Voilà en quoi consiste la question véritable, ou plutôt il n’y a pas là de question, En effet, pour qu’une résurrection si miraculeuse de l’auteur original fût possible, il faudrait entre son traducteur et lui non-seulement une égalité, mais une identité de talent ; et, quand on l’obtiendrait par une sorte de métempsycose, le peu d’analogie qu’il y a du traduire au produire, surtout le peu de ressemblance Ses idiomes, suffirait encore pour empêcher fréquemment le succès. […] Ces conditions remplies par le traducteur, on a droit de proclamer son œuvre excellente, non pas qu’elle exprime jamais l’original, si l’original est d’un grand maître, non pas même qu’elle en approche de fort près, mais parce qu’elle en approche d’aussi près, parce qu’elle l’exprime aussi bien que le comportent la différence des procédés et celle des idiomes. […] Distraits en effet à chaque pas par des difficultés de détail, forcés de reprendre souvent haleine, et de cheminer péniblement phrase à phrase ; de plus, dénués de verve personnelle, et revenant puiser sans cesse à celle de l’original, ils courent risque, s’ils n’y prennent garde, de laisser trace en leur ouvrage de ces allées et venues perpétuelles, et de fatiguer le lecteur par leur marche inégale et heurtée.
Delacroix est décidément le peintre le plus original des temps anciens et des temps modernes. […] Certes le dernier moyen est le plus original. […] Brune a été jadis plus original. — Qui ne se rappelle l’Apocalypse et l’Envie ? […] Bartolini, avec ses imperfections, nous paraît plus originale. […] Debay n’ait pu mettre au service d’une idée aussi originale qu’une exécution qui ne l’est pas assez.
Si la lecture des textes originaux n’est pas l’illustration perpétuelle et le but dernier de l’histoire littéraire, celle-ci ne procure plus qu’une connaissance stérile et sans valeur. […] Je voudrais donc que cet ouvrage ne fournît pas une dispense de lire les œuvres originales, mais une raison de les lire, qu’il éveillât les curiosités lieu de les éteindre. […] Je suis porté à croire que si l’on donnait des éditions, je ne dis pas scolaires, mais simplement communes et populaires des chefs-d’œuvre de la vieille langue, si quelques spécialistes mettaient leurs soins à établir pour ces éditions une orthographe moyenne et partiellement conventionnelle, qui fixât les mots dans une forme unique d’un bout à l’autre de chaque œuvre et pour certains groupes assez larges d’écrivains, et qui facilitât la lecture des textes originaux, on ferait aisément entrer le meilleur de notre moyen âge dans le domaine commun de la littérature. […] J’ai fait connaître, lorsqu’il y avait un intérêt quelconque, les éditions originales : mais, à l’ordinaire, je me suis contenté d’indiquer les meilleures, les plus modernes (quand elles sont les meilleures), et, en certains cas, les plus accessibles à tout le monde. […] Il m’a communiqué les notes manuscrites d’un cours qu’il a professé à l’École Normale sur le xvie siècle : la personnalité originale dont il a empreint cette étude, comme toutes les autres, m’a seule imposé la discrétion dans l’usage que j’ai fait de ces notes suggestives et de ces plans lumineux.
Il n’a pas construit de système, mais il a disposé dans ses romans, ses drames, ses poèmes, son Journal intime, toutes les pièces d’un système original et triste. […] La seconde partie du recueil, plus intime, nous offre un peu de pittoresque avec beaucoup d’amour ou d’amicale affection : aucun sentiment bien profond ni original, une virtuosité souvent exquise d’expression. […] Nous verrons aussi qu’il a su faire un usage original et charmant de la forme dramatique. […] Pas d’images curieuses ou originales ; pas de style savant et artiste ; le jargon pâteux, incolore, banal de tout le monde : le style de Scribe, pour tout dire. […] Ce fut un esprit original et chercheur, un artiste insuffisant.
Et d’abord il a traduit Homère : il l’a travesti, dit-on ; et là-dessus on l’écrase, on le compare à La Motte ; prenant le texte original en deux ou trois endroits, on se donne l’honneur d’une facile victoire. […] Pour être juste, il faudrait commencer par dire que Pope a parfaitement bien senti et bien admiré Homère ; que sa préface est d’une excellente critique pour le temps, et bonne encore à lire aujourd’hui ; que la grandeur, l’invention, la fertilité de l’original, cette vaste universalité première d’où chaque genre ensuite a découlé, sont admirablement comprises. […] Il faut lire cela dans l’original pour estimer Pope à son prix. […] Gray le mélancolique, le délicat, si original, est trop étranglé ; il n’y a nul rapport entre Gray et Lamartine, pas plus qu’entre une perle et un lac. […] Taine, tel qu’il s’offre dans cette première forme une et entière, subsistera comme une des œuvres les plus originales de notre temps.
Les œuvres originales ne se firent pas attendre. […] Il connaît les sources : il établit solidement sur les documents originaux les bases de son travail. […] Dans une seconde partie, plus originale et plus profonde encore, Tocqueville nous découvre l’influence de la démocratie sur le mouvement intellectuel, sur l’état moral et sentimental, sur les mœurs, et la réaction des idées, des sentiments et des mœurs sur le régime politique. […] Cependant, lorsqu’il se mit à étudier les documents originaux, il s’aperçut que « l’ordre des considérations politiques où il s’était tenu jusque-là » était « trop aride et trop borné », que par ses vues systématiques il « obtenait des résultats factices », enfin qu’il « faussait l’histoire ». […] Il saisit très adroitement dans les documents originaux l’expression colorée qui date et caractérise le récit, qui contient comme l’âme du passé : mais, malgré tout, il n’est pas suffisamment artiste.
Clément s’efforce de prouver que le Poëme de la Peinture n’est qu’une amplification de quelques passages de celui de du Fresnoy * sur le même sujet, & d’élever ce dernier au dessus du premier, sous prétexte qu’il le trouve plus instructif & plus original. […] Si on peut reconnoître en lui le caractere de quelque Auteur original, c’est sans contredit celui de Virgile. […] Il a fait plus ; semblable à l’Abeille qui fait tirer des fleurs les sucs primitifs dont elle fait son miel, en les transformant en sa propre substance, il s’est nourri des beautés de ce grand Poëte, sans qu’on puisse l’accuser de lui avoir rien dérobé, & par-là il est devenu lui-même original. […] Il se transforme en son Original, évite ses défauts, s’approprie ses beautés, & , en les adoptant au sujet qu’il traite, il sait leur donner une forme & un caractere qui les lui rend propres.
Les tableaux des autres, et sur tout les tableaux des concitoïens sont des originaux douteux. […] On sçait que plusieurs peintres se sont trompez sur leurs propres ouvrages, et qu’ils ont pris quelquefois une copie pour l’original qu’eux-mêmes ils avoient peint. Vasari raconte, comme témoin oculaire, que Jules Romain, après avoir fait lui-même la draperie dans un tableau que peignoit Raphaël, reconnut pour son original la copie qu’André Del Sarte avoit faite de ce tableau.
Ce simple traducteur de Plutarque s’est acquis la gloire personnelle la plus enviable ; on le traite comme un génie naturel et original. […] Il y met du liant ; sa phrase court comme une phrase naturelle et d’un auteur original, qui n’a pas songé à lutter et à jouter. […] On trouverait pourtant chez Amyot, parlant en son nom, quelques pages d’une éloquence douce et de vieillard ; mais sa force, son talent est ailleurs : il n’a son génie propre que quand il est porté par un autre et quand il traduit ; il n’est original et tout à fait à l’aise que quand il vogue dans le plein courant de pensée de l’un de ses auteurs favoris. Et c’est en cela qu’il est vraiment le premier et le roi des traducteurs : autrement il ne serait qu’un auteur original qui se serait mépris. […] En France, la traduction d’Amyot est devenue un ouvrage original. » Ç’a été mon point de départ, et ce sera là aussi mon unique conclusion.
Une vingtaine d’Ouvrages traduits de l’Anglois n’ont pas été capables de lui faire une réputation : peut-être a-t-il mal choisi ses Originaux ? Peut-être ses Originaux ont ils trouvé un mauvais Traducteur.
Ce n’est donc pas, disons-le franchement, dans les poésies originales qu’est pour nous le mérite de la nouvelle publication de M. […] Le xvie siècle ne fut pas seulement un temps de fortes études, il fut un temps de création en tous genres ; son énergie originale ne fut point étouffée par son immense labeur d’érudition, et il n’eut pas moins de vie que de science. […] Pourtant, nous l’avons dit, ce latin du xvie siècle est aussi du latin original ; et, quoi de plus naturel à Jean Second que de chanter sa maîtresse dans cette langue de Lesbie, qui avait été, après tout, la langue d’Héloïse ?