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27. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Chapitre II :L’intelligence I « En traitant de l’intelligence, dit l’auteur dans sa préface, j’ai abandonné la subdivision en facultés. […] Les attributs primitifs et fondamentaux de l’intelligence sont : la conscience de la différence, la conscience de la ressemblance et la rétentivité (retentiveness) qui comprend la mémoire et le souvenir. […] Quand l’intelligence s’est éveillée à la vie en saisissant une différence, que fait-elle ? […] La propriété fondamentale de l’intelligence ou discrimination implique la loi de relativité qui se traduit ainsi : Comme un changement d’impression est la condition indispensable de toute conscience, toute expérience mentale est nécessairement double. […] c’est qu’il y voit moins une forme de la loi fondamentale de l’intelligence, que la condition inhérente à tout acte de connaissance, et sans laquelle il n’est point possible.

28. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Les unes l’expliquent par l’action de l’intelligence sur les appétitions, qui résultent elles-mêmes du rapport des circonstances extérieures à notre caractère. Les autres l’expliquent par un pouvoir spécial différent de l’intelligence et des appétitions, différent même du caractère, capable, en un mot, de changer la direction finale qui résulterait naturellement des trois facteurs suivants : caractère, état et direction des inclinations, état et direction de l’intelligence. La première théorie, à son tour, qui explique la volition par l’action de l’intelligence sur les inclinations, peut se subdiviser selon qu’on considère dans l’intelligence même : 1° l’action de l’image sensitive ; 2° l’action des idées et jugements. […] — Nous ne sentons pas naître le désir, ajoute-t-on, nous le sentons seulement grandir en nous, au point même qu’il obscurcit parfois l’intelligence et nous enlève tout pouvoir d’agir. — C’est, répondrons-nous, que le désir proprement dit n’est pas l’action même de l’intelligence, qui le trouve déjà formé et croissant sans elle ; au contraire, la réaction de l’intelligence sur le désir a nécessairement conscience de soi et se voit elle-même à l’œuvre. […] Agir avec les yeux de l’intelligence ouverts, c’est être au centre d’une multitude de relations intellectuelles qui disparaîtraient si on agissait les yeux fermés.

29. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La réhabilitation de l’homme doit donc provenir de la volonté, plus que de l’intelligence. […] Dans toute intelligence les idées peuvent s’associer à des objets matériels. […] Or cette langue qui s’adresse directement, exclusivement à l’intelligence, c’est le type de la prose. […] C’est à l’être tout entier et non pas seulement à l’intelligence que s’adresse la poésie. […] L’ironie, comme état habituel du cœur et de l’intelligence, est mortelle à la poésie comme à la religion.

30. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

(3) Cette révolution générale de l’esprit humain peut d’ailleurs être aisément constatée aujourd’hui, d’une manière très sensible, quoique indirecte, en considérant le développement de l’intelligence individuelle. […] Cette maxime fondamentale est évidemment incontestable, si on l’applique comme il convient à l’état viril de notre intelligence. […] Tel est aujourd’hui, sous plusieurs rapports capitaux, le plus grand et le plus pressant besoin de notre intelligence : tel est, j’ose le dire, le premier but de ce cours, son but spécial. […] N’oublions Pas que, nonobstant cet aveu il est déjà bien petit dans le monde savant le nombre des intelligences embrassant dans leurs conceptions l’ensemble même d’une science unique, qui n’est cependant à son tour qu’une partie d’un grand tout. […] (2) Dans ma profonde conviction personnelle, je considère ces entreprises d’explication universelle de tous les phénomènes par une loi unique comme éminemment chimériques, même quand elles sont tentées par les intelligences les plus compétentes.

31. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Son intelligence, comme lui-même, ne peut naître que dans la famille, et, comme lui-même encore, ne peut se développer que dans la société. […] L’intelligence de l’homme, dans quoi aurait-elle été contenue, ou quel aurait été l’instrument de cette intelligence ? […] Mais ne faisons pas trop d’honneur aux premiers hommes ; car les inventeurs du langage seraient les inventeurs de l’intelligence humaine elle-même. […] L’intelligence humaine fut créée par ces hommes merveilleux, dont les noms ont péri : quelques-uns seulement ont survécu pour être un signe de convention parmi les hommes. […] Les prêtres de l’Égypte ou de l’Inde furent, et je ne refuserai pas de l’admettre, pourvus de vastes et profondes intelligences ; mais enfin ils ne furent doués que d’intelligences humaines.

32. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Moreau (de Tours) lui-même déclare qu’il est impossible de découvrir par les sens la propriété physique dont l’intelligence peut dépendre. […] Ces facultés fournissent des matériaux à l’intelligence, mais ne sont point l’intelligence ; c’est l’intelligence animale et mécanique ce n’est pas l’intelligence de l’homme. […] Un homme peut avoir une mémoire prodigieuse, et même une imagination très vive, et être destitué complètement d’intelligence. […] En outre, quand on s’attend à une extinction totale de l’intelligence, on est d’autant plus frappé de son réveil. […] En d’autres termes, le génie et la folie sont les deux pôles extrêmes de l’intelligence.

33. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Voici autant de croyances et de pratiques absurdes, autant de paroles d’énergumènes, autant de clameurs fanatiques et qui humilient l’intelligence. Toutefois, qu’on ne l’oublie pas, l’intelligence n’est pas ici seule en jeu, il s’agit de la réalité phénoménale qui d’ailleurs conditionne, on l’a vu, l’intelligence. […] À défaut de cette vérité objective qui eût pu être prise comme but, comme principe directeur et comme terme de comparaison, l’intelligence ne saurait rencontrer en effet aucun motif rationnel d’élire et de réaliser quelque état de la substance phénoménale de préférence à un autre : elle assisterait impassible à son écoulement indéfini, et rien ne saurait la déterminer à faire jamais le geste qui, modérant la vitesse du flux phénoménal, rend perceptible quelqu’un de ses aspects. Ce geste émane donc, puisqu’on le voit accompli, d’un pouvoir antérieur au fait même de l’intelligence et qui crée l’intelligence avec le phénomène ; il est corrélatif et contemporain du geste métaphysique, qui fragmente l’unité essentielle, où se manifesté l’action d’un principe irrationnel, et où éclaté une intervention tout arbitraire. […] Le pouvoir d’arrêt qu’il exprime, ce pouvoir d’arrêt qui évoque, hors de l’indéfini et de l’instable, qui fixe et matérialise, sous le regard de l’intelligence, quelque état du mouvement, ce pouvoir se représente en croyance.

34. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Et cela au nom de l’intelligence ? […] Au nom de l’intelligence. Quelle intelligence ? Une intelligence d’assez récente invention, une intelligence opérant par méthode de déduction. […] L’intelligence ?

35. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Nous pourrions, à la rigueur, rayer ce souvenir de notre intelligence, mais non pas de notre volonté. […] C’est dans le moule de l’action que notre intelligence a été coulée. […] Mais nous le vivons, parce que la vie déborde l’intelligence. […] La vérité est que ce ne serait pas trop, ce ne serait pas assez ici de prendre l’intelligence entière. […] Il faut substituer à l’intelligence proprement dite la réalité plus compréhensive dont l’intelligence n’est que le rétrécissement.

36. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

L’intelligence est un accident ; le génie est une catastrophe. […] La sensibilité capitule devant l’intelligence. […] Surtout elle ne crée pas l’intelligence. […] Ce qui ne touche que l’intelligence n’est pas de l’art non plus. […] La culture de l’intelligence consiste à faire creuser ce fossé par l’intelligence elle-même.

37. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Aussi se voit-on de proche en proche amené sur le terrain de l’aliénation mentale, et il est difficile de séparer rigoureusement le domaine du langage et celui de l’intelligence. […] Trousseau, on voit que l’intelligence était très-atteinte. […] Il est bien difficile de juger d’une manière exacte du degré d’intelligence d’une personne qui a perdu le moyen de s’exprimer. […] On a pu attribuer des sièges différents au mouvement, à la sensibilité, à l’intelligence, mais l’intelligence elle-même, et les facultés affectives, n’ont pas été réellement décomposées. La question est donc toujours en suspens, ou, pour mieux parler, l’unité du cerveau, comme organe d’intelligence et de sentiment, peut être considérée comme le fait le plus vraisemblable dans l’état actuel de la science.

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