Les bêtes, dans ces dialogues, s’expriment en un langage délicieux et coloré.
Lafuma, 587].Crevel oppose ici la poésie ornement à la poésie vitale, retrouvant la thèse de « Clairement » : « Il est inadmissible que le langage triomphe insolemment de difficultés voulues (prosodie), que l’ambition du poète se borne à savoir danser dans l’obscurité parmi des poignards et des bouteilles. » repris dans Les Pas perdus, O.C. t.
Nous savons bien que tout est danger, même l’histoire, et que le mot d’Omar est le plus profond qui ait été dit… Mais puisque le silence, que Goethe finit par adorer, ne peut remplacer ce langage qu’il trouvait désœuvré, frivole, inutile et qu’il eût pu trouver pervers, ne faut-il pas opposer les livres aux livres comme le poison au poison ?
L’un ne se sépare point de l’autre : ces deux facteurs, qui ne se distinguent qu’à l’analyse et pour la commodité du langage, sont une seule et même chose.
» Hâtez-vous de traduire en langage plus abstrus : « L’orbe des sensations ne doit être fragmenté. » Continuez avec un geste solennel : « De la cime perdue de nos effluves sensoriels effilés vers l’astral, à la base charnelle de notre corps, lourde argile qui retient, hors du vol éternel, notre vague de vie… » Si vous avez fait une déclaration et qu’on vous réponde mariage, donnez-vous le temps d’inventer quelque empêchement absolu et esthétique en vous écriant : « Le mot que vous venez de prononcer rétrécit l’envergure de mon envolement. […] L’autre, — la vraie, la veuve du philosophe pour dames, la seule qui ait le droit de se prénommer E., — exprime en langage de bon ton, avec les élégances convenues et convenables, des subtilités psychologiques joliment déduites plutôt qu’exactement observées. […] Les amusements idiots et méchants de quelques petits vicieux, le scepticisme même de quelques enfants avertissent que le mondain au corps soigné, au langage léger, à l’âme pourrie, ne disparaîtra pas avec la présente génération.
Lorsque Baudelaire écrit : « La vraie civilisation n’est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes, mais dans la diminution des traces du péché originel », c’est-à-dire dans la guérison de la volonté (ce que Schopenhauer avait sur un autre plan senti de même façon), il parle un langage qu’il comprend, mais qui est compris de moins en moins. […] * * * Un des premiers écrits de Fromentin est une étude fort raisonnable, publiée en septembre 1845 dans la Revue organique des départements de l’Ouest, sur le rôle des écrivains de second ordre : À quoi servent les petits poètes s’élève contre le mediocribus esse poetis d’Horace, estime que cette mediocritas elle aussi peut être dorée, et, pour parler le langage de sa profession, que les poètes et les écrivains de second ordre forment au moins l’atmosphère et les fonds d’une littérature dont la richesse ne consiste pas seulement à posséder beaucoup d’écrivains de génie, mais à les encadrer, à les nourrir, à les refléter, à les continuer par une classe moyenne forte et nombreuse, les lettres étant après tout chose sociale, et la réalité sociale sous toutes ses formes tirant de ses classes moyennes un élément de stabilité et de force. […] La maison construite par les philosophes allemands, par le romantisme allemand, lui suffit, lui donne les habitudes d’une pensée et d’un langage qu’il n’a pas créés. « Il y a si longtemps que je n’ai point regardé du côté de ma métaphysique et que je vis dans la pensée d’autrui !
Je ne parle pas seulement du style : l’un écrit dans un français qui est presque toujours excellent, et je n’ai pas besoin de vous dire que c’est Mill ; l’autre dans un langage qui n’a de nom dans aucune langue, et je n’ai pas besoin de vous dire que c’est Comte. […] Elle n’irait pas loin sans le langage, sans le mot, sans le signe, si commode, si portatif, si souple, ramassant tant de notions comme en un point ; mais elle existe sans le mot, et déjà très vigoureuse. […] Que ces gens-là ont un langage et n’ont pas une langue. Ils ont un langage analogue à celui des fourmis, des abeilles, des hirondelles et (peut-être) de tous les animaux qui vivent en société. […] Guizot (7 janvier 1839), en un très beau langage, du reste : « Messieurs, pendant un temps, j’ai été accusé d’être ennemi de la liberté, de l’attaquer violemment ; aujourd’hui, je suis accusé d’attaquer le pouvoir.
Habitués à leur libre langage entremêlé de termes techniques, le mot propre n’avait pour eux rien de choquant. […] Une foule d’objets, d’images, de comparaisons, qu’on croyait irréductibles au verbe, sont entrés dans le langage et y sont restés. […] Ces belles exagérations héroïques et castillanes, cette superbe emphase espagnole, ce langage si fier et si hautain dans sa familiarité, ces images d’une étrangeté éblouissante, nous jetaient comme en extase et nous enivraient de leur poésie capiteuse. […] C’est cette veine de langage qui leur déplaît dans les poètes modernes en général et chez Hugo en particulier.
Remarquez encore qu’un tel langage est révoltant pour un homme qui, comme Fourier, croit en Dieu. […] Vous n’osez pas me dire « Croyez parce qu’il faut croire, croyez parce que je le veux, croyez parce que croyez », qui est le vrai et franc langage de l’autorité. […] Comme De Bonald, mais sans rattacher cette idée à toute une théorie de la radicale impuissance de l’homme, Ballanche croit que la parole humaine est d’origine et de création divines, qu’elle est une communication du verbe, et une participation, humble et mesurée au verbe que nous pensons en Dieu et ce que Dieu a voulu que nous pensions, avec une certaine liberté relative d’association et de combinaison ; que nous concevons des idées qui ont été déposées en nous par le langage, qu’en un mot nous sommes non les créateurs, mais les mères de nos idées. […] Le sacerdoce est une fonction, il n’est plus une propriété, d’où il suit qu’il n’y a plus de caste sacerdotale que par un abus de mot et une impropriété de langage. […] L’homme est un être variable, et l’animal un être fixe, relativement au moins, et à considérer des milliers d’années, ce qui, dans la question agitée, est quelque chose : « Tous les autres êtres, comme dit Quinet dans son très beau langage, sont, pour ainsi dire, immobilisés et fixés dans le temps, sont toujours au même point de la durée, en ce sens qu’ils font exactement le lendemain ce qu’ils ont fait la veille ; l’homme seul a la faculté de se mouvoir non seulement dans l’espace, mais dans le temps.
L’ensemble de ses ouvrages résume si bien sa tournure d’esprit, son langage, qu’on croit parfois, en le lisant, l’entendre parler. […] Je regrette tout ce que j’ai coupé, mais l’espace commande ; il ne me reste plus qu’à engager le lecteur à lire avec recueillement ces poèmes dont chaque vers est aimé et ciselé à la façon antique ; il y a dans ce livre un parfum de poésie grecque et une pureté de ferme et de langage qui rappellent le charme des bonnes œuvres d’André Chénier. […] On avait appris à ces enfants, dans le temps de leur grandeur, à distribuer à la foule des saluts et des sourires gracieux toutes les fois qu’ils paraissaient en public ; on ne les avait pas déshabitués de cet usage depuis leur triste déchéance, et lorsque le peuple vit ces deux charmantes petites têtes blondes paraître aux portières et envoyer à droite et à gauche des baisers, l’attendrissement fut général ; les hommes murmuraient tous bas dans leur langage naïf : « Ils sont cependant bien gentils, ces pauvres innocents », et les femmes pleuraient. […] Peut-être son langage avec moi avait-il eu un peu plus d’abandon et de familiarité, à raison de ma jeunesse et surtout parce que, n’ayant appartenu par aucun lien à son gouvernement, je lui paraissais, dans mes idées de fidélité et de loyauté, moins chargé que mes collègues du reproche de félonie.
C’est par une fiction du langage que nous y voyons autre chose ; nous sommes dupes de notre terminologie, le mot engendre le fantôme. […] Et, son fusil posé, tandis qu’il boit un coup de vin, il observe les habitants du logis, fixant en sa mémoire leurs allures, leur langage, leurs traits mêmes. […] Naïfs et bons, ivres de santé et de force, gais d’une gaieté à eux, avec un pittoresque de langage tout trempé d’eau de mer.