A peine le prince de Condé se fut aperçu de l’absence de son fils et de celle du duc de Longueville, qu’oubliant pour ainsi dire, si l’on ose parler ainsi du plus grand homme du monde, son caractère de général, et s’abandonnant tout entier aux mouvements du sang et de l’amitié tendre qu’il portait à son fils et à son neveu, accourut ou pour les empêcher de s’engager légèrement, ou pour les retirer du mauvais pas où leur courage et leur peu d’expérience auraient pu les embarquer ; il les trouva avec tous les volontaires aux mains avec les ennemis, qui, se voyant pressés et profitant du terrain qui leur était favorable, avaient tourné brusquement… « Cette action fut fort vive et fort glorieuse ; mais la blessure du prince de Condé au poignet, la mort du duc de Longueville et les blessures des ducs de La Rochefoucauld, de Coislin et de Vivonne, du jeune La Salle, de Brouilly, aide-major de mes gardes du corps, etc., et de plusieurs autres gens de qualité, en diminuèrent fort le prix et me donnèrent une grande mortification, particulièrement la blessure de M. le Prince, tant à cause de sa naissance et de son mérite singulier que de la faiblesse de son tempérament, exténué par la goutte, que j’appréhendais ne pouvoir pas résister à la violence du mal. « Après avoir donné les premiers moments aux mouvements de la nature, de l’amitié et de la considération que j’avais pour ce prince, et avoir donné au duc d’Enghien, son fils, la patente de général de mes armées, je m’appliquai à pourvoir à la sûreté de mes troupes… » Quoique je cite beaucoup, j’abrège encore. […] Avec quelle vérité et quelle discrétion il indique son premier mouvement de douleur à lui-même, en apprenant sa blessure !
Les poëtes de Louis XIII, en tant qu’ils se rattachaient au mouvement du xvie siècle, étaient une fin et non un commencement ; ils peuvent se considérer la plupart comme une postérité dégradée de Regnier. […] L’auteur, dès les premières pages, m’a rappelé tout d’abord combien, au sein d’un même mouvement littéraire, il y a de différences entre les générations qui se succèdent, qui se dépassent : c’est, toute proportion gardée, et si parva licet componere magnis, comme dans notre grande Révolution. […] Racan et même Maynard, avec bien moins de mouvement d’idées sans doute et moins de velléités originales, ont laissé d’eux-mêmes des témoignages poétiques bien supérieurs et encore subsistants51.
Ce n’est donc qu’à dater de cette époque que l’on sait parfaitement sa vie privée, ses habitudes, ses lectures, et jusqu’aux moindres mouvements de la société où elle vit et dont elle est l’âme. […] A l’époque dont nous parlons, loin d’être un obstacle à suivre le mouvement littéraire, religieux ou politique, ce genre de vie était le plus propre à l’observer ; il suffisait de regarder quelquefois du coin de l’œil et sans bouger de sa chaise, et puis l’on pouvait, le reste du temps, vaquer à ses goûts et à ses amis. […] C’était, comme dit Mme de Sévigné, des conversations infinies : « Après le dîner, écrit-elle quelque part à sa fille, nous allâmes causer dans les plus agréables bois du monde ; nous y fûmes jusqu’à six heures dans plusieurs sortes de conversations si bonnes, si tendres, si aimables, si obligeantes et pour vous et pour moi, que j’en suis pénétrée7. » Au milieu de ce mouvement de société si facile et si simple, si capricieux et si gracieusement animé, une visite, une lettre reçue, insignifiante au fond, était un événement auquel on prenait plaisir, et dont on se faisait part avec empressement.
Mais si les lettres de Paris tardaient, s’il revenait plus d’une fois sans rien trouver ; si, poli, discret, silencieux toujours, se bornant avec elle à l’indispensable question, il avait pourtant trahi son angoisse par une main trop vivement avancée, par quelque mouvement de lèvre impatient, elle le plaignait surtout, elle souffrait pour lui et pour elle-même à la fois ; pâle et tremblante en sa présence sans qu’il s’en doutât, elle lui remettait la missive tant attendue, à lui pâle et tremblant aussi, mais de ce qu’il redoute d’un seul côté ou de ce qu’il espère. […] Un mouvement brusque eût éclairé sa fille, l’eût avertie qu’elle s’était trahie, eût, pour ainsi dire, donné de l’air à cet incendie secret qui autrement, toute issue fermée, avait chance de s’étouffer peut-être. […] Malgré sa faiblesse croissante, depuis quelques jours elle semblait mieux ; je ne sais quel mouvement de physionomie et de regard, plus de couleur à ses joues, avaient l’air de vouloir annoncer l’influence heureuse de la jeune saison.
Et la suite de la scène offre encore une assez fine notation des mouvements de l’âme. […] Cependant nous connaissons la simplicité de la foi du poète, et sa fervente confiance en Notre-Dame : il en a tiré quelques assez belles inspirations, et un monologue demi-lyrique du clerc repentant, dont le mouvement est en vérité pathétique. […] De légères suppressions font de la pièce une œuvre purement dramatique : et d’autre part, pour un public encore peu habitué à la mobilité du dialogue scénique, la lecture et la simple récitation exigeaient certaines indications et parties de récit, sans lesquelles ces esprits peu alertes auraient eu peine à suivre et à comprendre le mouvement du morceau.
C’est le plus simplement et le plus rapidement du monde que la duchesse aime l’officier : … Elle se redressa avec un mouvement de joie orgueilleux et hardi, en murmurant : — Franchement, ce serait dommage ! […] Que dites-vous de ces réflexions sur la mimique de Mme de Guébriac : … Qu’elle se penchât vers lui d’un insensible mouvement ou se retirât un peu en arrière, il lui semblait la sentir se rapprocher ou s’éloigner comme s’il l’eût tenue dans ses bras. […] Il prévoit à chaque instant ses propres mouvements et ceux de la femme qu’il aime ou qu’il se figure aimer.
Là, dans cette allée et venue d’hommes et de femmes, dans ce mouvement, dans cette vie de la foule parisienne, sous les lumières du gaz, le noir soudain, que le jeune artiste a en lui, ce noir s’évanouit, et il est transporté, enthousiasmé, par la modernité du spectacle. […] Aujourd’hui, je suivais d’un œil charmé, les mouvements de chatte paresseuse, avec lesquels Mme *** pêchait, au fond d’une vitrine, ses porcelaines et ses laques, pour me les mettre dans la main. […] Dans La Maison d’un artiste au dix-neuvième siècle, j’écris l’histoire de l’art industriel de l’Occident et de l’Orient, et l’on ne se doute pas, à côté de moi, que je prends la direction d’un des grands mouvements du goût d’aujourd’hui et de demain.
Les vertus les plus hautes ne consistent pas dans l’accomplissement régulier et strict des actes le plus immédiatement nécessaires au bon ordre social ; mais elles sont faites de mouvements libres et spontanés, de sacrifices que rien ne nécessite et qui même sont parfois contraires aux préceptes d’une sage économie. […] Mais puisque cette force vient finalement se traduire en mouvements musculaires, elle ne saurait différer essentiellement des autres forces de l’univers. […] Les périodes créatrices ou novatrices sont précisément celles où, sous l’influence de circonstances diverses, les hommes sont amenés à se rapprocher plus intimement, où les réunions, les assemblées sont plus fréquentes, les relations plus suivies, les échanges d’idées plus actifs : c’est la grande crise chrétienne, c’est le mouvement d’enthousiasme collectif, qui, aux xiie et xiiie siècles, entraîne vers Paris la population studieuse de l’Europe et donne naissance à la scolastique, c’est la Réforme et la Renaissance, c’est l’époque révolutionnaire, ce sont les grandes agitations socialistes du xixe siècle.
C’est donc ma durée que je saisis entre ma perception actuelle et ma perception passée, ce n’est pas la vôtre que je saisis entre votre mouvement actuel et votre mouvement passé. Si je sais qu’un temps s’est écoulé entre vos deux mouvements, c’est parce que je sais qu’un temps s’est écoulé entre mes deux perceptions si je conçois que vous avez duré, c’est parce que j’ai connu que je durais, et si je mesure votre durée, c’est parce que je puis mesurer la mienne.
Les événements eurent de l’importance, sans avoir une sorte de caractère ; et presque toujours en action, mais sans être animé de ces forces vives qui font les grands changements et dessinent avec énergie les caractères, soit en bien, soit en mal, ce prince donna beaucoup de mouvement à l’Europe, sans acquérir beaucoup de célébrité. […] Il ne faut donc pas s’étonner si, pendant sa vie ou après sa mort, il fut célébré par plus de cinq cents panégyristes, tant poètes qu’orateurs ; il ne faut pas s’étonner si, malgré l’éloquence brute et sauvage de son siècle, on ne trouve presque aucune des oraisons funèbres de ce prince, où il n’y ait quelque mouvement éloquent sur sa mort. […] C’est ainsi que dans un siècle où l’on n’avait encore aucune idée de la vraie éloquence, la force d’un sujet pathétique et terrible, inspirait aux orateurs ou des mouvements, ou des traits heureux64.
Le maître de grâces, le maître à danser détruisent le mouvement réel, cet enchaînement si précieux des parties qui se commandent et s’obéissent réciproquement les unes aux autres.