C’est pourquoi on voit fourmiller en ce moment, parmi les poëtes, les philosophes attendris et les académiciens pleurards : Gray, le solitaire morose de Cambridge et le noble penseur Akenside, tous deux imitateurs savants de la haute poésie grecque ; Beattie, le métaphysicien moraliste, qui eut des nerfs de jeune femme et des manies de vieille fille ; l’aimable et affectueux Goldsmith, qui fit le Ministre de Wakefield, la plus charmante des pastorales protestantes ; le pauvre Collins, jeune enthousiaste qui se dégoûta de la vie, ne voulut plus lire que la Bible, devint fou, fut enfermé, et, dans ses intervalles de liberté, errait dans la cathédrale de Chichester, accompagnant la musique de ses sanglots et de ses gémissements ; Glover, Watts, Shenstone, Smart, et d’autres encore.
Je lui inspirai quelques doutes sur son incrédulité ; et lui jetait, en fait de musique, d’arts et de poésie, beaucoup d’éclairs sur mon ignorance.
L’éclat de ses charmes l’environne comme des rayons de lumière ; le doux bruit de ses pas légers plaît à l’oreille comme une musique agréable.
VIII La tonte des brebis, le lavage des agneaux dans le bassin d’eau courante ; la dernière gerbe qui arrivait dans l’aire sur le dernier char de la moisson, festonné de bleuets, de pavots, de guirlandes de chêne ; la dernière gerbe battue, dont on apportait le grain dans une écuelle au maître du château pour la répandre sous ses pas et pour qu’il remplît à son tour l’écuelle vide de petites monnaies pour les batteurs ; la visite des étables, où les bœufs, les vaches, les taureaux, liés aux mangeoires par de grosses cordes, étalaient leurs flancs luisants et leurs litières dorées, témoignages des soins et de la propreté des bouviers ; les écuries des chevaux de trait, tapissées de harnais aux boucles de cuivre aussi éclatantes que l’or, le bruit de leurs mâchoires qui moulaient l’orge, la fève ou l’avoine entre leurs dents, délicieuse musique des râteliers bien garnis aux heures où le laboureur détèle trois fois par jour ses attelages ; les mugissements lointains des bœufs de labour répercutés d’une colline à l’autre, le matin avant que le soleil se lève ; les cris intermittents de l’enfant qui les chatouille de la pointe de l’aiguillon ; les claquements du fouet du charretier qui revient à vide de la ville où il a déchargé ses sacs de blé ; le roucoulement perpétuel des pigeons sur le toit du colombier ou sur la paille des basses-cours, ou ils disputent l’épi mal vidé aux poules ou aux passereaux ; les fêtes champêtres au château, fêtes qui marquaient pour les serviteurs et pour les mercenaires des hameaux voisins la fin de chaque travail essentiel de l’année ; les danses dans la grande salle délabrée quand la pluie ou le froid s’opposait aux danses sur les pelouses des parterres ; les préférences naissantes, les inclinations devinées, avouées, combattues, ajournées, triomphantes enfin entre les jeunes serviteurs de la ferme et les jeunes servantes de la maison ; les aveux, les fiançailles, les noces, les joies des épousées devenant la joie et l’entretien de toute la tribu ; enfin ces repos et ces silences complets des dimanches d’été succédant aux bruits de la semaine, silences délassants pendant lesquels on n’entendait plus autour du château et jusqu’au fond des bois que le bourdonnement des abeilles sur le sainfoin autour des ruches et le ruminement assoupissant des bœufs couchés sur les grasses litières dans les étables ; toutes ces scènes de la vie privée, quoique vulgaire, rurale, domestique, n’étaient-elles pas aussi riches de véritable poésie épique ou descriptive que les scènes de la vie publique dans l’Iliade, que les tentes des héros, les conseils des chefs, les champs de bataille d’Ilion ?
Le style de l’auteur n’est ni assez coulant, ni assez simple ; les métaphores hardies, qui ne doivent se trouver dans un Ouvrage que comme les dissonances dans un morceau de musique, y dominent ; & quelquefois ces métaphores sont, ou mal soutenuës, ou trop étrangeres.
Lulli qui vint en France si jeune qu’on peut le regarder comme françois, bien qu’il fut né en Italie, a tellement excellé dans la musique, qu’il a fait des jaloux parmi toutes les nations.
N’est-il pas étrange d’entendre glorifier par des Français, qui semblent, en d’autres cas, se piquer de pudeur et de conscience, celui qu’il est impossible, si l’on a quelque souci de la vérité historique, de ne pas considérer comme l’un des grands traîtres de notre histoire nationale, ce comédien sinistre qui conduisit allègrement la France à sa perte, à la musique de ses redondantes et creuses périodes de rhéteur ?
Dans l’antiquité, l’école pythagoricienne avait allié la métaphysique et la géométrie, la morale et la politique, la musique et la poésie.
Les cavaliers qui l’écoutent y trouvent, comme chez Ford, Beaumont et Fletcher, la copie crue de la vérité la plus brutale et la plus immonde, et la musique légère des songes les plus gracieux et les plus aériens, les puanteurs et les horreurs médicales374, et tout d’un coup les fraîcheurs et les allégresses du plus riant matin ; l’exécrable détail de la lèpre, de ses boutons blancs, de sa pourriture intérieure, et cette aimable peinture de l’alouette, éveillée parmi les premières senteurs des champs. « Je l’ai vue s’élevant de son lit de gazon, et, prenant son essor, monter en chantant, tâcher de gagner le ciel et gravir jusqu’au-dessus des nuages ; mais le pauvre oiseau était repoussé par le bruyant souffle d’un vent d’est, et son vol devenait irrégulier et inconstant, rabattu comme il l’était par chaque nouveau coup de la tempête, sans qu’il pût regagner le chemin perdu avec tous les balancements et tous les battements de ses ailes, tant qu’enfin la petite créature fut contrainte de se poser, haletante, et d’attendre que l’orage fût passé ; alors elle prit un essor heureux, et se mit à monter, à chanter, comme si elle eût appris sa musique et son essor d’un de ces anges qui traversent quelquefois l’air pour venir exercer leur ministère ici-bas.
Encore un peu de tems, & la révolution heureuse qui s’est faite parmi nous dans la musique, s’opérera dans la Littérature : & malgré les phrâses des Journalistes, les cris aigus & plaintifs des Gens de goût, & les arrêts des Académies, la Philosophie qui a détruit tant d’opinions fausses, qui retardoient le progrès des Sciences & des Arts, établira sur notre théâtre une innovation salutaire, qui tournera au profit de la vérité, du génie, des mœurs & des plaisirs de la Nation. […] Shakespear (a dit quelqu’un fait pour le juger) n’a pas plus frappé nos esprits étroits, que la Musique de Pergoleze ne frappe l’oreille d’un sourd.
Delavigne se soit essayé dans l’ode, dans le dithyrambe, dans l’élégie, dans le poème didactique, dans le discours en vers, dans la comédie de caractère, dans la tragédie pure et la tragédie mêlée, dans le drame bourgeois et dans le drame historique, et même, dans le drame héroïque et philosophique ; bien qu’il ait écrit Waterloo, Jeanne d’Arc, Parthénope, le jeune Diacre, la Vaccine, le Paria, l’École des Vieillards, la Princesse Aurélie et quantité de ballades mises en musique, remarquables surtout par la nouveauté du rythme et l’hétérodoxie des rimes, cependant il ne lui est jamais arrivé qu’une seule fois d’exciter une attention réelle ; ç’a été lorsqu’il a versifié toutes les opinions militantes, tous les mécontentements quotidiens dont se composait le libéralisme politique, appelé par Paul-Louis, si exactement, le libéralisme à deux anses. […] Marco, vieux serviteur de la famille, copié assez fidèlement sur le Charles-Quint de Don Juan d’Autriche, initié comme lui, par la seconde vue, aux vérités philosophiques de Zadig et de Candide, glorieux de son indifférence, indulgent pour les faiblesses de tous les âges, tolérant pour les puérilités mondaines du catholicisme, pour l’inflexible austérité du protestantisme, apologiste du cabaret et de la danse, panégyriste de la musique et de la peinture chrétienne, Marco ne comprend rien aux querelles qui divisent Luigi et Paolo. […] Au milieu d’une orgie effrénée, au son de la musique et des vers, elle surprendrait Alexandre oubliant dans l’ivresse et dans les bras des courtisanes le crime projeté la veille, et qui s’accomplirait sur lui-même et sur César.