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283. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Balzac, qui était tellement créateur que son génie de créateur a fait souvent tort à ses hautes aptitudes d’historien et de critique quand il toucha à la Critique ou à l’Histoire, Balzac nous avait inventé un Swedenborg comme il nous inventa plus tard un Stendhal, — non pas un Stendhal du Rouge et Noir, qui s’était fait tout seul et très bien, mais un Stendhal de la Chartreuse de Parme, auquel beaucoup de nous ont été pris. […] Ils ne portaient ni sur leur pensée, ni sur leur vie, ce joug de bois noir froid et tout uni qu’on appelle le protestantisme.

284. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Elles avaient, comme alors, dans leurs cheveux d’un noir d’enfer, une fleur d’œillet ou de grenadier insolemment piquée au-dessus de la conque de l’oreille, des lèvres rouges que gonfle une sève luxurieuse, les pauser pières sombres, l’œillade furtive et fulgurante, des reins onduleux, lascivos docili tremore lumbos… A toutes ces promesses de paradis diaboliques, s’ajoutait un charme nouveau, irrésistible. […] Des vieilles femmes crient des boudins, des beignets frits à l’huile, du vin noir.

285. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Dans les contes terribles qui suivent, en queue de singe, L’Illustre Docteur Mathéus ; L’Œil invisible, Le Requiem du Corbeau et La Tresse noire, il n’a pas non plus la sinistre fascination de cet égaré d’Edgar Poë et sa solennité mystérieuse, et c’est ainsi qu’il n’est ni l’un ni l’autre, mais qu’il est pourtant tous les deux. […] Avoir fait d’Hoffmann et d’Edgar Poë une combinaison honnête, avoir fait d’Hoffmann, l’halluciné de fumée de pipe, le nerveux suraigu, le labes dorsal qui vécut des années avec une moelle épinière à feu, et d’Edgar Poë, plus étonnant encore, d’Edgar Poë, l’ivresse la plus noire et la plus rouge qui se soit allumée jamais dans une tête humaine sans la faire éclater, le mangeur d’opium arrosé d’eau-de-vie, le delirium tremens devenu homme jusqu’à ce que l’homme fût entièrement tué par le delirium tremens, faire de ces deux puissants génies malades une petite créature qui ne se porte pas trop mal, et qui nous trempe l’esprit comme une mouillette dans une mixture… sans inconvénient, n’est-ce pas un début magnifique ?

286. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Voyez par quel gracieux prélude descriptif Horace prépare Sextius à ses conseils de sage jouissance de ses amis : « L’âpre hiver se détend à la douce vicissitude du retour du printemps et des vents tièdes du midi ; les cabestans traînent à la mer les navires longtemps à sec sous le sable du rivage ; le troupeau ne se réjouit plus de la chaleur de son étable ni le laboureur de la flamme de son foyer ; les prairies ne blanchissent plus des givres du matin ; Cythérée, à la clarté de la lune suspendue dans l’éther, recommence à mener ses chœurs de nymphes qui se tiennent par la main et de grâces pudiques ; elles frappent la terre en mesure dans leurs rondes, d’un pied cadencé, tandis que le divin forgeron rallume la flamme dans les noirs ateliers des Cyclopes. […]  » Et l’ode est finie, comme elle est commencée, par une image de félicités, entre lesquelles une sombre image de la brièveté de la vie, comme un cyprès noir entre deux arbustes verts et roses couverts de la blanche neige des fleurs du myrte ou des pâles roses des premiers églantiers fleuris. […] trop courtes de vie, tandis que ta fortune, ta jeunesse et les fils noirs sur le fuseau des trois sœurs (les Parques) le permettent encore. […] Lisez : « C’est le calme qu’implore le matelot surpris dans la vaste mer Égée quand de noires nuées recouvrent la lune, et qu’aucun de ses astres conducteurs de sa route ne brille plus à ses yeux dans le firmament, etc. […] XV Il revient dans l’ode familière suivante à lui-même, et dit comment il devint favori de la muse légère : « Sur les rives du Vulturne, qui poursuit son cours au-delà de l’Apulie où je suis né, un jour que, fatigué par mes jeux et vaincu par le sommeil, des colombes prophétiques me parsemèrent d’un feuillage printanier ; ce prodige étonna ceux qui habitent le nid d’aigle escarpé du village d’Achérontie, les précipices boisés de Brantium, et ceux qui labourent les gras territoires de l’obscur Férente, émerveillés de ce que je sommeillais à l’abri des ours et des morsures des noires vipères, sans autre défense que les rameaux de myrte et de laurier, enfant à qui les dieux seuls pouvaient inspirer tant de confiance ! 

287. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Ensuite un corps de musique, huit membres du clergé de Berlin et, devant le char funèbre, trois gentilshommes de la chambre, le comte de Fürstenberg-Stammheim, le comte de Dœnnhoff, le baron de Zedlitz ; ils étaient assistés d’un quatrième qui portait, sur un coussin de velours rouge, les insignes de l’ordre de l’Aigle noir, de l’ordre du Mérite et des autres ordres nombreux dont Humboldt était décoré. […] Derrière le cercueil marchaient les plus proches parents du mort, conduits par les chevaliers de l’ordre de l’Aigle noir ; à leur tête, le gouverneur de l’ordre, général feld-maréchal de Wrangel, le général prince G. de Radziwil, le général comte de Grœben. […] Si l’on embrasse dans leur généralité les nations africaines de couleur foncée, sur lesquelles l’ouvrage capital de Prichard a répandu tant de lumières, et si on les compare avec les tribus de l’archipel méridional de l’Inde et des îles de l’Australie occidentale, avec les Papous et les Alfourous (Harafores, Endamènes), on aperçoit clairement que la teinte noire de la peau, les cheveux crépus, et les traits de la physionomie nègre sont loin d’être toujours associés. […] La chaleur brûlante des tropiques et la couleur noire du teint semblèrent inséparables. « Les Éthiopiens », chantait l’ancien poète tragique Théodecte de Phasélis, “doivent au dieu du soleil, qui s’approche d’eux dans sa course, le sombre éclat de la suie dont il colore leurs corps”. […] Le héros de cette nouvelle romantique est le même Antar, de la tribu d’Abs, fils du favori Scheddad et d’une esclave noire, dont les vers sont au nombre des poèmes couronnés, suspendus dans la Kaaba (Moallakât).

288. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Ce n’est pas qu’il eût changé le fond pessimiste assez noir de sa philosophie. […] En bas tout est sombre, à gauche une sorte d’abime noir. […] À ce moment, un chevalier vêtu d’une armure noire, entre à pas lents, visière abattue et lance baissée. […] » À ces mots, le chevalier noir se lève, découvre son visage et plante sa lance en terre, puis s’agenouille dans une prière fervente, les yeux levés sur la pointe de la lance. — Gurnémanz a reconnu Parsifal ; il comprend que cette lance est la lance merveilleuse enfin reconquise, que le simple d’autrefois est devenu par de longues épreuves l’élu d’aujourd’hui et s’abandonne à un transport d’admiration. […] Il lui ôte le casque et l’armure noire ; Parsifal se laisse faire et se présente à nous, tête nue, dans la tunique blanche des chevaliers sans tache.

289. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Le gris, couleur de la cendre, de la terre nue, de la mer terne sous les nuages, est le symbole de la tristesse ; le noir, de la terreur et des enfers. […] De ce côté la bande de l’horizon doucement ondulé, et pareille à une ligne légère de nuages abaissés, m’indique le sommet du mont Pravana, demeure du roi des tribus ailées ; de ses flancs escarpés un fleuve se précipite avec impétuosité… Au pied de la montagne, sur le versant de ce bois magnifique, s’élevaient de grands arbres noirs, dont les branches, penchées sur le lit du fleuve, servaient de retraite aux oiseaux. […] » se dit-elle : « il lui ressemble en tout, et par sa taille, et par son teint foncé, semblable à la feuille noire qui flotte sur le torrent, et par sa voix forte, pénétrante comme le cri du canard sauvage, au moment où il rassemble avec joie les tiges du lotus. […] Comme une armée en peinture, nos gens s’arrêtent immobiles, à mesure que le charme irrésistible subjugue leurs sens : dans le ciel, en ce moment, flottent de noires vapeurs amoncelées et massives, comme les pics du Vindhya. […] « Leur fureur va éclater ; tous leurs membres palpitent, agités par la colère ; leurs yeux remplis de sang brillent comme le lotus rouge ; leurs joues pâles, leurs fronts plissés, ressemblent à la lune teinte de taches jaunâtres, ou bien au lotus, lorsque sur sa fleur flétrie l’abeille noire étend ses ailes frémissantes ! 

290. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Terre, élève ta voix ; cieux, répondez ; abîmes, Noir séjour où la Mort entasse ses victimes,             Ne formez qu’un soupir ! […] À cette heure où, d’un ciel poli comme une glace, Sur l’horizon doré la lune au plein contour De son disque rougi réverbère un faux jour, Je vois à sa lueur, d’assises en assises, Monter du noir Liban les cimes indécises, D’où l’étoile, émergeant des bords jusqu’au milieu, Semble un cygne baigné dans les jardins de Dieu. […] … Sous un soleil de plomb la terre ici fondue Pour unique ornement n’a que son étendue ; On n’y voit pas bleuir, jusqu’au fond d’un ciel noir, Ces neiges où nos yeux montent avec le soir ; On n’y voit pas au loin serpenter dans les plaines Ces artères des eaux d’où divergent les veines Qui portent aux vallons par les moissons dorés L’ondoîment des épis ou la graisse des prés ; On n’y voit pas blanchir, couchés dans l’herbe molle, Ces gras troupeaux que l’homme à ses festins immole ; On n’y voit pas les mers dans leur bassin changeant Franger les noirs écueils d’une écume d’argent, Ni les sombres forêts à l’ondoyante robe Vêtir de leur velours la nudité du globe, Ni le pinceau divers que tient chaque saison Des couleurs de l’année y peindre l’horizon ; On n’y voit pas enfin, près du grand lit des fleuves, Des vieux murs des cités sortir des cités neuves, Dont la vaste ceinture éclate chaque nuit Comme celle d’un sein qui porte un double fruit ! […] « Plus tes gouffres sont noirs, moins ils me sont funèbres ; « J’en relève mon front ébloui de ténèbres !

291. (1894) Critique de combat

Finie, cette épidémie de petite vérole noire ! […] Il a horreur du noir comme d’autres du rouge. […] Quel Alceste en habit noir ! […] D’où vient d’abord ce titre de L’Astre noir ? […] Est-il noir ?

292. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mestrallet, Jean-Marie »

Mestrallet a trop poussé au noir la note de sa désillusion ; il tombe, par instant, dans un pessimisme exagéré.

293. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Holmès, Augusta (1847-1903) »

. — La Montagne Noire, drame lyrique en quatre actes, paroles et musique (1895).

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