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194. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

On n’aurait pas l’idée, d’ailleurs, de s’occuper particulièrement de lui : il n’offre qu’un intérêt assez médiocre comme individu ; il était assez spirituel, mais sans pouvoir passer pour véritablement distingué : c’est comme existence, comme variété et bizarrerie de condition sociale, que le personnage est curieux à connaître : prince du sang, abbé, militaire, libertin, amateur des lettres ou du moins académicien, de l’opposition au Parlement, dévot dans ses dernières années, il est un des spécimens les plus frappants, les plus amusants à certains jours, les plus choquants aussi (bien que sans rien d’odieux), des abus et des disparates poussés au scandale sous un régime de bon plaisir et de privilège. […] Louis XV étant tombé malade à Metz pendant cette campagne, le comte de Clermont, sur le conseil de M. de Valfons (celui-ci du moins s’en vante), se rendit auprès du roi, là où était sa place et il n’eut qu’à s’en féliciter ; comme depuis le commencement de la maladie, les deux sœurs (Mme de Châteauroux et de Lauraguais), M. de Richelieu et les domestiques inférieurs étaient les seuls qui entrassent dans la chambre du roi, au grand murmure des princes du sang et des grands officiers exclus, qui attendaient dans une sorte d’antichambre, il prit sur lui d’entrer sans permission dans la chambre du roi et de lui dire « qu’il ne pouvait croire que son intention fût que les princes de son sang, qui étaient dans Metz occupés sans cesse de savoir de ses nouvelles, et ses grands officiers fussent privés de la satisfaction d’en savoir par eux-mêmes ; qu’ils ne voulaient pas que leur présence pût lui être importune, mais seulement avoir la liberté d’entrer des moments, et que pour prouver que pour lui il n’avait d’autre but, il se retirait sur-le-champ. […] Le même Rochambeau nous donne un détail que Valfons, tout occupé de ses affaires personnelles et de ses griefs, a négligé : « M. le comte de Clermont étant entré dans la ville et logé à l’évêché, l’évêque vint lui donner une alarme qui était très bien fondée. […] M. le comte de Clermont m’y envoya sur-le-champ : j’y trouvai nos compagnies d’ouvriers occupées à le déblayer, ils étaient obligés de prendre, avec le bas de leurs habits, les tonneaux les plus près de la voûte, qui était déjà brûlante.

195. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Elles arrivèrent le soir, et, dès le lendemain, elles occupaient, dans la rue qui continue la place, la petite maison où depuis bien des années était situé le bureau. […] Les deux personnes qui venaient occuper cette humble et assujettissante position, et passer de longues journées sans murmure à ces fenêtres monotones et en vue de cette grille de bois, étaient bien loin de s’y trouver accoutumées par leur vie antérieure. […] Le comte Hervé était trop occupé de ce qu’il recevait pour s’apercevoir d’autre chose ; il sortit en saluant, et lorsqu’il passa devant les fenêtres, Christel vit qu’il avait déjà brisé l’un des cachets, et qu’il commençait à lire avidement ce qui semblait si pressé de l’atteindre. […] Quel était-il, cet amour qui occupait tant le comte Hervé, qui l’avait arraché aux plaisirs d’une vie brillante, et le reléguait depuis près de six mois aux champs dans une unique pensée ?

196. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Il a observé partout, dans les idées, dans les mœurs, et dans le gouvernement, la plus étrange confusion : les législateurs occupés à détruire ou neutraliser les effets de la Révolution, à restreindre la liberté, borner l’égalité ; l’autorité méprisée et redoutée, l’administration centralisée et oppressive ; le riche et le pauvre en face l’un de l’autre, se haïssant, ne croyant plus au droit, mais à la force ; les chrétiens épouvantés de la démocratie, qui est selon l’Évangile ; les libéraux hostiles à la religion, qui est essentiellement libérale ; les honnêtes gens en guerre contre la civilisation dont ils devraient diriger la marche : dans tout cela, le progrès évident, irrésistible, de l’égalité, partant de la démocratie. […] Ainsi, occupé à chercher des armes « contre les tendances réactionnaires du gouvernement », Thierry ne voulait encore que faire l’histoire « à la manière des écrivains de l’école philosophique, pour extraire du récit un corps de preuves et d’arguments systématiques ». […] Il est tout occupé à son œuvre de résurrection, qu’il mène avec une rare intelligence : ses idées générales ne lui servent plus qu’à distinguer sûrement les détails aptes à figurer comme types. […] L’histoire d’Angleterre est mise presque au même plan que l’histoire de France par les Guizot, les Villemain, les Thierry ; la révolution d’Angleterre est la première étude qui occupe Guizot et Villemain.

197. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Mme du Châtelet n’était pas une personne vulgaire ; elle occupe dans la haute littérature et dans la philosophie un rang dont il était plus aisé aux femmes de son temps de sourire que de le lui disputer. […] Mais il a raison quand il ajoute : Tout ce qui occupe la société était de son ressort, hors la médisance. […] Les conséquences de cette liaison nouvelle sont assez connues ; il s’ensuivit l’aventure à demi grotesque, indécente et funeste, qui occupa tant la société d’alors, et qui amena la mort de Mme du Châtelet, à Lunéville, six jours après son accouchement, le 10 septembre 1749. […] Si vous ne devez m’aimer que faiblement, si votre cœur n’est pas capable de se donner sans réserve, de s’occuper de moi uniquement, de m’aimer enfin sans bornes et sans mesure, que ferez-vous donc du mien ?

198. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Cependant, seul, dans les loisirs des garnisons et, dans ses quartiers d’hiver, il s’occupait continuellement des études sérieuses et des lettres ; à l’aide de quelques bons livres joints à beaucoup de réflexion, il avait mûri ses pensées, et il s’était appliqué, plume en main, à s’en rendre compte : Voulez-vous démêler, rassembler vos idées, conseillait-il par expérience, les mettre sous un même point de vue et les réduire en principes ? […] Mais lorsque, malgré la fortune et malgré ses propres défauts, j’apprends que son esprit a toujours été occupé de grandes pensées, et dominé par les passions les plus aimables, je remercie à genoux la Nature de ce qu’elle a fait des vertus indépendantes du bonheur, et des lumières que l’adversité n’a pu éteindre. […] On le voit perpétuellement occupé de rechercher et d’entretenir le rapport du sentiment à l’idée, se faisant scrupule de retrancher aucun mobile naturel, et trop heureux de favoriser toute inspiration salutaire ou généreuse : « Si vous avez, disait-il à un jeune ami, quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rende plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère !  […] On ne voit pas qu’il ait été occupé des femmes dans les années où il écrit, et le peu qu’il en dit nous montre un homme revenu : « Les femmes ne peuvent comprendre, dit-il, qu’il y ait des hommes désintéressés à leur égard. » Il semble que, brisé avant l’âge par les maladies, il se soit retranché sur ce point jusqu’aux regrets stériles : « Ceux qui ne sont plus en état de plaire aux femmes et qui le savent, s’en corrigent. » Sans être insensible aux lumières de son temps et sans y fermer les yeux, il était loin de s’en exagérer l’importance, et il se préoccupait du perfectionnement moral intérieur, bien plus que de cette perfectibilité générale à laquelle il est si commode de croire et de s’abandonner.

199. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

C’est que Rulhière savait si bien par cœur son Jean-Jacques, qu’il le reconnaissait à chaque ligne, dans ses soupçons, dans ses reproches : Comme je suis au courant du caractère de notre homme et de son faire, comme je pourrais, en cas de besoin, lui tenir lieu de secrétaire intime et le suppléer en son absence, je ne me suis guère occupé, en lisant votre correspondance, que de ce qu’il devait, d’après mes données, vous dire ou vous écrire ; et j’ai si bien rencontré, que je m’en suis félicité. […] Cependant Dusaulx, tout occupé de sa lettre, insistait pour savoir s’il devait l’envoyer : Gardez-vous-en bien ! […] Rulhière, toujours occupé de son sujet de comédie, comme l’autre de sa lettre, continue de définir Jean-Jacques et de montrer à Dusaulx quelle chimère et quelle vanité d’amour-propre (sous forme d’enthousiasme) il y a de sa part à prétendre consoler un pareil homme : Mais, de bonne foi, qu’espérer d’un homme qui en est venu au point (la chose est certaine) de se méfier de son propre chien, et cela parce que les caresses de ce pauvre animal étaient comme les vôtres trop fréquentes, et qu’il y avait là-dessous quelque mystère caché ? […] Il est à la piste de son sujet ; il n’est occupé que de cela, et aussi de faire preuve de finesse, tout en faisant sentir légèrement la griffe à celui avec qui il cause.

200. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Seulement il cultivait en propriétaire, c’est-à-dire avec plus d’amour, et il occupait un banc de l’église avec les notables de l’endroit. […] Personne n’est venu l’occuper. […] Mais ce que je vois clairement, c’est que, grâce à la presse, les hommes qui habitent les régions les plus différentes sont occupés des mêmes événements ou des mêmes incidents presque aux mêmes heures. […] Pour cette raison et pour d’autres qui se devinent, la vie de ceux-ci est généralement occupée et sérieuse.

201. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

L’abbé de Saint-Pierre fit peu parler de lui pendant vingt ans, jusqu’à la mort de Louis XIV ; il était occupé en silence, et avec une bonne fois parfaite, du perfectionnement de ses idées et de l’accroissement graduel de sa raison. […] En utopiste logique et conséquent, ce qui l’occupait avant tout, c’était l’ensemble et l’enchaînement de ses chères idées, desquelles devait immanquablement résulter la félicité universelle. […] Pour ceux qui y regardent de près et qui tiennent à voir les hommes tels qu’ils ont été, sans se contenter de l’à-peu-près des statues, une petite question se pose et revient toujours, bon gré mal gré, dès qu’on s’occupe de ses œuvres et de ses mérites : Était-il donc aussi ennuyeux à écouter qu’à lire ?

202. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Tout en continuant de s’occuper de philosophie, d’entretenir ses disciples, de surveiller son école et de publier avec soin ses anciens écrits, ses anciens cours, il tourna presque brusquement à la littérature. […] Cousin en était venu à s’occuper d’histoire au sens le plus sévère du mot ; il s’était attaché à Mazarin ; il tenait à éclaircir et à expliquer jusqu’à la dernière précision, jusqu’à la minutie même, certaines circonstances de la vie du grand négociateur. […] Croyez-bien, — ou plutôt laissez-moi être persuadé que vous le saviez déjà, — que votre pensée n’a cessé un moment de m’être présente pendant que je m’occupais de l’illustre ami que nous avons tous perdu.

203. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Verlaine, à qui sa jambe malade interdisait les étages, occupait une chambre au rez-de-chaussée. […] Bien que l’on commençât à s’occuper de lui dans les journaux, ses droits d’auteur ne lui rapportaient rien. […] Un tub en occupait le centre et les regards étaient pris, en entrant, par l’éblouissement d’une triple rangée de bottes vernies, impeccablement alignées, comme une armée de parade, un jour de revue.

204. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Dans le cas d’extrême pauvreté (non pas de pauvreté modérée), les circonstances qui amènent à associer l’enfant avec des idées agréables, manquent ou bien sont neutralisées par la nécessité de travailler constamment, de s’occuper peu de lui, etc. […] Comme ils s’occupent peu de l’éducation de l’enfant, ils ne peuvent associer à son idée que peu d’idées de plaisirs ou de peines. […] « Nous pouvons expliquer maintenant les phénomènes classés sous les titres de sens moral, facultés ou affections morales. » Quoique plusieurs des psychologues qui nous occupent aient une tendance marquée à esquisser en passant un traité sur les mœurs, nous serons très court sur ce point ; car si la psychologie touche à la morale, la psychologie n’est pas la morale.

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