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831. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Nous donne-t-il, par exemple, comme échantillon pindarique, la douzième olympique, l’ode à la Fortune, cette hymne courte et sublime, chantée à l’occasion de la victoire, qu’est venu chercher dans les fêtes des grandes cités de la Grèce un Crétois, chassé par une faction de Gnosse, sa patrie, où il avait langui longtemps dans les querelles obscures d’une petite démocratie, il se garde bien d’être simple et uni comme le poëte grec : il ne nomme pas ce coq guerroyant au logis, auquel Pindare compare son jeune héros, avant qu’il eut été délivré par l’exil et jeté par ce coup du sort en Sicile, pour y devenir citoyen paisible de la ville opulente d’Himère, et de là, vainqueur à Olympie : « Je n’ai osé, dit-il, me servir de ce mot de coq3, qui produirait un mauvais effet en français, et qui suffirait pour gâter la plus belle ode du monde. […] C’est elle qui fait violence à la vérité, et sur des noms obscurs jette une gloire corrompue21. » Sa complaisance de cœur semble être pour l’île d’Égine, la conquête et l’auxiliaire d’Athènes, grande dans l’imagination poétique par le nom des Éacides, et mêlant, comme Athènes, la guerre, la marine et les arts. […] Le Danube, géographiquement, se jette dans la mer Noire ; mais Btwsuet, en poëte, appelle toute mer l’Océan.

832. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

On ne peut comparer cette œuvre posthume du poëte qu’à sa sépulture même, aux funérailles païennes que lui firent quelques amis, recueillant après une tempête son corps jeté au rivage, et le brûlant avec le bitume et l’encens sur un coin de bruyère déserte, au milieu de lugubres adieux, sans prières et sans espérance. […] Quoi qu’il en soit, un autre souvenir rapide, jeté par Plutarque, nous laisse un regret. […] La chouette, avant le combat, avait volé sur notre armée ; puis nous les poursuivîmes, les perçant comme des Thons jetés dans les filets.

833. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Buot, qu’il avait péri quarante mille hommes dans Saragosse pendant le siège ; Qu’il avait été consommé par l’armée française devant Saragosse environ deux cent mille mérinos, dont les peaux et les toisons, jetées par les soldats, n’avaient été ramassées que par les vivandières. […] Bernis le gronda, et pour s’excuser, l’artiste se hasarda à lui dire : « Mais, vous-même, monseigneur, dans votre jeunesse… » — « Oui, repartit Bernis ; mais j’ai fait comme Sixte-Quint, j’ai jeté ma béquille. »   100.

834. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

L’étude des belles lettres, qui l’occupait d’abord et où il excellait, se subordonna d’elle-même dans sa pensée dès qu’il eut jeté les yeux sur la Bible, ce qui lui arriva dans son année de seconde ou de rhétorique : ce moment où il rencontra et lut pour la première fois une Bible latine, et l’impression de joie et de lumière qu’il en ressentit, lui restèrent toujours présents, et il en parlait encore dans ses derniers jours ; il en fut comme révélé à lui-même ; il devint l’enfant et bientôt l’homme de l’Écriture et de la parole sainte. […] Au travail, il jetait sur le papier son dessin, son texte, ses preuves, en français ou en latin indifféremment, sans s’astreindre ni aux paroles, ni au tour de l’expression, ni aux figures : autrement, lui a-t-on ouï dire cent fois, son action aurait langui et son discours se serait énervé.

835. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Après avoir assisté pendant des heures à ces débats, souvent aussi éloquents que confus, sans prendre une note, mais aussi sans se dissiper en paroles, il rentrait chez lui tout plein de ce qu’il avait entendu, et il le jetait sur le papier avec feu et avec netteté dans un travail de soirée et de nuit, où sa plume, si hâtée qu’elle fût, ne rencontrait jamais un mot douteux ni une locution louche : il ne pouvait parler ni écrire d’autre langue que celle de sa famille et de sa maison, celle qu’il tenait de son illustre père, et de ses premiers maîtres, de ses premières lectures d’enfance. […] Il aime les livres ; il en a réuni depuis des années une fort belle et riche collection qui, si l’on y jetait seulement les yeux, permettrait d’apprécier l’esprit du collecteur ; — chose rare !

836. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Je demandai alors à relire à haute voix ces quatre vers, en indiquant ce qui les précède dans l’ordre des sentiments et ce qui les amène ; j’en appelai de l’Académie distraite à l’Académie attentive ; j’insistai précisément, je pesai sur l’effet heureux de ce mot tranquillisé, si bien jeté à la fin du vers. […] » Voilà une bien grosse question que vous me jetez à la tête, et je dois dire que je m’y attendais.

837. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Il est raconté dans la vie d’un de nos Bienheureux qu’un jour il parcourait une ville à cheval avec ses amis : Dieu, qui le voulait avoir, le jeta par terre dans la boue, et ce fut l’occasion de son salut et de sa sainteté. […] C’est du style d’orateur pittoresque, jeté tout cru sur le papier.

838. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

… Cette fin de l’ode sort du lieu commun, et le poëte pénitent, tout en se ressouvenant des grandes douleurs et infortunes bibliques, trouve en lui-même son inspiration la plus émue, des jets de véritable éloquence : Pour moi, soit que son bras m’élève ou m’humilie, Je ferai de mon âme une lyre au Seigneur… Il dénombre ses douleurs comme Job, mais il n’en fait pas de reproche à Dieu ; il est prêt à recommencer même, s’il le faut, et à repasser par le cercle rigoureux des épreuves, si c’est la volonté du Maître : Tu m’as jeté sept ans sur la rive étrangère, Et j’ai mangé sept ans le pain des pèlerins. […]    Lorsque le destin plus prospère    Me ramena chez mon vieux père, Le seuil de la maison se ferma devant moi ; Les valets insolents, à l’audace impunie, Me jetèrent de loin leur brutale ironie…    Et j’ai souffert cela pour toi !

839. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Cette mort jeta une ombre sur tout le reste d’une enfance si sensible. […] Maintenant, quand j’entends encore Ses sourds tintements sur les flots, Chaque coup du battant sonore Me semble jeter des sanglots.

840. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

« Il dépêcha son domestique a Paris, à la recherche du précieux instrument, et, d’après le prospectus que le fabricant y joignit, il enseigna lui-même à la cuisinière la façon de couper le rosbif en petits morceaux, de le jeter à sec dans cette marmite d’étain, avec une tranche de poireau et de carotte, puis de visser le couvercle et de mettre le tout bouillir au bain-marie pendant 4 heures. » Malgré le sustenteur « la dyspepsie nerveuse se réveilla ». […] Pour l’opium, Baudelaire avait un guide plutôt que de personnels souvenirs : Thomas de Quincey, helléniste distingué, écrivain supérieur, homme d’une respectabilité complète56, qui osa jeter à la face pudibonde de l’Angleterre l’aveu de sa passion pour la « Noire idole », « décrire cette passion, en représenter les phases, les intermittences, les rechutes, les combats, les enthousiasmes, les abattements, les extases et les fantasmagories suivies d’inexprimables angoisses. » 57 ⁂ De telles expériences ne valent que par les résultats artistiques qui peuvent en découler.

841. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Jetez les yeux sur une foule nombreuse ; combien de fois ne vous arrive-t-il pas de rencontrer des traits dont l’expression amie, dont la douceur, dont la bonté vous présagent une âme encore ignorée, qui entendrait la vôtre, et céderait à vos sentiments ! […] Cette manière de voir étant adoptée par les hommes éclairés, influe sur la teinte générale des idées, mais ne triomphe pas des affections ; elle ne parvient à détruire ni l’amour, ni l’ambition, ni aucun de ces intérêts instantanés dont l’imagination des hommes ne cesse point de s’occuper, alors même que leur raison en est détrompée : mais cette philosophie purement méditative jette dans la peinture des passions un caractère de mélancolie qui donne à leur langage un nouveau degré de profondeur et d’éloquence.

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