passion, mais non la piété. […] ce feu d’une passion qui s’allume à l’autre, ce roman qui va naître du roman, aura-t-il la même pureté, la même simplicité d’expression ?
Toutes les passions y trouvoient leur compte, la volupté, l’orgueil, & sur-tout la paresse. […] » Que ces paroles devoient faire une impression profonde dans le cœur tendre & vertueux de l’auteur de Télémaque, lui dont l’imagination s’embrasoit par l’idée de la candeur & de la vertu, comme celle des autres s’enflamme par les passions ! […] Mademoiselle Desvieux lui fit le sacrifice de sa passion & de son état, pour ne pas mettre obstacle à la fortune que l’éloquence de son amant lui procureroit dans l’église.