» Un griffon, un char où montent avec le griffon ces nymphes, un arbre qui mue ses feuilles, un aigle qui sème ses plumes sur le char, un dragon qui en sort et qui y replonge sa queue, sept têtes qui sortent ensuite du timon et des quatre coins du char, un géant qui embrasse une courtisane impudique dont je n’ose traduire ici le nom obscène, un vaisseau brisé par un serpent, des naïades qui trouvent le mot des énigmes, les sept nymphes à l’extrémité d’une ombre pâle, des dialogues prophétiques et inintelligibles entre Béatrice et son amant, une eau salutaire bue à grands flots par le Dante et par Virgile et Stace, ces guides, sont les dernières visions du poème.
Effrayé et ravi, il se précipite parmi ses frères, qui n’ont point encore vu ce spectacle ; mais, rappelé par la voix de ses parents, il sort une seconde fois de sa couche, et ce jeune roi des airs, qui porte encore la couronne de l’enfance autour de sa tête, ose déjà contempler le vaste ciel, la cime ondoyante des pins et les abîmes de verdure au-dessous du chêne paternel.
S’il n’avait pas été à l’époque inférieure de la vie morale où l’on est perméable à son temps ; si, devant un des mille ruisseaux de sang qui sillonnent l’histoire, il avait eu cette fermeté de raison qui écrit pour les gens d’État, non pour les têtes poétiques, les enfants et les femmes, il aurait laissé la chimère d’un crime uniquement politique, et il aurait fait de la Saint-Barthélemy ce qu’elle est réellement, une action catholique, à laquelle nul historien n’a encore osé donner son nom.
Qu’il soit entendu seulement que, en pratique, on n’attend pas, pour travailler sur les documents, d’être imperturbablement maître de toutes les « connaissances auxiliaires » : on n’oserait jamais commencer. […] On applique aux auteurs la procédure judiciaire qui classe les témoins en recevables et non recevables : dès qu’on a accepté un témoin on se sent engagé à admettre tous ses dires ; on n’ose douter d’une de ses affirmations que si l’on prouve des raisons spéciales d’en douter.
D’autres on a dit : « Certes ils ont trop osé ; mais l’audace était belle » ; de lui on peut dire : « Il y fut très discret, mais il était expert. » Ronsard et son groupe, c’est l’humanisme intempérant, véhément, et presque intransigeant. […] Oserai-je dire que cette méthode n’est pas la bonne pour tous les auteurs, et que pour Goethe j’ai peur qu’elle ne soit pas la meilleure qu’on eût pu prendre ? […] Et à supposer qu’elle en ait un, qu’en vérité je cherche, elle est bernée dupée dans cette affaire, je n’ose dire roulée, bien qu’il s’agisse d’une course en fiacre, d’une façon qui ne va pas du tout avec son caractère très prudent et très avisé.
Osa est peiné de voir le Don Juan si grand, si vaste ai si haut, au premier acte, passer, dès le second, sans transition, à ce qu’on appelle la période ancillaire et-séduire des paysannes en leur promettant le mariage, comme le dernier des courtauds de boutique. […] Molière n’osa pas la jouer sur son théâtre et se contenta de la lire dans les compagnies. […] » Mariane s’écrie : « Qui l’aurait osé dire ?
Les esprits de ce genre, Montaigne par certains côtés, Pascal plus souvent qu’on ne croit, Voltaire quelquefois, ont cela de terrible que, même après leur mort, on n’ose pas discuter avec eux ; on sent qu’ils vont nous rire au nez. […] J’ai peur qu’il ne me le dise, si je le rencontre, ce que j’ose espérer qu’il me souhaite. […] J’ose avoir la crainte ou l’espoir qu’elle oubliera celle d’Hugo. […] Nos poètes ont enfin osé parler en leur nom.
Une toile futuriste invite l’œil à la cinématographier, comme une toile impressionniste invite l’œil à la recomposer avec des taches ; mais l’œil, si j’ose dire, n’en fait qu’à sa tête : s’il est jusqu’ici (je parle du mien) consentant aux invites de l’impressionniste, il ne veut rien savoir devant celles du futuriste, et il a beau tourner sa manivelle, le cinéma ne marche pas. […] De sorte que le livre se termine, en somme, par de la sagesse authentique tout de même, une sagesse qu’on n’osait plus espérer. […] Sa timidité s’emploie à ne pas oser rompre les liens que lui-même a formés, à reculer devant l’énergie brutale qui infligerait la souffrance à l’être aimé.
L’autre est, après Bergson, et j’oserais presque dire avec Bergson, le seul bergsonien qui sache aussi de quoi on parle. […] qu’oses-tu souhaiter ? […] Pour avoir une retraite assurée, (c’est-à-dire de l’argent assuré quand on sera vieux) on ne dit pas, on n’écrit pas ce que l’on pense, ce que l’on a à dire et à écrire, ce que tout le monde sait, ce que personne n’ose dire ni écrire. […] Quant à Daniel, il posait négligemment sur la croupe de ces lions un pied familier que je n’oserais pas poser, moi, sur la croupe d’un modeste terre-neuve).
Tous les matins à sept heures, en hiver comme en été, le duc de Fronsac, par ordre de son père, se trouvait au bas du petit escalier qui conduit à la chapelle, uniquement pour donner la main à Mme de Maintenon qui partait pour Saint-Cyr169. « Pardonnez-moi, Madame, lui écrivait le duc de Richelieu, l’extrême liberté que je prends d’oser vous envoyer la lettre que j’écris au roi, par où je le prie à genoux qu’il me permette de lui aller faire de Ruel quelquefois ma cour ; car j’aime autant mourir que d’être deux mois sans le voir.
Bonaparte voulait laisser mûrir la versatilité publique ; M. de Talleyrand la croyait mûre tous les jours pour qui oserait en arracher le fruit.