Pour vos femmes, et le reste de votre composition, je conviens qu’il y a de la beauté ; des caractères de l’expression ; de la sévérité de couleur ; mais mettez la main sur la conscience, et rendez gloire à la vérité ! […] Le Carrache a placé sur le fond une Ste Anne qui s’élance vers sa fille, en poussant les cris les plus aigus, avec un visage où les traces de la longue douleur se confondent avec celles du désespoir ; vous avez mis sur le fond du vôtre un homme qui fait à peu près le même effet.
L’unité d’action y est si mal observée, qu’on a été obligé dans les éditions posterieures d’indiquer, par une note mise à côté de l’endroit où le poete interrompt une histoire, l’endroit du poeme où il la recommence, afin que le lecteur puisse suivre le fil de cette histoire. […] Elle l’emporte veritablement sur la poesie de la Jerusalem delivrée, dont les figures ne sont pas souvent convenables à l’endroit où le poete les met en oeuvre.
Littérairement, ne soyez rien ou ayez du génie ; mais, si vous voulez beaucoup réussir, attachez la moindre loque politique en cocarde à votre œuvre : les taureaux, et même les bœufs de tous les partis, se mettront à meugler à l’unanimité, et feront ce vacarme que nous prenons si légèrement pour de la gloire ! […] Ils ont crié à la ciguë, parce que, dans cette comédie du Fils de Giboyer, plutôt scribouillée qu’écrite, l’aimable auteur a personnifié ce terrible parti catholique, qui doit avaler prochainement la civilisation si on ne se met en travers, par un marquis Samson, à voix de tabatière, par deux Putiphars, par un Prudhomme, industriel enrichi, etc.
La notion de valeur, dans sa généralité, s’applique à la fois aux choses et aux hommes ; la valeur des choses apparaît lorsque un échange les rapproche comme la valeur des hommes apparaît lorsqu’une société les met en relation. […] L’égalité des possibilités n’est pas faite pour effacer, mais pour mettre au contraire en relief l’inégalité des puissances.
Cependant la conversation continue, et l’homme aux cheveux noirs prend avec chaleur la cause de la liberté contre celui qui paraît hésiter à la défendre : celui-ci s’étonne, se rassure et se met à rire en disant : « Ma foi, je croyais que ce citoyen était un jacobin, et je n’étais pas à mon aise ! […] Avant que le 18 Brumaire fût venu mettre entre eux une dissidence politique essentielle, le refroidissement s’était déjà prononcé. […] Dans cette première conversation qu’eut Roederer avec le général Bonaparte, on causa beaucoup des signes et de leur influence sur les idées ; c’était un sujet qui était cher à l’Institut de ce temps-là, qu’on venait de mettre au concours et sur lequel les disciples de Condillac ne tarissaient pas. […] Le jeune homme composa l’Adresse dans une pièce à part, où on l’avait mis comme pour s’exercer […] Quoi qu’il en soit, le premier consul crut devoir adresser à tous trois, et sur un ton plus solennel qu’il ne lui était habituel jusque-là, des remerciements collectifs au nom de la patrie, pour le zèle qu’ils avaient mis à faire réussir la révolution nouvelle.
Je ne me mettrai pas de cet Ordre-là, j’aurais affaire à de trop dures têtes. » « (19 février 1815)… Je n’ai courage à rien, le siècle est trop sot. […] Et quant à ses perspectives sur le sort de la France et sur l’avenir qui lui est réservé, il faut les lire longuement développées dans une lettre du 10 août ; et bien qu’il y eut alors trop de sujets d’être sombre, il faut se dire aussi qu’à quelques instants de sa vie qu’on le prenne, de semblables tableaux, justifiés ou non, l’assiégèrent toujours : il ne voyait chaque lendemain qu’à la lueur d’une torche funèbre, et sa forte logique elle-même se mettait tout entière, pour les corroborer, au service de ses visions d’épouvante : « A quels temps, grand Dieu, nous étions réservés ! […] Décidez, messieurs. » À sa sœur, Mme Ange Blaize, il écrit à la veille de la retraite pour l’ordination, et toujours dans le même sens d’une soumission passive : « (Paris, 14 décembre 1815)… Ce n’est sûrement pas mon goût que j’ai écouté en me décidant à reprendre l’état ecclésiastique119, mais enfin il faut tâcher de mettre à profit pour le Ciel cette vie si courte. […] J’ai toujours l’espoir de vous aller revoir au printemps… » Une lettre toute d’onction de l’abbé Carron à l’abbé Jean, à ce moment, met au grand jour l’âme suavement bénigne et tendre de cet excellent homme : « (12 décembre 1815)… Je ne vous parlerai, cher ami, de mon bien-aimé fils Féli que les larmes aux yeux : je ne suis point un Paul, et pourtant j’ai dans le même personnage un second Tite, un autre Timothée. […] Je ne peux pas en désavouer le fond, parce qu’il ne me paraît que trop vrai, et que l’on ne peut guère s’abuser sur ce qu’on sent ; mais j’aurais dû m’efforcer de mettre plus de mesure dans l’expression.
Dans un choix en six volumes180, fort bien fait, où le siècle de Louis XIV en poésie est d’ailleurs comme non avenu, et où il paraît que Fontenelle a mis la main, Saint-Pavin tient une bonne place entre Charleval et Voiture. […] C’est la mise en action de ce mot de La Rochefoucauld : On pardonne tant que l’on aime. […] Vous pouvez y mettre ordre, et nos intérêts sont si fort mêlés qu’on ne peut me faire une affaire, sans détruire celle qui vous donne tant d’impatience, et qui se terminera bientôt. […] — Quand l’heure de la comédie fut venue, elle se mit en négligé, avec une de ses amies, qui prit des billets ; elle se cacha tout de son mieux sous une grande coiffe de taffetas et au lieu d’entrer par la grande porte du théâtre comme elle avoit accoutumé de faire, elle entra par la porte des loges, et s’alla placer au fond des secondes loges, car toutes les autres étoient remplies. […] Ce fut pendant ce même souper que ma mère fit ce fameux sonnet : Dans un fauteuil doré, Phèdre tremblante et blême… » Je tire ce récit des manuscrits de Brossette. — Mettez-vous à la place de la femme auteur à qui on refuse une loge ; il y a là, à ses torts envers Racine, une circonstance atténuante.
L’impuissance de la philosophie solitaire en face des maux réels y est vivement mise à nu, et la tentative de suicide par où finit Cléveland exprime pour nous et conclut visiblement cette moralité plus profonde, j’ose l’assurer, qu’elle n’a dû alors le sembler à son auteur. Quant au Doyen de Killerine, le dernier en date des trois grands romans de Prévost, c’est une lecture qui, bien qu’elle languisse parfois et se prolonge sans discrétion, reste en somme infiniment agréable, si l’on y met un peu de complaisance. […] Quelques numéros du plagiaire Desfontaines et de Lefebvre-de-Saint-Marc, continuateur de Prévost, ne doivent pas être mis sur son compte. […] Je crains même que, comme quelques gens de lettres trop faciles et abandonnés, il ne se soit mis à la merci du spéculateur. […] Énumérant les amis distingués que s’était faits l’excellent Mussard : « A leur tête, dit-il, je mets l’abbé Prévost, homme très-aimable et très-simple, dont le cœur vivifiait ses écrits dignes de l’immortalité, et qui n’avait rien dans la société du coloris qu’il donnait à ses ouvrages. » Il est permis de croire que l’abbé Prévost avait eu autrefois ce coloris de conversation, mais qu’il l’avait un peu perdu en vieillissant.
Ce qu’on mettrait à la place de ces progrès, ce ne seraient ni des vertus publiques, ni des affections privées, mais les plus avides calculs de l’égoïsme ou de la vanité. […] Les poètes, les moralistes caractérisent d’avance la nature des belles actions ; l’étude des lettres met une nation en état de récompenser ses grands hommes, en l’instruisant à les juger selon leur valeur relative. […] Mais ce qui est également vrai, c’est que l’égalité politique, principe inhérent à toute constitution philosophique, ne peut subsister, que si vous classez les différences d’éducation, avec encore plus de soin que la féodalité n’en mettait dans ses distinctions arbitraires. […] Ailleurs, de certaines barrières factices empêchent la confusion totale des diverses éducations ; mais lorsque le pouvoir ne repose que sur la supposition du mérite personnel, quel intérêt ne doit-on pas mettre à conserver à ce mérite tous ses caractères extérieurs ! […] Vainement les âmes sensibles voudraient-elles exercer autour d’elles leur expansive bienveillance ; d’insurmontables difficultés mettraient obstacle à ce généreux dessein : l’opinion même le condamnerait ; elle blâme ceux qui cherchent à sortir de cette sphère de personnalité que chacun veut conserver comme son asile inviolable.
J’en mets à part trois ou quatre, qui sont exquises. […] Ce n’est pas qu’ils aient mis dans leurs vers ce que la poésie proprement dite ne comporte point : l’analyse aiguë de Stendhal, par exemple, ou l’ironie nuancée de Renan. […] C’est Homais à Pathmos… De vieux bergers à barbes de fleuves qui conversent avec Dieu ; des rois qui sont des brigands ; des brigands qui sont des héros ; des courtisanes qui sont des saintes ; des prêtres affreux : des petits enfants qui savent le grand secret et des gotons qui l’expliquent couramment rien qu’en montrant leurs jambes ; l’humanité mise en antithèses, pareille à un immense guignol apocalyptique ; l’histoire, coupée en deux, net, par la Révolution ; l’ombre avant, la lumière après… telle est sa vision des choses. […] Seulement (et c’est la rançon du don monstrueux que la nature injuste a mis en lui) il finit par appeler ses amis les montagnards : Tigres compatissants ! […] Voici la fin d’une de ces joyeuses énumérations : Zeb plante une forêt de gibets à Nicée ; Christiern fait tous les jours arroser d’eau glacée Des captifs enchaînés nus dans les souterrains ; Galéas Visconti, les bras liés aux reins, Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce Passe dans les œillets de sa veste de force ; Cosme, à l’heure où midi change en brasier le ciel, Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; Alonze, furieux qu’on allaite son frère, Coupe le bout des seins d’Urraque avec ses dents ; Vlad regarde mourir ses neveux prétendants, Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, Fait, avec de la brique et des hommes vivants, D’épouvantables tours qui hurlent dans les vents… etc… car ça continue.
Il reste toujours à expliquer l’existence, sous la forme d’un dieu comme sous celle du monde. » Albert Samain n’a pas mis son espoir dans le ciel vide. […] Daniel ne meurt pas car Dieu met des épées Dans ses regards qui sont des feux étincelants. […] Lui aussi dénonce « l’énervante et charnelle Aphrodite », « ses nuits de honte », et, se met, touché par la Grâce, à rouvrir des chemins vers la cité de Dieu, préludant ainsi aux conversions multiples qui vont suivre (Adolphe Retté, Francis Jammes, Charles Morice…) * * * Donc tous, athées et croyants, s’essayent à la chasteté, mais l’escalade est dure et parfois le pied leur glisse. […] Il va rugir, captif, au siècle suivant, quand Corneille lui mettra la bride du Devoir et Racine, celle des convenances. […] Vous m’invitez à mettre toutes voiles dehors, à me réaliser dans la plénitude de mes pires instincts, à me ruer envers et contre tous ; vous me jetez pour mot d’ordre : liberté entière et complète !