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510. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

La reconnaissance n’offre-t-elle pas à l’imagination du poète autant de ressources que la plainte ? […] L’étude des questions sociales, ramenée aux idées génératrices qui les dominent, peut seule fournir à l’imagination du poète les armes dont il a besoin. […] Dans ce livre, comme dans la plupart de ses précédents ouvrages, l’auteur fait preuve d’un grand savoir-faire et d’une imagination très mesquine. […] Or, ici encore, les éléments fournis par l’histoire ont été métamorphosés par l’imagination du poète. […] Il traite le lecteur avec un dédain superbe, et s’adresse à l’intelligence sans jamais essayer de séduire l’imagination.

511. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il s’y révèle déjà comme manquant d’imagination. […] Il y a une jolie imagination dans cette idée. […] La vraie est faite avec des concepts de la raison, la fausse avec des amusements de l’imagination. […] Ils ont voulu l’adorer, non seulement avec leurs facultés rationnelles, mais avec leur imagination. […] Il n’avait aucune imagination à une époque où tout le monde en avait trop.

512. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Les livres de Mme de Staël, virils par l’ambition des sujets et par les mots, ne sont pas toujours d’une femme par la grâce de l’imagination, le naturel, la finesse, le bonheur des choses trouvées. […] L’imagination seule s’intéresse au spectacle de tant de talent dépensé à se contredire avec scandale, et à s’ôter toute créance parmi les hommes. […] Son imagination lui obéit. […] Né sur les rives de la Méditerranée, l’auteur a vu et entendu à son tour ce que, jusqu’à la fin des temps, l’imagination des poètes verra dans les flots aux mille aspects de la mer, entendra dans les mille murmures de sa voix. […] L’imagination, chez lui, n’est pas riche, mais partout où elle doit avoir part à l’œuvre, il la trouve à son commandement.

513. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Ses auteurs, en effet, ont, préférablement à tout, cherché à peindre, avec le moins d’imagination possible, la jeune fille moderne, telle que l’éducation artistique et garçonnière des trente dernières années l’ont faite. […] Mon imagination va à ses dernières heures, les cherche à tâtons, les reconstruit dans la nuit, et elles me tourmentent de leur horreur voilée, ces heures ! […] — et j’ai fait cette fois de l’imagination dans du rêve mêlé à du souvenir. […] Je crois aussi qu’il ne faut pas s’attarder dans la littérature d’imagination, au-delà de certaines années, et qu’il est sage de prématurément choisir son heure pour en sortir. […] Ce volume complète l’Œuvre d’imagination des deux frères.

514. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Fille de l’individualisme, qui a tout envahi, et de ces mauvaises mœurs, que la Comédie corrige en riant, disent les niais qui aiment le spectacle, la littérature de ce temps, — et il ne faut pas biaiser avec une chose si grave, — a fait une haute position à l’adultère dans l’imagination publique. […] c’est cette haute position de l’adultère dans l’imagination publique que M.  […] tant mieux que ce contempteur de la société, telle qu’elle est faite et qui pose comme la loi, l’abaissement, le foulement aux pieds de toute loi par la passion désordonnée, n’ait pas le prestige du talent, ne soit pas couvert par cette éblouissante et effrayante magie, et qu’ainsi il ne puisse entraîner les imaginations charmées et troubler le fond des consciences en remuant puissamment le fond des cœurs ! […] Feydeau a construit un livre que des rhétoriciens perclus, et qui veulent que les faits ne bougent pas plus que leur imagination podagre, ont appelé, ces jours-ci, un mélodrame plutôt qu’un roman. […] Sainte-Beuve, prétend qu’il faut écarter la morale des livres d’imagination, ce que je ne crois point, et qu’il faut faire amusant avant tout.

515. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

En Angleterre, depuis deux siècles ; en Allemagne depuis cinquante ans, on donne des tragédies dont l’action dure îles mois entiers, et l’imagination des spectateurs s’y prête parfaitement. […] Quand on dit que l’imagination du spectateur se figure qu’il se passe le temps nécessaire pour les événements que l’on représente sur la scène, on n’entend pas que l’illusion du spectateur aille au point de croire tout ce temps réellement écoulé. […] Il est clair que, même à Paris, même au théâtre français de la rue de Richelieu, l’imagination du spectateur se prête avec facilité aux suppositions du poète.

516. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

De là la stérilité d’imagination, la sécheresse d’élocution. […] » Cette scène, qui saisit l’imagination à la lecture, se réduit à cette pensée : « Vous me demandez, Sire, de déshonorer le nom que mes aïeux m’ont transmis glorieux et pur. » À l’idée des aïeux, de la race, le poète s’est contenté de substituer celle des individus : il a mis les unités à la place du groupe. […] Il avait suffi de se demander qui étaient ces prophètes, sans entrer autrement en frais d’imagination.

517. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Mais il est rare en somme que toutes les imaginations s’envolent ainsi de concert. […] c’est que les grands mots, qui étonnent et détonnent, forcent les imaginations endormies et grossières, et y suscitent des images que les mots simples, employés aux usages domestiques, sont devenus par là même incapables d’y évoquer. […] Et ces phrases de prose ne doivent-elles pas ce qu’elles ont de pénétrant et de profond aux mots abstraits, qui, n’emprisonnant point l’imagination dans une réalité particulière, lui ouvrent par là même de plus vastes horizons ?

518. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Panthéistes ou néo-grecs, bien d’autres poètes l’ont été de nos jours ; mais nul peut-être n’a eu au même degré cette uniforme et tour à tour admirable et insupportable sublimité d’imagination. […] Tout le Silvestre des contes est dans ces quelques lignes, sauf les plaisanteries et les imaginations d’apothicaire ou d’égoutier, dont je ne donnerai point de spécimen. […] Armand Silvestre a copieusement vengé le pauvre dieu Crépitus, et je ne m’en étonne plus : il est assez naturel qu’ayant, dans sa poésie savante, les imaginations des anciens hommes, il ait aussi leurs gaietés et se gaudisse des mêmes objets.

519. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Comme la fable choisie n’est point la représentation d’une réalité rigoureusement limitée dans le temps et dans l’espace, on y peut mettre tout ce que le souvenir et l’imagination suggèrent de pittoresque et d’intéressant. […] Le plat Tertius lui-même, « organe d’un bon sens superficiel », est irrité « parce qu’il ne déteste rien tant que l’imagination ». « Je vous le dis, conclut Voltinius, une cité est perdue quand elle s’occupe d’autre chose que de la question patriotique. […] Point : c’est l’ancien clerc de Saint-Sulpice qui a conservé l’imagination catholique  S’il témoigne de son respect et de sa sympathie pour les choses religieuses, pour les mensonges sacrés qui aident les hommes à vivre, qui leur présentent un idéal accommodé à la faiblesse de leur esprit, nous y voulons voir une raillerie secrète.

520. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Ce n’était ni de la religion, ni de la morale réfléchies ; c’était de la mélancolie, de la tendresse, de l’imagination ; c’était par-dessus tout du sérieux, c’est-à-dire la condition essentielle de la morale et de la religion. […] C’étaient même les plus orthodoxes qui restaient en dehors de toutes ces imaginations particulières, et s’en tenaient à la simplicité du mosaïsme. […] La formation toute récente de l’Empire exaltait les imaginations ; la grande ère de paix où l’on entrait et cette impression de sensibilité mélancolique qu’éprouvent les âmes après les longues périodes de révolution, faisaient naître de toute part des espérances illimitées.

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