On pourrait croire qu’il a manqué de goût. […] M’a-t-on accusé de manquer de respect au grand critique ? […] Il aurait voulu vous persuader qu’aucune supériorité ne manquait à sa poésie. […] Quelqu’un dit : « Il ne manque pas de talent. […] Pour rien au monde il n’eût manqué de faire ce geste.
Il en donne la raison quelque part, à propos d’une reproduction manquée de la Vénus de Milo. […] Il lui manquait l’élan, et l’élan manque à cette œuvre ; l’abandon, et elle est tendue ; la vie religieuse, et elle n’a pas beaucoup d’horizon. […] Ce n’est pas envers ces maîtres que la France a manqué, c’est envers elle-même. […] Ici, la partialité du narrateur est un principe de déformation, un autre, le manque de perspective. […] C’est manquer à l’engagement pris, se déshonorer, soi et son peuple.
Ce n'est pas qu'on n'y trouve de l'esprit, du savoir, & même un certain talent ; mais il manque de goût & de sentiment, & l'on sait que le génie même auroit de la peine à soutenir un Poëme dépourvu de ces deux qualités.
Virginie est manquée ; ce n’est ni Appius ni Claudius ni le père ni la fille qui attachent ; mais des gens du peuple, des soldats et d’autres personnages qui sont aussi du plus beau choix ; et des draperies d’un moelleux, d’une richesse et d’un ton de couleur surprenant.
Il fut un temps où cet héritage manquait ; aujourd’hui encore il y a des peuplades où il manque entièrement387. […] D’une part, les hommes ont besoin d’elle pour penser l’infini et pour bien vivre ; si elle manquait tout d’un coup, il y aurait dans leur âme un grand vide douloureux et ils se feraient plus de mal les uns aux autres. […] Par malheur, au dix-huitième siècle, la raison était classique, et les aptitudes aussi bien que les documents lui manquaient pour comprendre la tradition. — D’abord on ignorait l’histoire ; l’érudition rebutait parce qu’elle est ennuyeuse et lourde ; on dédaignait les doctes compilations, les grands recueils de textes, le lent travail de la critique. […] » Ceci nous montre l’esprit, le but et l’effet de la société politique. — À l’origine, selon Rousseau, elle fut un contrat inique qui, conclu entre le riche adroit et le faible dupé, « donna de nouvelles entraves au faible, de nouvelles forces au riche », et, sous le nom de propriété légitime, consacra l’usurpation du sol Aujourd’hui elle est un contrat plus inique, « grâce auquel un enfant commande à un vieillard, un imbécile conduit des hommes sages, une poignée de gens regorge de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire ».
Jeune, beau, illustre déjà par les promesses de son génie, honoré de la faveur intime de son prince, admiré de cette sœur d’Alphonse que toute l’Italie regardait comme supérieure à la Béatrix de Dante, à la Laure de Pétrarque, cher même comme un ami à cette autre sœur Lucrézia, maintenant duchesse d’Urbin, qui partageait pour lui le penchant de Léonora, enivré des plus légitimes perspectives de gloire poétique et peut-être des plus douces illusions de grandeur par l’amour mystérieux de Léonora, achevant lentement dans le loisir des délicieux jardins de Bello Sguardo, ce Versailles des ducs de Ferrare, le poème qui devait élever son nom au-dessus du nom de ses protecteurs, rien ne manquait à sa félicité que ce qui manque à toutes les choses humaines : la durée. […] Dans le Tasse, la sensibilité et l’imagination seules étaient supérieures ; la raison, qui ne manquait pas à sa poésie, manquait à sa vie ; l’intelligence était saine, le caractère était égaré ; sa mélancolie, faiblesse de sa trame, comme dans Rousseau, obscurcissait sa raison. […] Tout porte à croire aussi qu’il ne fut point poursuivi dans sa fuite, car la beauté de ses traits, l’égarement de sa physionomie, l’élégance de son costume, ne pouvaient manquer de signaler son passage et de révéler ses traces aux poursuites du duc de Ferrare.
J’en habite encore quelques parties provisoirement et par la complaisance de mes créanciers, jusqu’au jour où un revenu insuffisant, une maladie, un accident, une grêle, une récolte manquée, me réduira au néant de mes ressources et où un huissier, impitoyable comme le destin, viendra me dire sans réplique, ce qui m’a été dit plusieurs fois : « Payez ou sortez, j’évalue cette poussière de vos pas à tant ; ne secouez pas trop fort vos souliers en vous en allant, de peur de diminuer d’un grain le chiffre de mes honoraires. […] Nous n’entrâmes pas dans la ville, nous prîmes notre gîte dans une petite maison du faubourg à gauche, dont le maître et la maîtresse nouvellement mariés, et qui n’avaient pas encore d’habitués ni de meubles, étonnés de notre voyage à pied, crurent que nous manquions de tout, et voulant signaler leur maison par une charité, nous donnèrent presque gratuitement du meilleur lait de leur vache, du pain blanc et une omelette au lard. […] Le pressoir, la vigne, le noyer, le puits, le pré, la fontaine ; jamais livre ne fut calqué plus scrupuleusement que ces Confidences d’enfant par le pas des visiteurs, il n’y manquait que la mère, le père, les demoiselles et le fils. […] Vous allez voir que nous n’y avons pas manqué, car en ce moment même nous venons de Milly. […] À chaque instant le courage manquait à l’une de nous.
Eux seuls voient ce qui manque, peut-être parce qu’ils ne veulent voir que ce qui manque. […] Tout ce qui est sorti de la plume de Descartes est marqué de cette exactitude qui, selon son jugement, a manqué à Sénèque, et qui consiste dans le rapport parfait des paroles aux pensées et dans le choix, parmi les pensées, de celles qui peuvent servir de preuves à un raisonnement. […] Du reste, les auteurs ne manquent pas de s’en reconnaître redevables à Descartes, « un célèbre philosophe de ce siècle, disent-ils, qui a autant de netteté d’esprit qu’on trouve de confusion dans les autres. » Ce n’est pas seulement un acte d’honnêtes gens ; c’est la preuve que ces excellents esprits préféraient la vérité à l’honneur de l’avoir trouvée, et tenaient à ce qu’on sût, dans son intérêt même, que ce qu’ils pensaient à leur tour, un homme célèbre l’avait pensé avant eux. […] Il ne manque à la langue de Descartes que ce qui n’y était pas nécessaire : et c’est une beauté de cette langue que de s’être privée des beautés qui n’appartenaient pas au sujet.
Mon petit Pierre Gavarni expliquait, ce soir, assez ingénieusement, le talent de Fromentin : un manque d’études suivies, une inexpérience curieuse du métier de la grande peinture, mais le jet sur la toile d’un milieu et d’une heure, que le peintre peuple après d’Arabes et de chevaux mal dessinés et incomplètement peints, mais qui sont au fond charmants, presque vrais, et qui vivent par l’exquise et poétique trouvaille de la nature ambiante. […] Puis sa parole va aux élections, et il empoigne amicalement Jourde, le directeur du Siècle, qui est là, sur le manque d’indépendance de sa feuille, sur son aplatissement devant les exigences des amis de Louis Blanc et autres. […] un pont à son pantalon, un homme qui a un pont à son pantalon, vous concevez… sa femme, une intelligente femme au fond, est colletée jusqu’à la pomme d’Adam, avec sur la tête des couvre-chefs singuliers… elle fait faire ses robes à Maremmes, c’est tout vous dire… Ils allaient, dans le temps, aux soirées de Louis-Philippe, en omnibus, en compagnie de deux beaux-frères qui étaient des officiers de la garde nationale… vous les voyez tous les quatre, les beaux-frères avec leurs oursons, se faisant descendre devant le château, et sortant toujours des Tuileries, de façon à ne pas manquer l’omnibus de onze heures… Il a été un moment orléaniste, puis cela lui a passé, il est devenu républicain… Oui, il va à la messe, à la messe de cinq heures du matin, avec un livre de messe particulier, où il y a des prières de je ne sais plus qui… enfin c’est un janséniste… Il n’est pas bon, oh ! […] Ce jour-là, la vengeance d’une écuyère, dont l’amour aurait été dédaigné par le plus jeune, le ferait manquer. […] Le plus jeune, dans le tour manqué, aurait les deux cuisses brisées, et le jour où il serait reconnu qu’il ne pourrait plus être clown, son frère abandonnerait le métier, pour ne pas lui crever le cœur.
Donc, il ne saurait être question d’accuser les dadaïstes de manquer de sincérité. […] Il en est parmi eux de cultivés et, en général, ils ne manquent pas d’une certaine finesse, souvent d’ailleurs ils abusent lourdement de cette finesse dont ils ont trop conscience. […] Ce sens critique et cette intelligence les ont toujours fait côtoyer les bonnes tendances, mais leur manque absolu de possibilités constructives les a maintenus dans l’équivoque de ces tendances. […] C’est leur manque absolu de volonté directrice qui les a voués à l’anarchie spirituelle dans laquelle ils cherchent une justification de leur individualité. […] La série d’Inconséquences qui caractérisent notre vie moderne découle du manque des principes sur lesquels on pourrait se baser : de là la faillite de la satire.
Hugo est en décroissance, qu’il s’affaiblit, se détériore, manqueraient de sens ou de justice. […] Victor Hugo, qui a posé devant la Critique depuis quarante ans dans toutes les attitudes, est trop connu pour qu’on s’amuse à caractériser un talent, gros d’ailleurs, grimaçant et sonore comme un masque, qui se voit aisément et de loin, et dont on ne perd rien, si loin qu’on en soit, parce qu’il manque profondément de finesse. […] Victor Hugo répugne tellement à la vérité, à la sincérité, à cette naïveté de l’inspiration qui ne se contemple jamais, que, quand il veut être simple, il manque son coup, croyant le frapper, et devient nettement plat. […] Beaucoup d’aspects, et les plus grands peut-être, manquent au contraire, à cette Légende des siècles qui a la prétention d’être la Divine Comédie de l’humanité. […] Il n’en comprend et n’en reproduit que les bons chevaliers ou les tyrans, les pères, les enfants, les vieillards, des vieillards qui se ressemblent tous comme se ressemblent des armures, un même type (Onfroy, Eviradnus, Fabrice), mais le cerf, mais le prêtre, mais le moine, mais le saint, mais le grand évêque oublié par Walter Scott lui-même, mais enfin tout le personnel de cette société si savamment hiérarchisée, il le néglige, car il faudrait chanter ce que ses opinions actuelles lui défendent de chanter, sinon pour le maudire, et c’est ainsi que pour les motifs les moins littéraires il manque la hauteur dont il a dans l’aile la puissance, parce qu’il n’est jamais en accord parfait de sujet avec son génie !