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366. (1894) Textes critiques

Plutôt ayant tout vu, senti, appris, il s’en déleste par l’oubli, qui est pareillement mémoire, et de la synthèse du complexe se refait la simplicité première (Filiger, Bernard…), uniprimauté qui contient tout, comme l’un insexué engendre tous les nombres, portraiturant de chaque objet au lieu de la vie l’être, ou synonymes : le principe de synthèse (incarné particulier), l’idée ou Dieu.‌ […] Courbé sous le nombre, au vol des oiseaux perchés sur les pontuseaux, on pénétrera les rouges obscurités des voûtes des temples et les boudoirs semblables à des chapelles sans Dieu où il seyait de lire les précédents livres. […] Elle est assez inoffensive, malgré qu’elle soit le nombre, parce qu’elle combat contre l’intelligence. […] Et si nous connaissons d’autre part le Don Juan aux mille et trois amours, il ne nous est guère autre chose qu’un chiffre, indéfini seulement et non infini, comme tous les nombres. […] A l’apparition de la vierge mystique et du nouveau nombre, Don Juan abandonne Mille-et-trois, et l’on voit s’avancer l’une vers l’autre les deux forces.‌

367. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

En quelque endroit qu’il porte ses armes, il trouve à son arrivée toutes choses prêtes à le couronner de gloire, et vous faites beaucoup plus pour lui que jamais le bonheur ne fit pour César, puisqu’il a vaincu souvent avant même que d’avoir vu… Résumant dans un tableau qui n’est pas trop emphatique cette politique armée qui se montre partout à la fois en divers pays, qui soutient des luttes et des alliances sans nombre, et où la supériorité de la pensée se fait toujours sentir dans l’exécution : J’en prendrais à témoin, s’écriait-il, et La Rochelle et Nancy…, si Perpignan n’en était un témoignage plus nouveau et pour le moins aussi glorieux. […] À ce sujet, il parle de ses devanciers, et, sans les trop écraser, il les relègue assez légèrement dans le passé ; il s’empresse pourtant de proclamer que, quoi qu’on puisse tenter de nouveau et quel que soit le nombre et l’émulation des historiens présents et futurs, il y a fort à faire pour atteindre la grandeur et l’immensité d’un tel sujet : Mais qu’il en naisse tous les ans de nouveaux, dit-il ; ils ne mettront jamais ce sujet en sa perfection. […] Elle a eu tant de princes, tant de grands seigneurs et tant de démêlés, soit avec les autres nations de la terre, soit avec ses propres sujets, à raison d’un nombre infini de petites seigneuries qui l’ont divisée cinq cents ans durant, qu’il est impossible à un esprit seul de les pouvoir toutes débrouiller. […] N’accusons donc point Mézeray de ces lacunes, et sachons-lui gré plutôt de les avoir si bien signalées et définies : il a fallu deux siècles de défrichement et de critique, des travaux sans nombre et en France et dans d’autres pays, des systèmes contradictoires qui se sont usés en se combattant et qui ont fécondé le champ commun par leurs débris ; il a fallu enfin ce qu’invoquait Mézeray, l’appui des gouvernements dans les recherches, dans le libre accès aux sources et à toutes les chartes et archives, pour que les faits généraux qui se rapportent à cette première et à cette seconde race fussent éclaircis, pour que la société féodale fût bien connue, et que l’histoire du tiers état pût naître.

368. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Dès le milieu du règne de Louis XIV, tout était tourné à la règle étroite, à la dévotion, et le profit moral, la dose de connaissance morale dont on parle, et qui d’ailleurs n’était propre qu’à un petit nombre d’individus d’élite dans une génération à peu près parue, étaient dès longtemps épuisés ; la révocation de l’Édit de Nantes, et l’approbation presque entière qu’elle reçut dans les régions élevées et de la part de quelques-uns de ceux même qui auraient dû être des juges, l’inintelligence profonde où l’on fut à la Cour de la révolution anglaise de 1688 et de l’avènement de Guillaume, montrent assez que les lumières étaient loin et que les plus gens d’esprit en manquaient. […] Que serait-ce si, au nombre des moralistes français du xviiie  siècle, on rangeait, comme on en a le droit, le grand Frédéric, notre compatriote littéraire, le plus sensé, le plus éclairé (quand il ne goguenarde pas trop), le plus ami de la raison et, pour tout dire, le plus cousin de Montaigne et de Bayle, parmi les écrivains porte-couronne ! Que serait-ce si l’on montrait dans son cadre de Passy, au milieu de notre monde du xviiie  siècle, Franklin, le patriarche souriant, le sage de l’avenir, aux remarques fines et utiles, aux vérités ingénieuses et fructueuses, et desquelles bon nombre sont nées parmi nous ! […] Il en est résulté pour quelques-uns de ses écrivains, pour un petit nombre, plus d’expérience pratique de l’homme.

369. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Depuis quelques années cependant, le petit nombre d’esprits qui, chez nous, sont attentifs à ces questions, pouvaient profiter, sans trop de peine, des écrits français de MM.  […] Le plus grand nombre des esprits ne croit pas, et en même temps n’est pas décidément ni systématiquement incrédule. […] On s’expose tout d’abord à des inconvénients sans nombre, et, quand il n’y aurait que cela, à la guerre théologique, la plus désagréable et la plus envenimée de toutes les guerres. […] Aux âmes simples, aux fidèles qui vivent rangés et soumis autour de la houlette pastorale, je ne conseillerai pas de le lire ; mais on sait que le nombre de ces fidèles et de ces humbles n’est pas infini ; et pour tous les autres, sceptiques, indifférents, hommes d’étude et d’examen, gens du monde, gens d’affaires, pour peu que vous ayez un coin sérieux de vacant et de libre en vous, je dirai avec confiance : Lisez et méditez, lisez et relisez ces beaux chapitres, Éducation de Jésus, Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus, Prédications du lac et apprenez le respect, l’amour et l’intelligence de ces choses religieuses auxquelles il n’est plus temps d’appliquer la raillerie et le sourire.

370. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Mais ce même genre de raisonnement (remarquez-le), pour peu qu’on le presse, ne mène pas seulement au christianisme, il mène au catholicisme tout droit, au moins durant bon nombre de siècles. […] À part un très petit nombre, la presque totalité des noms, un moment célèbres, est vouée vite à un véritable oubli. […] On n’a pas de bonnes nouvelles, comme ils l’entendent, à leur annoncer : on poursuit solitairement des vérités hautes, mais imparfaites, dont le prix n’est qu’en soi et à l’usage du très petit nombre. […] Mais je me souviens trop bien des phases morales par lesquelles j’ai passé dans ma jeunesse, de mes sensibilités et de mes inconstances poétiques, de l’âge où j’ai rêvé les Consolations de celui où j’ai écrit Volupté et nombre de pages de Port-Royal , pour avoir jamais la prétention de m’offrir à l’état d’un type quelconque.

371. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Il le sentait bien, et ne se livrait à elles que par instants, pour revenir ensuite avec plus d’ardeur à l’étude, à la poésie, à l’amitié. « Choqué, dit-il quelque part dans une prose énergique trop peu connue44, choqué de voir les lettres si prosternées et le genre humain ne pas songer à relever sa tête, je me livrai souvent aux distractions et aux égarements d’une jeunesse forte et fougueuse : mais, toujours dominé par l’amour de la poésie, des lettres et de l’étude, souvent chagrin et découragé par la fortune ou par moi-même, toujours soutenu par mes amis, je sentis que mes vers et ma prose, goûtés ou non, seraient mis au rang du petit nombre d’ouvrages qu’aucune bassesse n’a flétris. Ainsi, même dans les chaleurs de l’âge et des passions, et même dans les instants où la dure nécessité a interrompu mon indépendance, toujours occupé de ces idées favorites, et chez moi, en voyage, le long des rues dans les promenades, méditant toujours sur l’espoir, peut-être insensé, de voir renaître les bonnes disciplines, et cherchant à la fois dans les histoires et dans la nature des choses les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres, j’ai cru qu’il serait bien de resserrer en un livre simple et persuasif ce que nombre d’années m’ont fait mûrir de réflexions sur ces matières. » André Chénier nous a dit le secret de son âme : sa vie ne fut pas une vie de plaisir, mais d’art, et tendait à se purifier de plus en plus. […] Mais bientôt il pensait sérieusement au temps prochain où fuiraient loin de lui les jours couronnés de rose ; il rêvait, aux bords de la Marne, quelque retraite indépendante et pure, quelque saint loisir, où les beaux-arts, la poésie, la peinture (car il peignait volontiers), le consoleraient des voluptés perdues, et où l’entoureraient un petit nombre d’amis de son choix. […] Regnier résume en lui bon nombre de nos trouvères, Villon, Marot, Rabelais ; il y a dans son génie toute une partie d’épaisse gaieté et de bouffonnerie joviale, qui tient aux mœurs de ces temps, et qui ne saurait être reproduite de nos jours.

372. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

De ce nombre est la vérité, pour la première fois trouvée et exprimée par Buffon, de l’unité de l’homme, première marque de sa supériorité sur les animaux, après la pensée. […] Buffon s’est trompé sur le nombre et la nature des combattants ; mais il décrit en grand peintre le combat. […] Elle compte un plus grand nombre d’époques ou de révolutions terrestres, et, au lieu de deux successions d’animaux, un homme de génie venu après Buffon, et suscité par lui, Cuvier, a distingué dans quatre couches terrestres les monuments de quatre populations animales. […] Pourquoi Buffon, après avoir amené l’homme sur la terre et lui avoir mis en main « le sceptre », s’avise-t-il de supputer le nombre des années que durera ce règne, et d’assigner un jour où, sur la terre envahie de toutes parts par le froid des pôles, l’homme mourant laissera tomber ce sceptre de ses mains glacées ?

373. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

En attendant qu’elle soit constituée, on peut du moins relever un bon nombre de ces rapports au cours d’une période de quelque étendue. […] On peut, si l’on analyse et compare avec soin les ouvrages des hommes qui sortent alors de la province régnante, relever nombre de locutions, de faits locaux, d’usages particuliers, d’images familières, qui représentent l’apport de cette province à la civilisation nationale. […] Il a fallu une centaine d’années et un bon nombre d’initiateurs pour que la rude majesté des sommets glacés, leur silencieuse et formidable solitude fût comprise et sentie par les descendants des habitués de Versailles et de Trianon. […] Stamboul, comme on disait par respect pour « la couleur locale »), sont au nombre des cités qui ont eu alors en France le plus d’adorateurs.

374. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Une seconde, plus grave, c’est qu’une bonne classification psychologique supposerait résolues un certain nombre de questions biologiques, qui, dans l’état actuel de la science, ne le sont point. […] Bain porte à neuf le nombre des émotions simples. […] L’exercice de l’intelligence produit un certain nombre d’émotions, tandis que les associations par contiguïté, fondées sur une simple routine, nous laissent indifférents. […] Il y a un certain nombre de sentiments ou émotions que nous appelons esthétiques ; quelle en est la nature ?

375. (1886) De la littérature comparée

Je suis persuadé que, pour un grand nombre d’entre vous, il est pénible de voir un nouveau-venu entrer en tâtonnant dans une voie où, pendant treize années, M.  […] Les docteurs qui savent le grec — et leur nombre est des plus restreints — ne peuvent, faute de documents, tirer qu’un parti très modique de leur science : Jean Scot traduit le livre des Noms, attribué au faux Denys l’Aréopagite. […] Ce mouvement, créé par la patience des humanistes, quoiqu’il vînt du dehors et ne fût point un produit spontané, naturel de la société moderne, devait durer trois siècles, produire un nombre énorme de chefs-d’œuvre, et finir par s’épuiser en stériles imitations. […] Pour que l’étude de la littérature comparée atteigne son but, il faut donc, je crois, l’élargir de plus en plus, la compléter par l’examen attentif des relations de la littérature et de l’art avec les conditions d’existence des nations, grouper les faits particuliers qu’elle présente autour d’un certain nombre de faits de plus en plus généraux.

376. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Cette édition, publiée sous les auspices de la Société de l’histoire de France, n’est pas seulement meilleure que celle qu’on possédait jusqu’ici, elle est la seule tout à fait bonne, digne d’être réputée classique et pour le texte que l’éditeur a restitué d’après une comparaison attentive des manuscrits, et pour les noms propres dont un grand nombre avaient été défigurés et qu’il a fallu rétablir, et pour les notes exactes et sobres qui éclaircissent les endroits essentiels, enfin pour la biographie de Commynes lui-même, laquelle se trouve pour la première fois complétée et éclaircie dans ses points les plus importants. […] Les archers, selon Commynes (ce qui répond à l’infanterie de nos jours), sont « la souveraine chose aux batailles » ; mais pour cela il faut qu’ils soient par milliers (car en petit nombre ils ne valent rien). […] Tant il est vrai que « les choses ne tiennent pas aux champs comme elles sont ordonnées en chambre », et que le sens d’un seul homme ne saurait prétendre donner ordre à un si grand nombre de gens ! […] « J’ai peu vu de gens en ma vie, dit Commynes, qui sachent bien fuir à temps. » Commynes était de ce petit nombre qui savent saisir l’heure et le moment.

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