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1042. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Il y avait bien, il est vrai, la ressource de la moquerie et du grotesque ; déjà Villon et Regnier avaient fait jaillir une abondante poésie de ces mœurs bourgeoises, de cette vie de cité et de basoche ; mais Boileau avait une retenue dans sa moquerie, une sobriété dans son sourire, qui lui interdisait les débauches d’esprit de ses devanciers. Et puis les mœurs avaient perdu en saillie depuis que la régularité d’Henri IV avait passé dessus : Louis XIV allait imposer le décorum.

1043. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Il se voyait déjà enfermé dans un gourbi ou parcourant les montagnes kabyles pour y apprendre la langue et les mœurs des vaincus, et les aimant, et par là les civilisant à mesure qu’on les battait. […] Tous ceux qui l’approchaient, soit dans son modeste appartement de Paris, soit à Villeneuve-Saint-Georges, où sa médiocrité de fortune lui avait pourtant permis d’acquérir la maison et le jardin du sage, l’aimaient pour sa bonté, sa douceur, la simplicité de ses mœurs et l’on peut bien ajouter, — car la chose était exquise chez un vieillard, et l’on sait ici le vrai sens des mots, — pour sa naïveté : disposition d’esprit franche et fière, qui n’excluait ni la connaissance des hommes ni la finesse, mais seulement les défiances et les moqueries stériles et le pessimisme d’amateur.

1044. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

On peut objecter encore que la cléricature, avec les mœurs qui l’entourent et les relations bornées qu’elle suppose, n’est pas un milieu propre à développer chez votre lionne pauvre cet appétit du luxe qui va jusqu’au crime et jusqu’au meurtre indirect. […] Il faut dire aussi que la rigueur de cette créature menaçant de tout dire au mari, si, au coup de deux heures, elle n’est pas soldée, n’est ni dans les mœurs ni dans l’intérêt de la profession.

1045. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Ils crurent très politique de se mettre sous l’abri d’un homme qui était connu pour l’ennemi de toute intrigue, et l’ami des bonnes mœurs et de la vertu. Mœurs et vertu à part, ce témoignage a du prix.

1046. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Cet homme excellent, cordial, élevé, chaleureux, ce critique si animé, si ingénieux, si fin, et qui a par-dessus tout la manie de prêcher les mœurs, ne sait pas, en présence d’un objet d’art, se contenter d’élever et de fixer notre idée du beau, ou de satisfaire même notre impression de sensibilité : il fait plus, il trouble un peu nos sens. […] Tout en regrettant de rencontrer trop souvent chez lui ce coin d’exagération que lui-même il accuse, le peu de discrétion et de sobriété, quelque licence de mœurs et de propos, et les taches de goût, nous rendons hommage à sa bonhomie, à sa sympathie, à sa cordialité d’intelligence, à sa finesse et à sa richesse de vues et de pinceaux, à la largeur, à la suavité de ses touches, et à l’adorable fraîcheur dont il avait gardé le secret à travers un labeur incessant.

1047. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq est mort le 15 février dernier, et cette mort a aussitôt réveillé, chez ceux qui ne connaissaient ce spirituel auteur que par ses œuvres, le vif souvenir de tout un piquant chapitre littéraire, de tout un chapitre de mœurs sous la Restauration. […] Il vivra dans la série de nos comiques, comme l’expression fidèle des mœurs et de la société d’un moment ; plus près, je le crois, de Picard que de Carmontelle, et donnant encore mieux l’idée d’un La Bruyère, mais d’un La Bruyère féminin et adouci, lequel, assis dans son fauteuil, se serait amusé, sans tant d’application et de peine, à détendre ses savants portraits, à mettre de côté son chevalet et ses pinceaux, et à laisser courir ses observations faciles en scènes de babil déliées et légères.

1048. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Ce livre fait beaucoup d’honneur à M. de Blignières, qui est professeur de rhétorique dans l’un de nos collèges de Paris (Stanislas) ; la science dont il fait preuve n’est pas la seule chose qui plaise en lui ; son affection pour Amyot décèle ses mœurs, une âme qui aime les lettres, et qui les aime avec cette humanité d’autrefois, avec cette chaleur communicative qui est propre à gagner la jeunesse, et que possédaient les vieux maîtres. […] Parquoi Numa, pensant bien que ce n’étoit pas petite ne légère entreprise que de vouloir adoucir et ranger à vie pacifique un peuple si haut à la main, si fier et si farouche, il se servit de l’aide des dieux, amollissant petit à petit et attiédissant cette fierté de courage et cette ardeur de combattre, par sacrifices, fêtes, danses et processions ordinaires que il célébroit lui-même… Et plus loin, marquant que, durant le règne de Numa, le temple de Janus, qui ne s’ouvrait qu’en temps de guerre, ne fut jamais ouvert une seule journée, mais qu’il demeura fermé continuellement l’espace de quarante-trois ans entiers : Tant étoient, dit-il, toutes occasions de guerre et partout éteintes et amorties : à cause que, non seulement à Rome, le peuple se trouva amolli et adouci par l’exemple de la justice, clémence et bonté du roi, mais aussi aux villes d’alenviron commença une merveilleuse mutation de mœurs, ne plus ne moins que si c’eût été quelque douce haleine d’un vent salubre et gracieux qui leur eût soufflé du côté de Rome pour les rafraîchir : et se coula tout doucement ès cœurs des hommes un désir de vivre en paix, de labourer la terre, d’élever des enfants en repos et tranquillité, et de servir et honorer les dieux : de manière que par toute l’Italie n’y avoit que fêtes, jeux, sacrifices et banquets.

1049. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Cette Notice, lue dans la dernière séance publique de l’Académie des inscriptions, a ramené l’attention sur un homme respectable et excellent, original de mœurs et de caractère, bon de nature, fin pourtant, rude et brusque d’accent et de ton, qui a eu, au début de l’Empire, le plus grand succès tragique d’alors (Les Templiers), qui, depuis, a créé toute une érudition (l’étude du provençal classique et de ce qui en dépend), l’a établie et organisée d’une manière féconde, et s’est véritablement illustré par ce vaste et sagace labeur. […] On y distingue dans la première scène du premier acte un morceau assez beau et sensé dans la bouche de Brutus, qui montre les Romains déchus de la liberté par leurs mœurs et méritant désormais la servitude.

1050. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Cela le fit rire… » Dans les quelques jours qu’il a passés au camp, Gourville fait de ces remarques positives et curieuses comme il en a partout, et qui peignent les mœurs. […] En pays étranger, il a l’œil à tout ; dans sa curiosité de s’instruire, il a remarqué à la fois la bizarrerie des mœurs, le naturel des peuples, le talent et la portée d’esprit des gouvernants, le fort et le faible de chaque branche d’administration ; et, tout en faisant rire dans ses relations pleines de vivacité et de saillies, il instruit l’homme d’État ou même l’homme de guerre qui l’interroge.

1051. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Les chapitres comme ceux de la Constitutionc, et principalement des mœurs politiques de l’Angleterred (livre xix, ch. 27), sont des découvertes dans le monde de l’histoire. […] [1re éd.] et principalement sur les mœurs politiques de l’Angleterre

1052. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Mais, encore une fois, Grimm, en y voyant les défauts, ne sacrifie pas la tragédie française à celle de nos voisins ; il reconnaît que chaque théâtre est approprié à la nation et à la classe qu’il émeut et qu’il intéresse : « L’un (le théâtre anglais) ne paraît occupé qu’à renforcer le caractère et les mœurs de la nation, l’autre (le théâtre français) qu’à les adoucir. » Grimm va plus loin ; il pense que ces mêmes tableaux que l’une des deux nations a pu voir sans aucun risque, quelque terrible et quelque effrayante qu’en soit la vérité, pourraient bien n’être pas présentés sans inconvénient à l’autre, qui en abuserait aussitôt : « Et n’en pourrait-il pas même résulter, se demande-t-il, des effets très contraires au but moral de la scène ?  […] On le voit, on l’entend gardant jusque dans les salons cette voix de gourdin qu’il tenait de sa première hantise dans les cafés ; homme d’esprit d’ailleurs, mais qui n’a point su s’élever au-dessus d’un certain niveau, qui s’est avisé de publier ses Considérations sur les mœurs, un an ou deux après la première édition de L’Esprit des lois, c’est-à-dire « au moment où l’arène était occupée par deux ou trois athlètes de la première vigueur, ou d’une grâce et d’une agilité merveilleuses : il fallait venir cinquante ans plus tôt ».

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