Son âme est comme l’idéal accompli de la généralité des âmes que l’ironie n’a pas desséchées, que la nouveauté n’enivre pas immodérément, que les agitations mondaines laissent encore délicates et libres. […] Le drame est assez splendide et assez pathétique pour n’avoir pas à craindre l’analyse ; les ombres ne sont pas des taches ; la réalité, en un si noble sujet, ne détruit pas l’harmonie ; et la vérité, même vue de près, est encore l’idéal. […] Et enfin, et surtout, ce que l’on reconnaît, c’est que d’autres poètes ont eu peut-être d’autres qualités, plus d’art et de métier, par exemple, ou plus de passion ; ils ont encore été, ceux-ci, des inventeurs plus originaux ou plus puissants, et ceux-là, des âmes plus singulières ; mais nul, assurément, n’a été plus poète, si, dans la mesure on ce mot de poésie exprime ce qu’il y a de pins élevé dans l’idéal de l’humanité, nul ne l’a réalisé plus pleinement, ou n’en a plus approché, sans effort et sans application, naturellement, naïvement, par le seul effet de son instinct ou de la loi de son être, comme un grand fleuve coule scion sa pente.
Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Il ne choisissait pas les sujets de ses poèmes ; il était inapte à disposer froidement les parties d’une œuvre en vue d’un idéal préconçu ; l’objectif l’émouvait peu. […] Malheureusement, ce n’est qu’à mi-côte du Parnasse que ces personnages évoluent ; ce n’est qu’à mi-côte de l’idéal séjour que ces fêtes de fraîcheur se déploient.
L’homme idéal serait celui chez qui les émotions auraient une grande puissance, l’intelligence une force extraordinaire de reproduction et dont la volonté tiendrait l’une et l’autre dans une sujétion égale. […] Ces motifs peuvent nous déterminer, ou bien par leur existence actuelle, réelle, présente, ou bien par une action idéale, par une influence de pure prévision : les précautions contre les causes de maladie, contre toute atteinte à notre propriété, à notre réputation, etc., sont de la seconde sorte. […] Tels sont les motifs entre lesquels a lieu le conflit : tantôt c’est entre deux motifs actuels qu’a lieu la lutte, tantôt entre un motif actuel et une idée, et celle-ci restera victorieuse, si le souvenir est assez vif pour que l’idéal remporte sur le réel, comme chez les gens très préoccupés de leur santé.
Elle n’était probablement que ce que doit être l’idéal de la femme, simplement quelque chose de blanc et de mystérieusement lumineux, comme la robe et les perles qu’elle aimait à porter ! L’idéal de la femme n’est peut-être ni la beauté splendide, ni le feu de l’esprit, ce diamant du front, ni le feu de l’amour, cet autre diamant de la poitrine, mais un peu de bonté dans un peu de grâce, et en voilà assez pour le ravissement de l’humanité ! […] IV Il en est de même pour la Correspondance, continuée par Madame Lenormant, et qui nous fait trop toucher, dans des lettres extrêmement médiocres, Madame Récamier, cette fleur idéale de Madame Récamier, qui, après de pareilles lettres, ne sera toujours pas la fleur qui chante !
Descartes posait que tout ce qui relève de la physique est étalé en mouvement dans l’espace : par là il donnait la formule idéale du mécanisme universel. […] Je veux bien qu’« horloges » et « observateurs » n’aient rien de matériel : par « horloge » on entend simplement ici un enregistrement idéal de l’heure selon des lois ou règles déterminées, et par « observateur » un lecteur idéal de l’heure idéalement enregistrée.
Ailleurs, se plaisant à décrire une devise de bouclier, il comptait avant tout sur la vaillance et la célébrait comme le meilleur rempart des villes, dans des paroles que Platon lui emprunte, lorsqu’il cherche les conditions de sa république idéale. […] Les yeux n’ont plus de regards, et des bruits remplissent les oreilles ; une sueur glacée se répand, un tremblement m’agite : je deviens plus pâle que l’herbe flétrie ; et, près d’expirer, je demeure sans haleine. » Nous ne voudrions pas d’autre réponse que cette nosologie de l’amour à la bonne foi des critiques allemands qui rêvent une Sapho tout idéale. […] Tout ce que mon cœur souhaite de faire, fais-le pour moi, combattant toi-même à mon aide. » Autour de ces paroles éteintes, sous les changements du temps et des idiomes, rêvez le ciel de Lesbos, l’harmonie des vers et celle de la lyre, l’accent passionné de la voix, dans le silence des nuits limpides, ou dans le calme sonore d’un jour brûlant d’été : et vous aurez entrevu quelque chose du gracieux délire dont la poésie et la musique, l’imagination et les sens, l’idéal et l’amour, ont parfois enchanté l’âme humaine.
Il en aura conscience lui-même : les théories de son Contrat social seront calquées sur la constitution de Genève, non sur l’état actuel de corruption, mais sur la pureté de l’organisation primitive, ou sur l’idéal plus ou moins représenté par la réalité. […] En un mot, il se tient dans la spéculation, et il construit un idéal absolu. Il n’y a pas à s’étonner que cet idéal n’ait jamais passé et ne puisse encore passer tel quel dans le monde des réalités. L’essentiel est que cet idéal jamais atteint contienne assez de vérité et de vertu pour améliorer notre pauvre présent. […] Rousseau a raison : quand jamais un contrat de ce genre n’aurait été fait entre les hommes, il resterait vrai que ce contrat idéal régit toute société sans exception.
Vincent d’Indy jet quelques autres ont poursuivi cet idéal et s’en sont approchés. […] Peintres et écrivains ont mêmes modèles, même idéal. […] De même que les jardins anglais, les déserts, les ermitages, les élysées, qui se multiplient à la même époque, Trianon prouve qu’à la ville, à la cour même, on veut avoir l’illusion de la campagne et il permet d’évaluer combien en cent ans a changé l’idéal de beauté. […] C’est qu’en effet l’idéal a changé. […] Car toujours les variations de l’idéal en matière de beauté humaine les provoquent, les reproduisent ou les accompagnent.
Prononcer l’un ou l’autre de ces mots, Nature, Art, c’est faire une évocation, c’est extraire des profondeurs l’idéal, c’est tirer l’un des deux grands rideaux de la création divine. […] Cette cime est l’idéal. […] État final de toutes les sociétés où l’idéal s’éclipse. […] L’Idéal est chez Cervantes comme chez Dante ; mais traité d’Impossible, et raillé. […] Railler l’idéal, ce serait là le défaut de Cervantes ; mais ce défaut n’est qu’apparent ; regardez bien ; ce sourire a une larme ; en réalité, Cervantes est pour don Quichotte comme Molière est pour Alceste.
Ceux qui ont vu et connu le personnage savent s’il est bien vrai qu’il fût amant de l’idéal à ce point, et si c’était en effet à l’étude austère et à la sobre contemplation des chef-d’œuvres qu’il employait ses heures solitaires ! […] Doué de sens exquis, d’une mémoire visuelle merveilleuse, d’organes et d’instruments d’imitation fins, rapides et sûrs, plus prompt à faire qu’à dire, il eut de l’art toute la première vue qu’on peut désirer ; mais s’il y a dans l’art autre chose que l’immédiat, s’il y a une seconde vue plus idéale, celle-là il ne l’eut point. […] Évidemment il a cherché le dessin, le mieux, un certain arrangement, la tournure idéale ; il a cherché à ennoblir la forme11. […] Je pense, en écrivant ceci, à un critique d’art fort distingué, mais bien sévère, et que son amour pour l’idéal n’absout pas, à mon sens, de quelque injustice dans le cas présent15.
Ceci est surtout vrai d’un mince recueil imprimé124, mais inédit, distribué et non vendu, sans titre, in-8°, sur grand papier, vrai idéal d’impression comme en doit souhaiter pour ses Arcana cordis tout poëte amoureux, délicat et dédaigneux. […] La pièce intitulée les Étoiles, qui n’a d’ailleurs rien de commun que l’objet éthéré avec la méditation de Lamartine, est un chef-d’œuvre d’élégie idéale, sauf une faute de grammaire au milieu qu’il serait bien aisé de corriger : notre tendre poëte sait mieux en effet la guitare que la grammaire, et il s’est mépris à la règle des quelque 125 Aisément lié par sa promptitude de cœur, sa dévotion pour la poésie et sa jeunesse d’imagination, avec les générations survenantes, M. […] Le roman, tout roman (il faut bien le dire) est plus ou moins contraire au sévère christianisme, parce que tout roman renferme en soi et caresse plus ou moins un idéal de félicité sur terre, ou un idéal de douleurs.