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1332. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Cette cause prochaine, comme il la nomme, n’est rien autre chose que la condition physique et matérielle de l’existence ou de la manifestation des phénomènes… Les corps vivants… sont tour à tour ramenés et réduits au mécanisme général de la matière. »‌ Nous pouvons saisir par ces quelques phrases du savant, éclairées par le commentaire de l’homme de lettres, la pensée même de Claude Bernard. […] Ainsi donc, nous nous appuyons sur la physiologie, nous prenons l’homme isolé des mains du physiologiste, pour continuer la solution du problème et résoudre scientifiquement la question de savoir comment se comportent les hommes, dès qu’ils sont en société… En somme, tout se résume dans ce grand fait : la méthode expérimentale, aussi bien dans les lettres que dans les sciences, est en train de déterminer les phénomènes naturels, individuels et sociaux, dont la métaphysique n’avait donné jusqu’ici que des explications irrationnelles et surnaturelles8. »‌ En résumé, de même que, suivant Claude Bernard, la « méthode appliquée dans l’étude des corps bruts, dans la chimie et dans la physique, doit l’être également dans l’étude des corps vivants, en physiologie et en médecine », de même, suivant Zola, la méthode expérimentale qui conduit à la connaissance de la vie physique, « doit conduire aussi à la connaissance de la vie passionnelle et intellectuelle. » « Ce n’est qu’une question de degrés dans la même voie, ajoute le romancier, de la chimie à la physiologie, puis de la physiologie à l’anthropologie et à la sociologie. […] Si nous passons du savant à l’homme de lettres, de l’auteur de l’Introduction à l’auteur des Rougon-Macquart, l’analogie de principe est aussi frappante que l’analogie de méthode. […] Il n’est même pas inutile de constater que le radicalisme matérialiste de Zola dépasse infiniment celui de Claude Bernard qui, en écrivant cette phrase, faisait prévoir la contrepartie de sa doctrine scientifique : « Pour les lettres et les arts, écrit-il, la personnalité domine tout. […] Au début de sa carrière, dans une chaude Lettre à la jeunesse, écrite au lendemain de la première représentation de Ruy-Blas à la Comédie-Française et de la réception de Renan à l’Académie, Zola engageait ardemment la neuve génération à se détourner de l’idéalisme et de la rhétorique.

1333. (1903) Propos de théâtre. Première série

Le Pour et Contre est de 1733, les Lettres philosophiques sur l’Angleterre sont de 1734. Il est vrai que l’édition anglaise des Lettres philosophiques est de 1733 ; mais ce n’est qu’en français, en 1734, que les Français les ont lues. […] Le premier, à ma petite connaissance, ce fut Le Blanc, l’abbé Le Blanc, dans une lettre au président Bouhier. […] Pour mieux dire, tout entêtée de philosophie, de belles lettres et de belles sciences, elle ne les a pas élevées de tout. […] Mais j’ai déjà dit pourquoi, tout en tenant grand compte de la Lettre sur l’Imposteur, il ne faut pas en prendre chaque mot comme d’Évangile.

1334. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Seulement, il ne faut peut-être pas interpréter les choses trop à la lettre. […] Est-ce qu’il n’inclinerait pas à prendre les choses trop à la lettre, comme M.  […] Les lettres de Huysmans publiées par M.  […] Mais toutes ces lettres sont de 1891. […] L’intérêt des Lettres fournit un argument en faveur de la politique d’expansion.

1335. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Il y avait eu des journaux, même d’assez bons journaux, comme les Nouvelles de la République des Lettres. […] Ne souhaitons pas la fin d’un procès qui serait la fin des lettres. […] On est quelquefois étonné que ce qui bouleversait autrefois le monde ne le trouble plus aujourd’hui : c’est aux véritables gens de lettres qu’on en est redevable. […] Intermédiaire par sa date entre les Lettres Persanes et les Lettres Philosophiques, elle marque qu’une nouvelle période française s’ouvre, que le libre esprit du xvie  siècle reparaît sous une figure nouvelle, et que le groupe des amis de Montaigne va se reconstituer, se multiplier et vivre. […] Montaigne le possédait en puissance, et on imagine avec vraisemblance ce qu’il en eût écrit, s’il s’était voulu homme de lettres.

1336. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il n’y a donc de véritablement immortel et d’incomparable dans Voltaire que ses lettres et ses poésies légères ; là, il est grand, parce qu’il est naturel, et que l’artiste disparaît devant l’homme. […] « Il m’a parlé de lui dans une lettre, dit Goethe. […] Il contenait les poésies d’Émile Deschamps, accompagnées d’une lettre que Goethe me donna à lire. […] On ne peut pas dire de Voltaire qu’il ait eu de l’influence sur les poètes étrangers, qu’il leur ait servi de centre de réunion, et qu’ils aient reconnu en lui un maître et un souverain. — La lettre d’Émile Deschamps était écrite avec une très aimable et très cordiale aisance. […] Celui qui a créé ces trois figures mérite que son nom soit écrit en lettres apologétiques vivantes au frontispice de l’Allemagne.

1337. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Il devint avocat sans cause, se lia fort avec quelques gens de lettres de son âge, fut d’un club avec eux ; il fit des vers, des essais moraux satiriques qui parurent dans les journaux et revues du temps. […] Il a décrit dans une lettre à une parente la manière dont ses journées étaient ordonnées dans les premiers temps de cette réunion, et comment la vie s’y passait en commun presque ainsi que dans un couvent : le déjeuner entre huit et neuf heures ; de là, jusqu’à onze, lecture de l’Écriture ou de quelque sermon ; à onze heures, le service divin, qui se faisait deux fois chaque jour. […] Il ne goûtait rien médiocrement : « Je n’ai jamais reçu, disait-il, un petit plaisir de quoi que ce soit dans ma vie : si j’ai une impression de joie, elle va à l’extrême. » Il commençait aussi à écrire à quelques amis de jolies lettres soignées, élégantes, ingénieuses dans leur naturel. […] Partout, dans ses lettres, dans ses vers de cette époque (1780), perce du milieu des parties graves le plus gracieux enjouement.

1338. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Si on le prenait au mot et si l’on s’emparait de ses aveux au pied de la lettre, il serait l’homme le plus impropre aux affaires qui y ait jamais été mêlé ; mais, capable ou non dans tel ou tel emploi particulier, il est certes le moins homme d’État de tous les hommes. […] Nul n’a agité plus habituellement que lui et n’a plus pressé en tous sens les rapports du stoïcisme et du christianisme, essayant de les concilier, oscillant de l’un à l’autre, mais, après chaque oscillation, s’approchant d’un degré de plus du christianisme vif et complet, tel qu’il est dans saint Paul, dans L’Imitation, dans les Lettres spirituelles de Fénelon. — « Douleur, tu n’es pas un mal », dit le philosophe stoïcien que le mal dévore. […] On a l’aperçu de ce livre, qui est moins un livre de philosophie qu’une peinture morale, livre de naïveté et de bonne foi, nullement d’orgueil, d’où il résulte qu’un homme de plus, et de ceux qui sont le plus dignes de mémoire, est bien connu ; livre à mettre dans une bibliothèque intérieure à côté et à la suite des Pensées de Pascal, des Lettres spirituelles de Fénelon, de L’Homme de désir par Saint-Martin, et de quelques autres élixirs de l’âme. […] Lachelier, un jeune maître éminent, dans une lettre du 30 août 1868 ; et entre Maine de Biran et lui, il se plaît à désigner, comme faisant la chaîne, cet autre disciple d’un ordre bien élevé, M. 

1339. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Dans une lettre, datée de 1695 et adressée à M. de Maucroix au sujet de la mort de La Fontaine, on lit ce passage, le seul touchant peut-être que présente la correspondance de Boileau : « Il me semble, monsieur, que voilà une longue lettre. […] Assurément, La Fontaine était bien humble de préférer ces vers laborieusement élégants de Boileau à tous les autres ; à ce prix, les siens propres, si francs et si naïfs d’expression, n’eussent guère rien valu. « Croiriez-vous, dit encore Boileau dans la même lettre en parlant de sa dixième Épître, croiriez-vous qu’un des endroits où tous ceux à qui je l’ai récitée se récrient le plus, c’est un endroit qui ne dit autre chose sinon qu’aujourd’hui que j’ai cinquante-sept ans, je ne dois plus prétendre à l’approbation publique ? […] Dans une lettre à Brossette, on lit encore ce curieux passage : « L’autre objection que vous me faites est sur ce vers de ma Poétique : De Styx et d’Achéron peindre les noirs torrents.

1340. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Probe et fin, il sentit qu’il n’y avait là rien à faire ; amoureux des lettres, mais amoureux à l’antique, il résolut, pour se mettre en état de les cultiver un jour avec indépendance, de retourner dans son pays pour y être avocat et homme d’affaires. […] Raynouard se sentait pour les lettres un de ces amours de patriarche, de ces amours vivaces et robustes, et qui résistent au temps : il alla donc plaider et donner des consultations pendant sept ans à Draguignan ; puis, après une interruption forcée, il y retournera cinq ou six autres années encore. […] Nommé en 1791 député suppléant à l’Assemblée législative, Raynouard fut alors ramené à Paris par ses devoirs publics, et il avait l’œil en même temps à ce qui pouvait aider son arrière-pensée secrète de faire son chemin dans les lettres. […] Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ce long et inégal partage entre les affaires et les lettres n’avait nullement refroidi son ardeur pour celles-ci.

1341. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il avait fait imprimer son ode (1760), en y joignant ses lettres à Voltaire et la réponse. […] Ce qu’on a dit de cet affreux Hipponax se trouve vérifié de nouveau, à la lettre, dans Le Brun. […] Lorsque le gouvernement retira aux gens de lettres les logements du Louvre, Le Brun alla23 se loger au Palais-Royal, maison du café de Foy, dans les combles. Il réunissait volontiers chez lui quelques gens de lettres, même quelques femmes sensibles à l’esprit.

1342. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

On l’a laissé mourir, il y a une douzaine d’années, en mai 1839, sans lui accorder assez d’attention : il avait, deux ans auparavant, en 1837, réglé en quelque sorte ses comptes avec le public en faisant imprimer les lettres et notes adressées par lui, dans le cours de onze années, à Bonaparte premier consul et empereur ; il y a joint une Introduction qui est un des meilleurs et des plus piquants morceaux d’histoire contemporaine. […] Elle doit se présenter avec une lettre de recommandation chez une jeune femme riche qui demande une espèce de dame de compagnie. Le moment où Mme de Senneterre se voit munie de cette lettre de recommandation, son étonnement involontaire en la retournant machinalement entre ses mains, sa préoccupation de l’accueil qui lui sera fait, son inquiétude pour sa toilette qu’il faut proportionner à la modestie de sa condition nouvelle, tout cela est pris dans la nature et devait rappeler à plus d’une lectrice des circonstances trop réelles et trop récentes : Extrêmement fatiguée de ne pouvoir m’arrêter à rien, racontait Mme de Senneterre, je me couchai. […] Il en résulta les Lettres sur l’Angleterre (1802), dans lesquelles l’auteur, qui combat l’anglomanie et toutes ses conséquences, avait mêlé des réflexions très vives et très acérées sur la philosophie du xviiie  siècle : il la considérait et la dénonçait comme antipathique à tout établissement social et comme hostile à tout principe stable de gouvernement.

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