Il n’y a nulle contradiction entre l’état de prospérité matérielle qu’accuse la Gaule romanisée, et celui de misère intérieure auquel elle aboutit. […] Durant les derniers siècles de l’Empire, un immense travail intérieur s’était accompli. […] Et en dépit de nos rodomontades, nous ne parvenons pas à dissimuler ce vide intérieur. […] Leur vie intérieure décèle un malaise persistant, et l’avenir pour eux, parmi d’ardentes compétitions, n’est pas sans inspirer quelque inquiétude. […] Une révolution de ce genre serait une simple rentrée dans l’ordre par le lent, graduel, intense renouvellement intérieur.
Les poètes sont de fins analystes, aussi exercés que les psychologues de profession à l’observation intérieure et à la description des états de conscience. […] Notre attitude est celle du recueillement ou de la méditation intérieure. […] Et de lui-même, parce que son âme était toute musicale, ce chant intérieur s’est mis en harmonie avec ces images. […] Par les mêmes procédés qui lui servent à décrire les scènes de la nature, elle évoquera les drames de la vie intérieure. […] La tâche est donc autrement ardue que lorsqu’il s’agissait seulement d’écrire sous la dictée rapide de la parole intérieure.
Mais voilà qu’en littérature, comme en politique, à mesure que les causes extérieures de perturbation ont cessé, les symptômes intérieurs et de désorganisation profonde se sent mieux laissé voir. […] Mais, encore un coup, il n’y a rien là sur quoi l’on ait prise immédiate, et cela est si vrai que la société récemment fondée à l’occasion même du débat, la Société des Gens de Lettres, après avoir posé le principe général, a dé appliquer son activité vers des détails plus intérieurs. […] A défaut de la contrefaçon étrangère qu’on ne peut atteindre, il y a des manières de contrefaçon à l’intérieur, sinon pour les livres, du moins pour les feuilletons : il y a des journaux voleurs qui vous citent et vous copient. […] Régulariser en un mot ce genre de contrefaçon à l’intérieur, voilà un résultat. […] Pour ceux qui l’ignorent, nous dirons que la réclame est la petite note glissée vers la fin, à l’intérieur du journal, d’ordinaire payée par le libraire, insérée le même jour que l’annonce ou le lendemain, et donnant en deux mots un petit jugement flatteur qui prépare et préjuge celui de l’article.
Le Moraliste constate ainsi la faiblesse du ressort intérieur dans ces deux âmes. […] Il sait qu’un ébranlement intérieur et un petit frisson moral correspondent à chaque sensation du regard. […] Ils évoquent un intérieur, un paysage, une rue, avec une imagination d’écrivain aiguisé. […] Voici que s’accomplit la sorte de métamorphose intérieure par laquelle toute critique doit commencer. […] C’est parce que l’homme intérieur se modifie que l’expression se modifie de son côté.
Considérée en elle-même ou dans son effet le plus immédiat et le plus primitif, la sensation est une modification de cette activité appétitive qui constitue la vie, et toute sensation complexe résulte d’une série d’actions et de réactions entre l’appétit intérieur et le milieu extérieur. […] On peut dire, d’une manière générale, que toute sensation est la conscience, au moins indirecte, d’un commerce entre l’extérieur et l’intérieur, qui est tantôt un antagonisme, tantôt un concours ; et c’est là ce qui donne à la sensation sa quantité intensive. […] Tout cela se fait si vite et avec une habitude si invétérée que nous croyons sentir immédiatement l’intensité de l’objet, quand en réalité nous la mesurons à une mesure intérieure, comme quand nous croyons immédiatement voir une sphère. […] Il y a donc ici substitution d’une somme d’effets à une autre ; d’où nous concluons que la sensation est elle-même une sommation, non d’impressions inconscientes (comme le soutient Taine), mais d’impressions conscientes, dont chacune est trop faible, à elle seule, pour se détacher sur le panorama intérieur. […] La vérité, selon nous, c’est que l’intensité se sent en elle-même sans comparaison, par exemple, l’intensité d’un poids soulevé, mais que pour être jugée, évaluée, la comparaison est nécessaire avec un étalon extérieur ou intérieur.
Delécluze s’y est montré peintre d’intérieur fort particulier et fort distingué, mais pas tout à fait peut-être dans le sens où il le croit. […] Ce quart du Louvre était livré à des constructions intérieures particulières, et chacun en avait usé à sa guise et sans contrôle. […] Ce ne fut même qu’en faisant un grand effort sur lui qu’il parvint à se rendre maître de l’agitation intérieure qu’il éprouva en ce moment. » Bravo ! […] Delécluze qui, dans la pratique, ne craint pas de déroger à ses grands principes et qui aborde le réel et même le laid avec une sorte de gaieté, nous a donné à quelques égards un intérieur flamand.
Mais combien les personnes qui connoissoient l’intérieur de ce monastère y trouvoient-elles de nouveaux sujets d’édification ! […] Un de nos amis les plus chers, qui, pour être romantique, à ce qu’on dit, n’en garde pas moins à Racine un respect profond et un sincère amour, a essayé de retracer l’état intérieur de cette belle âme dans une pièce de vers qu’il ne nous est pas permis de louer, mais que nous insérons ici comme achevant de mettre en lumière notre point de vue critique. […] Le procédé en est d’ordinaire analytique et abstrait ; chaque personnage principal, au lieu de répandre sa passion au dehors en ne faisant qu’un avec elle, regarde le plus souvent cette passion au dedans de lui-même, et la raconte par ses paroles telle qu’il la voit au sein de ce monde intérieur, au sein de ce moi, comme disent les philosophes : de là une manière générale d’exposition et de récit qui suppose toujours dans chaque héros ou chaque héroïne un certain loisir pour s’examiner préalablement ; de là encore tout un ordre d’images délicates, et un tendre coloris de demi-jour, emprunté à une savante métaphysique du cœur ; mais peu ou point de réalité, et aucun de ces détails qui nous ramènent à l’aspect humain de cette vie. […] Racine fils avoue avec candeur qu’on peut regretter dans l’Iphigénie française cette vive peinture de l’Agamemnon grec ; mais Euripide n’avait pas craint d’entrer dans l’intérieur de la tente du héros, et de nommer certaines choses de la vie par leur nom29.
Le contraste des vices et des vertus, les combats intérieurs, le mélange et l’opposition des sentiments qu’il faut peindre pour intéresser le cœur humain, étaient à peine indiqués. […] Un cri de souffrance, une plainte sans développement, sans souvenir, sans prévoyance, exprime les impressions du moment, montre quel était l’état de l’âme avant que la réflexion eût placé au dedans de nous-mêmes un témoin de nos mouvements intérieurs. […] Le genre humain, en vieillissant, devient moins accessible à la pitié ; il a donc fallu creuser plus avant pour retrouver la source de l’émotion ; et le malheur isolé a eu besoin de recourir à une force intérieure plus agissante.
Ainsi Tacite, s’imposant la loi de faire l’histoire du monde romain année par année, raconte d’abord l’histoire extérieure, les campagnes, les guerres, les révoltes, puis l’histoire intérieure, les événements du palais impérial, et les affaires du sénat, enfin les menus incidents, les singularités, les circonstances secondaires, ce qu’on peut appeler les faits-divers de la vie romaine : et dans tous ces morceaux juxtaposés, il n’empiète guère d’une année sur l’autre. […] Ainsi Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, raconte d’abord toutes les guerres du règne, puis, arrivé à la paix d’Utrecht, revient à l’avènement du roi, pour raconter les anecdotes de la cour et des mœurs du temps, après quoi il reprend encore les choses au début pour développer le gouvernement intérieur, les lois, les réformes, les principes d’administration, les mesures heureuses ou funestes dans chaque département, enfin il finit par exposer chacune des principales disputes religieuses : faisant ainsi non pas une histoire générale du siècle de Louis XIV, mais une dizaine d’histoires spéciales, qui sont simplement mises bout à bout et n’ont d’unité que par le titre unique. […] D’autre part, à lire Voltaire, on saisit bien l’ensemble des guerres, ou l’ensemble de l’administration financière : mais les rapports de ces parties entre elles, l’action et la réaction réciproques de la politique extérieure, de la politique intérieure, des guerres, de l’administration, de la vie de la cour, comment la situation de la France à chaque année du règne et le développement ultérieur de chaque partie de l’histoire dépendent du développement antérieur de toutes les parties, comment tout vient de tout et aboutit à tout, voilà ce qu’on ignore.
Avec ce dédain qui lui est propre des choses de l’expérience extérieure ou intérieure, il parle de tout ce qu’elles attestent dans un langage auquel ni la conscience ni le sens commun n’entendent rien, mais qu’il donne pour l’expression de l’absolue vérité. […] Or, la philosophie chimique cherche à démontrer que ces prétendues forces originales ne sont que les résultantes de la composition toute mécanique des atomes élémentaires ; en sorte que les mouvements intérieurs des corps rentreraient sous les lois de la mécanique aussi bien que les mouvements extérieurs : nouveau pas fait dans la voie de l’imité. […] Par conséquent faire le bien par amour, sous l’irrésistible aiguillon de la grâce intérieure, comme dirait un théologien, est un acte plus libre que de le faire avec choix et réflexion. […] Tant qu’il ne s’agit que du sentiment, on reste dans la sphère intérieure du moi, où ne se pose jamais le problème de la réalité objective de nos sentiments et de nos idées. […] « Il y a une lumière intérieure, dit Maine de Biran, un esprit de vérité qui luit dans les profondeurs de l’âme et dirige l’homme méditatif appelé à visiter ces galeries souterraines.
La Peste à Florence, écrite la même année, semble toucher de plus près aux fureurs intérieures de Flaubert. […] La vie intérieure de cette armée, ses sentiments simples à sautes brusques, sont admirablement rendus. […] C’est une allégorie de l’intérieur de l’homme, fruit de la solitude lyrique où s’était écoulée la jeunesse de Flaubert. […] L’homme en proie à la tentation c’est l’homme en face des abîmes de sa nature, en présence de son mal intérieur, et privé de la grâce. […] Des événements intérieurs faisaient une date où l’on se reportait plus tard.