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1130. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Ils peuvent ensuite modifier ou développer, ou mûrir ou racornir leurs idées, mais, pour la forme, pour la mode et pour la coupe, si j’ose dire, on les reconnaît ; ils ont une date, ils nous la donnent fixe et bien précise, celle de l’instant de leur départ. […] Il parle souvent de ce dernier passage, tout en étant d’avis qu’il faut le couler le plus insensiblement qu’il se peut : « Si je fais un long discours sur la mort, après avoir dit que la méditation en était fâcheuse, c’est qu’il est comme impossible de ne faire pas quelque réflexion sur une chose si naturelle ; il y aurait même de la mollesse à n’oser jamais y penser… — Du reste, il faut aller insensiblement où tant d’honnêtes gens sont allés devant nous, et où nous serons suivis de tant d’autres. » Il professe la théorie du divertissement, ou du moins il ne semble en rien en blâmer l’usage : « Pour vivre heureux, il faut faire peu de réflexion sur la vie, mais sortir souvent comme hors de soi ; et, parmi les plaisirs que fournissent les choses étrangères, se dérober la connaissance de ses propres maux. » Il se plaint par moments du trop ou du trop peu de l’homme, ou plutôt il s’en étonne comme d’une bizarrerie, mais sans en gémir avec la tendresse et l’anxiété qu’y mettra l’auteur des Pensées.

1131. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Son intelligence s’est élargie, sa science s’est accrue ; il a étudié, appris, compris beaucoup de choses et de beaucoup de façons ; mais il n’a plus osé ni pu ni voulu vouloir. […] Heureux celui qui vit de ses revenus, qui n’éprouve d’autre besoin que celui de digérer et de dormir, et savoure toute vérité dans le pâté de Reims que nul n’oserait censurer en sa présence !

1132. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Vinet est un des maîtres les plus éclairés de la diction, parce que, si j’osais exprimer toute ma pensée, je dirais qu’après M. […] Lorsque, venant au poëme qu’on évite de nommer, mais qu’il ose louer littérairement, M.

1133. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Mais j’ose affirmer que c’est une société réelle. […] Les termes de personnalité sordide et de grossière fatuité 57, que j’ose à peine transcrire, expriment-ils (solennité et perruque à part) le fond exact de sa nature ?

1134. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Tout ceci nous conduirait, si nous l’osions, à conclure avec Corneille que Racine avait un bien plus grand talent pour la poésie en général que pour le théâtre en particulier, et à soupçonner que, s’il fut dramatique en son temps, c’est que son temps n’était qu’à cette mesure de dramatique ; mais que probablement, s’il avait vécu de nos jours, son génie se serait de préférence ouvert une autre voie. […] Je compte les miennes pour rien ; mais votre mère et vos petites sœurs prioient tous les jours Dieu qu’il vous préservât de tout accident, et on faisoit la même chose à Port-Royal. » Et plus bas : « M. de Torcy m’a appris que vous étiez dans la Gazette de Hollande : si je l’avois su, je l’aurois fait acheter pour la lire à vos petites sœurs, qui vous croiroient devenu un homme de conséquence. » On voit que madame Racine songeait toujours à son fils absent, et que, chaque fois qu’on servait quelque chose d’un peu bon sur la table, elle ne pouvait s’empêcher de dire : « Racine en auroit volontiers mangé. » Un ami qui revenait de Hollande, M. de Bonnac, apporta à la famille des nouvelles du fils chéri ; on l’accabla de questions, et ses réponses furent toutes satisfaisantes : « Mais je n’ai osé, écrit l’excellent père, lui demander si vous pensiez un peu au bon Dieu, et j’ai eu peur que la réponse ne fût pas telle que je l’aurois souhaitée. » L’événement domestique le plus important des dernières années de Racine est la profession que fit à Melun sa fille cadette, âgée de dix-huit ans ; il parle à son fils de la cérémonie, et en raconte les détails à sa vieille tante, qui vivait toujours à Port-Royal dont elle était abbesse25 ; il n’avait cessé de sangloter pendant tout l’office : ainsi, de ce cœur brisé, des trésors d’amour, des effusions inexprimables s’échappaient par ces sanglots ; c’était comme l’huile versée du vase de Marie.

1135. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Je trouve sur la même liste Jean-Jacques Rousseau pour ses Confessions, une œuvre de courage, où se mêle sans doute une veine de folie ou de misanthropie bizarre, mais production à jamais chère à la classe moyenne et au peuple, dont elle a osé représenter pour la première fois les misères, les durs commencements, les mœurs habituelles, les désirs et les rêves de bonheur, les joies simples, les promenades au sein de la nature, sans en séparer jamais l’espérance en Dieu ; car, à celui-là, vous ne lui refuserez pas, je le pense, de croire en Dieu, d’y croire à sa manière, qui.à l’heure qu’il est, est celle de bien des gens. […] Composé de tant de lumières, qu’il daigne réfléchir, qu’il ose résister à la faute qu’on lui propose.

1136. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Le peuple est tout prêt à la révolte ; le pain augmente d’un sol par jour ; aucun marchand n’ose ni ne veut apporter ici son blé. […] Dans les correspondances manuscrites, je vois les syndics et maires de village estimer la quantité des subsistances locales, tant de boisseaux dans les greniers, tant de gerbes dans les granges, tant de bouches à nourrir, tant de jours jusqu’aux blés d’août, et conclure qu’il s’en faut de deux, trois, quatre mois pour que l’approvisionnement suffise. — Un pareil état des communications et de l’agriculture condamne un pays aux disettes périodiques, et j’ose dire qu’à côté de la petite vérole qui, sur huit morts, en cause une, on trouve alors une maladie endémique aussi régnante, aussi meurtrière, qui est la faim.

1137. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

X Cependant l’immobilité des deux armées se prolongeait ; l’une n’osait pas avancer, l’autre ne pouvait pas reculer sans livrer le peuple. […] XIX Poursuivi de nouveau par Saül, le jeune chef ose descendre une nuit dans le camp avec Abisaï, un de ses plus intrépides compagnons.

1138. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Il vous fait tout avaler « si j’ose m’exprimer ainsi ». […] Si j’osais, je dirais que certains chapitres des Tribulations sont ce qu’on a jamais écrit de plus approchant des Contes de Voltaire, et, si je ne le dis pas, c’est lâcheté pure : on ne voudrait pas me croire.

1139. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Ce service est si grand, qu’on ose à peine parler des erreurs de l’Esprit des lois. […] Oserai-je dire que ce qui importe, ce n’est pas de compter les fautes de Montesquieu, mais de rechercher par quelle cause générale il se trompe ?

1140. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Ni les ardeurs combattues de Didon, ni les langueurs d’Épicharis n’ôtent du prix à la peinture de Virginie perdant la sérénité et le sourire, gaie tout à coup sans joie et triste sans chagrin, n’osant plus arrêter ses yeux sur ceux de Paul, se dérobant à ses caresses qu’autrefois elle cherchait, s’éloignant de la maison, fuyant dans la solitude pour éviter Paul et ne s’y trouvant que plus en sa présence ; puis revenant auprès de sa mère, « pour lui demander un abri contre elle-même », et se dérober dans son sein à l’image aimée dont elle n’ose plus parler. […] L’ouvrage auquel appartient cette page, les Mémoires d’outre-tombe, écrits à différâtes époques de sa vie, mais repris, et, si j’ose dire, surchargés dans une dernière rédaction, ont eu la triste fortune de faire trouver l’orgueil de J.

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