/ 2981
299. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Mais il y a un autre point de vue, plus vrai, plus naturel et plus humain, qui, tout en laissant subsister les parties supérieures et de première trempe, permet de voir les défauts, d’entrevoir les motifs, de noter les altérations, et qui, sans rien violer du respect qu’on doit à une noble mémoire, restitue à l’observation morale tous ses droits. […] Ce qui frappe chez Carrel en tous temps, c’est la tenue calme, sérieuse, la dignité naturelle qui contrastait avec plus d’un milieu où il se trouva. […] Cependant l’intérêt pour lui dans le public était extrême : sa jeunesse, sa fierté, sa constance à souffrir dans la prison, sa tenue ferme et simple aux audiences, son élévation naturelle de langage, ce quelque chose de contenu qu’il eut toujours et qui ne s’échappait que par éclairs, excitaient une sympathie universelle. […] Il était plus dans sa voie et dans le courant naturel de ses idées quand il composait l’Histoire de la contre-révolution en Angleterre sous Charles II et Jacques II, publiée en 1827. […] Cette phrase, qui mettait la pensée trop à découvert, et qui indiquait trop nettement pour la France la solution d’Orléans comme le dénouement naturel de la lutte engagée, était d’abord dans l’introduction de l’ouvrage ; elle fut supprimée, et on fit un carton dans lequel elle ne se retrouve pas.

300. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Quel autre a jamais possédé le talent de narrer avec plus de grâce, de naturel et de facilité ? […] Qui a su mieux peindre les situations, enchaîner les événements, perdre et retrouver d’une façon plus naturelle un si grand nombre de personnages, et, par une transition de deux vers, remettre son lecteur au fait de la suite d’une longue histoire racontée dans les chants précédents ? […] le joli génie, simple et naturel ! […] Son mémoire sur le Culte des dieux fétiches (1760), sur cette idolâtrie brute qu’il considère comme un des âges naturels de l’humanité ignorante et grossière en tout pays (en la considérant depuis le Déluge, dit-il, et depuis la dispersion), atteste un esprit philosophique qui, sur ce point, n’est pas allé à toutes ses conséquences. […] Venu avant eux, il est plus naturel qu’eux.

301. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Tandis que l’Inde, patrie des castes, était aussi caractérisée par l’absence d’une constitution politique générale190, Rome, patrie du droit naturel, donnait le premier modèle d’un grand État centralisé, — si bien que de l’idée de l’État, comme de l’idée de l’égalité, les historiens s’accordent à dire qu’elle est une idée romaine. […] Inversement, que dans une société, même très centralisée, manquent la plupart des autres conditions favorables à l’égalitarisme, et nous trouverons naturel qu’elle soit peu égalitaire. […] Toute la philosophie politique de notre xviiie  siècle pense qu’il convient de substituer « des règles simples et élémentaires, puisées dans la raison et la loi naturelle, aux coutumes compliquées et traditionnelles ». […] Tantôt, comme paraît parfois le faire Spencer, on définit la liberté par l’absence de réglementation ; on la confond alors avec l’indépendance naturelle, antérieure à l’État, et de plus en plus restreinte par ses progrès. […] Suivant Spencer, un gouvernement centralisé interdirait les associations ouvertes, contractuelles, fondées sur les volontés, et non les corps fermés, naturels, fondés sur l’hérédité.

302. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Quand cela serait vrai, ce ne sont pas toujours les choses naturelles qui touchent. […] Point de naturel dans sa sensibilité ; point d’idéal dans sa douleur. […] Ce qui est beau, simple et naturel, l’est dans toutes les langues. […] Par rapport à ses talents naturels ou à son génie ; 3º. […] Personne, peut-être, ne sent plus que nous le charme de l’histoire naturelle.

303. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 515-516

On n’y trouve point, à la vérité, ces traits de force qui étonnent l’Auditeur, ces tableaux énergiques qui le frappent, ces grands mouvemens qui l’entraînent : mais il est aussi très-éloigné de cette affectation de descriptions frivoles, plus propres à amuser qu’à instruire ; de ces portraits où l’on s’occupe plus du coloris, que de la vérité ; de cette recherche d’esprit qui éteint le feu de l’action, & invite à croire qu’on n’est pas plus persuadé soi-même, qu’on ne s’inquiete de persuader les autres ; de ces pensées plus fines que solides ; de ces tours plus brillans que naturels ; de ces expressions plus mondaines qu’oratoires ; ressources indignes de la majesté de la Chaire, & plus ajustées au ton des fauteuils académiques, où le sommeil de celui qui parle, est le précurseur de celui des personnes qui écoutent. Ses Discours offrent de la méthode, de la clarté, quelquefois de la véhémence, de la douceur, toujours du naturel.

304. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Dans Le Moniteur du 4 février 1854, j’ai donné un article sur l’ouvrage intitulé Étude de l’homme, par M. de Latena, conseiller-maître à la Cour des comptes ; en voici une partie, jusqu’à l’endroit où je ne me suis pas fait comprendre : Écrire des pensées, résumer l’expérience de la vie dans quelques essais de morale, est une des formes naturelles à toute une classe d’esprits graves et polis. […] Cependant quelques esprits dont c’est la forme favorite et la propension intérieure n’ont pas cessé d’écrire des réflexions morales, des pensées : nous autres critiques, à qui l’on s’ouvre volontiers de ses désirs ou de son faible, et qu’on traite confidentiellement comme des directeurs ou des médecins, nous recevons beaucoup de livres dont le public n’est pas informé, et qui nous montrent que la série des principaux genres a sa raison dans le jeu naturel et dans le cadre permanent des facultés. […] En obéissant à son goût naturel et réfléchi, M. de Latena cependant ne s’y est point laissé aller comme un simple amateur ; il n’a pas jeté au hasard et sans suite les remarques que lui suggérait l’étude de l’homme ou le spectacle de la société, et, sans enchaîner précisément toutes ses notes et ses aperçus dans une combinaison de chapitres se succédant avec méthode et transition, il a tenu à y établir un ordre général qui maintient la liaison des principales parties ; il a fait et voulu faire un ouvraget ; il a eu tout le respect du sujet qu’il traitait.

305. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Je dirai de plus que le caractère de mes relations avec M. de Chateaubriand a été tout à fait méconnu et défiguré à plaisir par des critiques, venus depuis et qui ne se sont pas rendu compte des vrais rapports naturels entre une ardente jeunesse qui s’élève et une gloire déclinante qui vieillit. — Je ne désirai jamais être présenté à M. de Chateaubriand : ce fut M. […] Je m’en fis même une objection quand mon ami Ampère voulut me présenter à l’Abbaye-au-Bois ; mais je finis par céder à ses instances, et c’est dans ce salon que je retrouvai M. de Chateaubriand comme dans son cadre le plus naturel et où il était décidé à être le plus aimable. […] « Chateaubriand. »  En citant de semblables éloges à mon sujet, je n’ai qu’une intention et qu’un désir : c’est de montrer que si, la veille ou le lendemain d’une telle lettre, nous venions à louer M. de Chateaubriand, comme il était tout naturel de le faire dans le milieu de société où nous vivions près de lui, nous ne faisions nullement pour cela la cour à un puissant lettré dont nous eussions besoin, ni une platitude envers un grand nom idolâtré ; il pouvait y avoir de notre part quelque complaisance assurément, mais cette complaisance n’était pas tout entière de notre côté, et elle était elle-même partagée.

306. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Maeterlinck n’est pas un simple fantastique, et cet art n’est chez lui qu’une méthode, plus au juste une expression naturelle de son tempérament. […] André Fontainas Sans doute, il serait possible d’établir d’étranges ou de naturelles affinités avec tels des dramaturges qui l’ont précédé, mais l’on ne pourrait nier à M.  […] Comme celui de Poe, il est également apte à la construction d’œuvres tangibles et saisissantes et à la spéculation abstraite, conciliation naturelle chez lui, et si difficile aux autres esprits : c’est l’intellectuel complet.

307. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

La galanterie n’était pas la seule cause des variations qui avaient lieu ; la cupidité, la vanité, la turbulence, enfin l’inconstance naturelle à certains caractères et à certaines situations, y avaient part aussi. […] Les bâtards de Henri IV, qui n’ont cessé de troubler la France, tant qu’ils ont vécu, ne faisaient que suivre la vocation naturelle des bâtards avoués qui, ne pouvant marcher les égaux des princes légitimes, ne veulent cependant point se soumettre à la condition de simples sujets. […] L’inclination naturelle de la reine la portait à la galanterie ; elle aimait les fêtes propres à l’exalter.

308. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Chimie et Histoire naturelle. […] « Dans ce siècle même, dit Buffon, où les sciences paraissent être cultivées avec soin, je crois qu’il est aisé de s’apercevoir que la philosophie est négligée, et peut-être plus que dans aucun siècle ; les arts, qu’on veut appeler scientifiques, ont pris sa place ; les méthodes de calcul et de géométrie, celles de botanique et d’histoire naturelle, les formules, en un mot, et les dictionnaires, occupent presque tout le monde : on s’imagine savoir davantage, parce qu’on a augmenté le nombre des expressions symboliques et des phrases savantes, et on ne fait point attention que tous ces arts ne sont que des échafaudages pour arriver à la science, et non pas la science elle-même ; qu’il ne faut s’en servir que lorsqu’on ne peut s’en passer, et qu’on doit toujours se défier qu’ils ne viennent à nous manquer, lorsque nous voudrons les appliquer à l’édifice161. » Ces remarques sont judicieuses, mais il nous semble qu’il y a dans les classifications un danger encore plus pressant. […] Si pourtant il est quelque science où les inconvénients de l’incrédulité se fassent sentir dans leur plénitude, c’est en histoire naturelle.

309. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Nous nous mocquons des caracteres qu’il donne à ses personnages, si nous ne reconnoissons pas ces caracteres pour être dans la nature, et Moliere, et quelques-uns de ses successeurs se sont saisis de tous les caracteres vrais et naturels. […] Ils ont tous le même air, parce que ces peintres n’ont pas les yeux assez bons pour discerner l’air naturel qui est different dans chaque personne, et pour le donner à chaque personne dans son portrait. […] Le peintre habile a le talent de discerner le naturel qui est toujours varié.

/ 2981