Sa mémoire, puissance qu’on multiplie en la chargeant, le servait avec fidélité, mais aussi avec cette liberté qu’elle doit laisser à l’improvisation, tout en rappelant l’orateur à son but et à son texte ; sa diction, sans être théâtrale, était modulée. […] … Et vous, pères conscrits, écoutez avec attention, et gravez dans votre mémoire la réponse que je crois devoir faire à des plaintes qui semblent, je l’avoue, avoir quelque justice. […] Enfin les lieux ont si bien la vertu de nous faire ressouvenir de tout, que ce n’est pas sans raison qu’on a fondé sur eux l’art de la mémoire. — Rien n’est plus vrai, Pison, lui dit mon frère Quintus. […] Et que cherchent aussi les poètes, qu’à éterniser leur mémoire ? […] « Tous ces éléments n’ont rien qui fasse la mémoire, l’intelligence, la réflexion, qui puisse rappeler le passé, prévoir l’avenir, embrasser le présent.
Sans doute les mémoires du duc de Saint-Simon sont excellents à consulter en mainte occasion, mais il s’en faut de beaucoup que le témoignage de Saint-Simon soit à l’abri de tout soupçon. […] Assurément ce livre ne pouvait être produit par une intelligence vulgaire ; mais dans cette suite de mémoires, d’ailleurs très estimables et très utiles, l’art ne se montre nulle part. […] Les paysages bibliques de Nicolas Poussin fourniraient la matière de nombreux mémoires à celui qui voudrait relever toutes les erreurs de ce maître illustre. […] Étourdi par les rêves orgueilleux de sa vie nouvelle, il proteste contre le passé, et récuse le témoignage de sa mémoire. […] Dans tout ce que je raconte, l’imagination ne joue pas le plus petit rôle ; je me souviens et j’écris sous la dictée de ma mémoire.
Cette ville, comme l’âme du poète, elle est une durée, une forme invétérée de la vie, une mémoire. […] Un homme qui porte comme lui, dans sa chair débile, la mémoire de l’union invétérée à la chair maternelle, rêvera partout à la chaleur du sein. […] Il le doit à une qualité qu’il possède à un degré extraordinaire, la mémoire. […] Nous avons vu que la véritable réalité était souvent pour Fromentin dont la mémoire était extraordinaire, la réalité du souvenir. […] « La conscience, la timidité, l’hésitation, le manque de mémoire rendent la composition quasi impossible.
» Dans un des sonnets qui suivent, les plus splendides visions de la terre lui reviennent en mémoire, mais pour pâlir et se décolorer dans la nuit actuelle de son âme. […] Nul homme ne jouit aussi complètement, mais aussi modestement, de sa gloire ; il n’avait que l’ambition de la postérité et du ciel : il était amoureux d’une mémoire. […] Les dix années qu’il passa à Padoue, à Venise ou dans les collines du bord de l’Adriatique, n’ont laissé traces que par de nombreuses et admirables lettres et quelques sonnets pleins de la mémoire de Laure. […] “Quelque chère mémoire, sans doute ? […] et le sonnet : Di pensier in pensier, di monte in monte, et tant d’autres que ma mémoire suggérait à mon pauvre cœur dans les murailles mêmes et sous les arbres du verger où ils furent composés !
Le grand homme de style qui régnait dans ce cœur et dans ce salon ne m’était pas favorable, bien que je sois le seul des poètes et des politiques de son siècle auquel il adresse de magnifiques éloges posthumes dans ses Mémoires destinés à la postérité. […] Ses Mémoires d’outre-tombe, qu’il écrivait alors, avaient une page pour un parti, un revers de page pour l’autre : livre-Janus qui louche à force de vouloir regarder trop d’horizons à la fois. […] Ce livre de madame Lenormant est cependant une des plus excellentes biographies, en excellent esprit et en excellent style, qui pût consacrer cette mémoire fugitive d’une femme de grâce et d’une femme de renom. […] Cette correspondance, selon nous, est bien supérieure en intérêt aux Mémoires d’apparat du grand prosateur du dix-neuvième siècle. Dans les Mémoires d’outre-tombe l’homme pose, l’homme s’affiche, l’homme s’étale ; dans cette correspondance l’homme se révèle, ou plutôt il se trahit involontairement dans l’épanchement de son âme.
Il serait aussi difficile de trouver un peintre qui n’ait pas la mémoire des formes et des couleurs, qu’un musicien qui n’ait pas la mémoire des sons ou un calculateur qui n’ait pas la mémoire des chiffres. […] Comment, dans ces conditions, n’auraient-ils pas la mémoire des images ? […] Leur secret, c’est d’avoir bonne mémoire. […] Mais, même dans ces conditions, il n’aura quelque précision que si l’on a une excellente mémoire. […] Mais il est juste d’ajouter que Bœcklin a le tort de juger de la mémoire des autres d’après la sienne.
Il continua ainsi sa tournée, passant avec grâce d’un spectre à l’autre et débitant sa leçon avec une mémoire imperturbable. […] Mémoires inédits. — 1889. […] Mémoires. — 1890. […] Mais après un sincère appel à ma conscience, je garde la profonde conviction de n’avoir, dans ces Mémoires, ni jamais de ma vie, fait grief sciemment à personne ou cédé à des sentiments dont je doive rougir. […] Edmond de Goncourt, qui a le génie des recherches et des reconstitutions, vient de faire revivre en un volume une artiste célèbre assez défigurée par les libelles et ses mémoires mêmes.
Après avoir expliqué l’influence de la race et de la patrie sur le génie de Virgile, il nous a fait voir la même influence sur sa gloire, sur cette spontanéité d’applaudissement qui porta si haut et si vite le nom de ce poétique Phidias qui avait, pour sculpter sa statue, pris son marbre dans l’orgueil national et la mémoire de tous. […] On a versé sur Sainte-Beuve et sur sa mémoire les tombereaux d’articles, de phrases, d’anecdotes et de détails de toute espèce qu’on a l’habitude de verser sur un homme célèbre fraîchement décédé, avant de l’oublier tout à fait… Des journaux, matassins d’enterrement, qui vivent de ces cérémonies, ont envoyé leurs commissionnaires en roulage et en publicité fureter la maison mortuaire, regarder sous le nez du défunt pour le photographier dans leurs feuilles, décrire son appartement et son ameublement, et pouvoir parler en connaissance de cause jusque de ses chattes et de ses oiseaux et plaire ainsi à la Curiosité publique, cette affreuse portière à laquelle nous faisons tous la cour… Nous en avons pour quelques jours encore de ce brocantage, et puis après ? […] Fantaisiste de la Critique, bénédictin de l’anecdote, Mabillon de babioles, aiguiseur de notes en épigrammes pour les placer plus tard, commère comme trente-six langues de femmes pour en faire parler une trente-septième, le petit homme de la rue Montparnasse restera dans la mémoire des contemporains comme le touche-à-tout le plus curieux, le plus acharné et parfois le plus puéril de son siècle. Ayant vécu toute sa vie dans la poche de tout le monde, mêlé à toutes les sociétés d’une société qui en est tout à l’heure au galop de Gustave à trois heures après minuit, ce qu’il aurait pu nous donner comme personne, c’étaient des Mémoires. […] Des Mémoires étaient le seul livre qu’il pouvait complètement bien faire : Et il n’en aura pas laissé !
C’est elle qui publiait hier les gravelures du président de Brosses ; c’est elle qui publie aujourd’hui les ignobles Mémoires de Lauzun, et qui, demain, nous donnera quelque autre putridité de ce temps, dont nous ramassons et pressons les dernières écorces. […] Quand il a dit que Richelieu, le régent et ses filles, Mme de Prie, Mme de Pompadour, Mme Du Barry, tout le monde enfin de ce temps calomnié et… infortuné, sont les pauvres petites victimes des Mémoires d’alors, il se repose dans le bonheur et l’ingénuité de sa découverte et il n’a rien à dire de plus ! Les Mémoires, sont pour lui ce qu’est pour Crispin : C’est votre léthargie ! […] Jamais on n’a secoué plus indolemment un grain de tabac sur son jabot de dentelles… mais aussi les grains d’infamie qui criblent la mémoire du dix-huitième siècle y resteront, et ce n’est pas en s’y prenant ainsi qu’on les fera tomber ! […] Sans doute, ceux qui eurent un intérêt quelconque à calomnier Mme Du Barry purent aussi bien la calomnier que si elle fût demeurée vertueuse, mais en dehors de toutes les lettres, de toutes les horreurs, de toutes les chansons, de tous les mémoires que M.
Il faut des redites à la mémoire que paralyse souvent l’effort de l’intelligence, et c’est le sentiment qui écoute, plutôt que la raison. […] Tout à coup, à force de recherches, dans un dictionnaire ou dans la mémoire d’un ami nous le découvrons, ce mot unique : le papillon se laisse prendre, — mais quoi ? […] Mais dès qu’a vibré en nous le besoin vital de nous exprimer, nous avons senti l’indigence des syllabes, et, si le moi s’est dérobé si longtemps, c’est son insuffisance qu’il faut accuser plutôt que la faiblesse de nos mémoires. […] Ainsi de la page exquise de Stéphane Mallarmé résulterait cette formule qui dit brièvement toute la vérité et qu’il faut inscrire dans toutes les mémoires : L’ART = LA VIE. […] Un siècle détruit autant d’œuvres qu’il en apporte ; la guerre, les révolutions, l’incendie ont pris en pitié notre mémoire surchargée, et de temps en temps la soulagent avec une affreuse mais, en dernière analyse, peut-être bienfaisante cruauté.
Villars, durant ces années de campagne en Flandre, fit vers lui bien des avances ; Fénelon, tout en les accueillant d’un air de bonne grâce, réservait son jugement, et dans sa correspondance particulière avec le duc de Chevreuse, dans les mémoires et instructions confidentielles à l’usage du duc de Bourgogne, on voit qu’il n’estimait point Villars à sa valeur. […] Nous n’avons plus ici, pour nous guider, les Mémoires militaires de la guerre de la succession, dont les derniers volumes ne sont pas publiés encore, et nous en sommes réduits à des témoignages abrégés ou incomplets. […] Tout s’ajoute donc, et même une sorte de modestie, pour rendre plus respectable et plus digne de mémoire le sentiment qui dicta ces royales et patriotiques paroles. […] (Voir l’appendice, page 296-314, du tome xiv du Journal de Dangeau, le tome xi des Mémoires militaires relatifs à la succession d’Espagne, et enfin un article de moi-même au tome vi des Nouveaux Lundis.)