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469. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Le jour où les poètes ne se considéreront plus que comme des ciseleurs de petites coupes en or faux, où on ne trouvera même pas à boire une seule pensée, la poésie n’aura plus d’elle-même que la forme et l’ombre, le corps sans l’âme : elle sera morte. […]  » A quoi sert d’éclairer ces prés, ces gorges sombres   » De salir tes rayons sur l’herbe dans ces ombres ? […] Ombre des mauvais jours qui souvent les devance !

470. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

» Enfin c’est l’animal qui a continuellement peur, exactement comme le lièvre qui est si craintif que Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donne la fièvre et qu’il s’enfuit non pas devant un chien, mais devant l’ombre du chien, et qui, pourtant, redresse ses oreilles quand il s’est aperçu, passant le long d’un étang, qu’il effrayait les grenouilles. Cette sorte de rivalité, d’émulation dans la timidité est fort amusante et nous sert de leçon parce qu’il faut nous dire qu’il y a parmi nous des grenouilles et des lièvres qui s’effraient du moindre accident, de la moindre ombre d’accident possible et qui créent le danger à le craindre.

471. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

En attendant cette heure, qui peut-être ne sonnera jamais pour eux, ces ombres, ces héros de limbes, sommeillent dans le souvenir ou dans le cahier des notes, qui est rouge, ou gris, ou bleu, suivant l’humeur. […] L’ombre achève de tomber. […] Il voit, avec une netteté qui ne laisse rien dans l’ombre, toute l’œuvre dont il n’a pas tracé une ligne, il l’aperçoit achevée, avec les portraits, les dialogues, les paysages, avec la beauté de rêve qu’il espère traduire.

472. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Une ombre l’intimide, un souffle la glace, une vaine imagination la paralyse et la tarit. […] Sans doute ce sont là quelques-unes des causes qui ont contribué à les laisser dans l’ombre. […] Il n’a pas vu que l’ombre du passé s’étendait sur lui, absolument comme l’ombre du moyen âge s’étend sur Hamlet. […] C’est avec une autre aisance que la sienne que Dante parcourt les régions du monde surnaturel, et que Faust accomplit son voyage chez les mères, à travers les royaumes des ombres et des abstractions. […] Leurs pauvres ombres demeurent comme écrasées sous le souvenir de l’homme puissant qui les approcha.

473. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Et tout à coup, à travers cette ombre neigeuse, une musique lointaine, venue on ne sait d’où, passa sur la mer. […] Et ces flammes dansaient, changeaient, s’enlaçaient, toujours plus hautes et plus gaies, faisant monter et courir le long des murailles les ombres allongées des choses… Oh ! […] Et nous, nous dirons à beaucoup de jeunes peintres qui, par horreur des ombres fausses, tombent dans les pâleurs d’une anémie blafarde pire que la sauce bolonaise ; nous leur dirons : Faites de l’ombre que le bourgeois ne voie pas. J’en dirai autant à propos de ces fameux violets dans les ombres dont M.  […] Tous les soirs donc à la sortie du théâtre, j’en apercevais régulièrement, dans les environs, deux ou trois qui se tenaient cachés dans l’ombre, et qui étaient tout prêts à me suivre.

474. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Les trois chevaliers furieux se tournent vers le sire de Joux en l’accusant ; mais lui-même, que ce spectacle renverse, tombe et meurt suffoqué de colère au moment où il leur jette son démenti : Cependant sur leurs haquenées Galopaient les dames de Joux, Fuyant, ainsi que trois damnées, L’ombre d’un père et leurs époux.

475. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

La porte grinça ; les feuilles mortes, chassées par le, vent, entrèrent avec eux dans l’ombre, roulèrent jusqu’au large divan du fond, sous un trophée de glaives…Les chiens, n’entendant plus marcher, s’étaient tus. » Ce « n’entendant plus marcher » est une trouvaille pour laquelle je donnerais toutes les lignes de blanc si suggestives de M. de Camors.

476. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

ce fut une jeune fille qui suivit avec un morceau de charbon, les contours de la tête de son amant dont l’ombre était projetée sur un mur éclairé.

477. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

C’est lui qui crée le silence, la fraîcheur et l’ombre dans les forêts.

478. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Faibles de donnée et d’exécution, entre Scarron et mademoiselle de Scudéry, sans les qualités et le relief de l’un et de l’autre, les Mémoires de Hollande pouvaient rester dans l’ombre où le Temps, juste, cette fois, les avait mis.

479. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Et il s’en va poursuivant, les pieds dans la boue, l’essaim des ombres héroïques et charmantes. […] Le rêve dispose à la molle tendresse et à la volupté, et vraiment c’est une chose cruelle, quand on a vu de si près l’ombre de Cléopâtre et l’ombre de Ninon, d’être rebuté par une jeune modiste qui n’a point de littérature. […] La mère du roi d’Ithaque, la vénérable Anticlée, s’élève dans cette nuée d’ombres. […] Et il semble, par ce qui suit, qu’Anticlée était restée muette et qu’Ulysse ne savait pas comment faire parler cette ombre vénérable. […] On y voit qu’il est criminel de vendre non pas seulement sa pensée, mais même son ombre.

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