On se tromperait en le croyant : cette phrase a été écrite un jour sombre ; dans tous les cas, ce mépris de l’humanité né d’une pareille cause serait peut-être justifiable, mais je ne veux pas le justifier ; je crois qu’un rationaliste ne peut mépriser l’humanité et que cette hauteur dédaigneuse est un piédestal pour les seuls spiritualistes qui font bien de s’y isoler. […] Le public s’intéresse à l’humanité, sinon aurait-il tant la curiosité des affaires privées, l’amour des cancans, lirait-il la Gazette des Tribunaux ? […] Le premier se montre ami des hommes, sans précisément avoir une haute idée d’eux ni de l’humanité ; le second pense si grandement de l’humanité qu’il court par là le risque de mépriser les hommes. […] Bien que tous deux ne répondent pas à l’idéal de la complète humanité et se ressemblent sous ce rapport, il y a cependant entre eux cette grave différence que si le réaliste ne satisfait dans aucun cas isolé à la raison de l’humanité, il n’est du moins jamais en contradiction avec l’intelligence de celle-ci ; tandis que l’idéaliste, si dans quelques cas isolés il se rapproche davantage de la plus haute idée de l’humanité, souvent aussi il tombe au-dessous même de sa plus basse idée. […] De tels esprits n’ont pas un amour assez profond de l’humanité, ils détestent trop les vivants décidément et préfèrent les morts.
Plus tard, si Milton eût emprunté à l’humanité le magnifique symbole de l’orgueil vaincu mais non humilié, il eut produit un type nouveau analogue au Prométhée. […] L’humanité les tient pour les révélateurs antiques du Beau et immortalise les noms d’Homère et de Valmiki. Et l’humanité a raison, car tous les éléments de la Poésie universelle sont contenus dans ces poèmes sublimes qui ne seront jamais oubliés. […] Il n’appartenait qu’à lui d’entreprendre une telle œuvre, de vouloir, comme il le dit, « exprimer l’humanité dans une espèce d’œuvre cyclique, la peindre successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, lesquels se résument en un seul et immense mouvement vers la lumière ». […] Mais Victor Hugo a développé son étrange conception avec tant de verve, d’éloquence et de couleur, qu’il faut le remercier, au nom de la Poésie, d’avoir prêté cette charité terrible à cet insensé féroce qui puisait la haine de l’humanité dans l’imbécillité d’une foi monstrueuse.
* * * — Il y a de la pacotille dans l’humanité, des gens fabriqués à la grosse, avec la moitié d’un sens, le quart d’une conscience. […] Le domestique, dans notre société d’égalité, n’est plus qu’un paria à gages, une mécanique à faire le ménage, que les maîtres n’associent plus à leur humanité. […] Mais l’adultère de Mme de Jully, voici qui est de mon humanité, de mon temps : voici qui me touche. […] C’est mieux que de l’art, c’est de la vie… Oui, une impression que nulle autre peinture du passé ne nous a donnée ailleurs… Stupéfiant musée de la vie et de l’humanité d’une société. […] Tous ces critiques s’écrient d’une seule voix qu’il y a eu un temps, un pays, une œuvre au commencement de l’humanité, où tout a été divinisé, et au-dessus de toute discussion et même de tout examen.
. — Humanité Nouvelle — La Plume. […] Blum : Les Livres, Revue Blanche, 15 janvier 1897, L’Humanité, 8 juillet 1904 […] L’Humanité Nouvelle, 1903, in-18. […] — L’Humanité Nouvelle. […] Collaboration. — Mercure de France, Humanité Nouvelle.
Mais son humanité aussi s’éveille et avec elle son ambition. […] De la vie sauvage du Centaure, il s’est élevé à l’Amour-passion pour une seule femme ; de là à la vie héroïque de conquérant, de celle-ci à l’amour des humbles et de l’humanité. […] Il a noblement apporté sa pierre à ce temple, de l’Esprit pur que, depuis des siècles, les plus hautes intelligences de l’humanité, les plus grands savants, les plus puissants artistes, ont rêvé d’édifier dans la conscience humaine. […] Une tendance générale se remarque chez tous : c’est la volonté de prendre au sérieux la vie, la vie individuelle et la vie sociale, c’est de réaliser dans leurs œuvres toute l’humanité qui est en eux. […] Ce qui émeut notre âme, c’est ce qui est contenu d’humanité essentielle dans ce poème, c’est par conséquent le rythme même de l’âme, et les idées ou images accessoires qui le vêtent ne nous semblent sublimes que parce qu’on sent confusément qu’elles sont les symboles nécessaires au poète pour nous traduire son émotion intérieure.
La dureté espagnole se tempère chez eux d’un peu d’humanité. […] Ses intrigues, presque toujours, en même temps qu’elles sont des « actions illustres », roulent d’ailleurs sur quelqu’une de ces grandes questions qui doivent intéresser l’humanité tout entière. […] Si nous avons une dette envers la patrie, ne nous devons-nous donc rien à nous-mêmes, et, en nous-mêmes, à l’humanité ? […] Ceux-ci, en particulier, « savent, la plupart, de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ». […] L’histoire naturelle des lois l’intéresse, mais son pays autant ou davantage, et le progrès, et l’humanité.
Pour mettre nos Lecteurs en état d’en juger, il nous suffira de citer une des réflexions de l’Auteur sur la doctrine désespérante de ceux de nos Philosophes, qui n’offrent, pour toute consolation, à l’humanité souffrante ou malheureuse, que l’attente du néant & la résolution de la hâter par une mort volontaire.
Ballanche disait à son jeune désespéré de 1819 pourrait s’adresser fructueusement à beaucoup des jeunes néophytes qui embrassent les siècles et l’univers : « Je veux essayer, mon fils, de guérir en vous une si triste maladie, état fâcheux de l’âme qui intervertit les saisons de la vie et place l’hiver dans un printemps privé de fleurs. » — La destinée de l’homme se compose, en effet, de deux destinées qu’il doit simultanément accomplir, une destinée individuelle proportionnée à son temps de passage sur cette terre, une destinée sociale par laquelle il concourt pour sa part à l’œuvre incessante de l’humanité. […] Ballanche protestait ainsi à l’avance contre les âges d’or terrestres de Saint-Simon et de Fourier, contre ces pays de Cocagne que les doctrines matérialistes de progrès font voyager devant nous à l’horizon ; il ne protestait pas moins en ces paroles contre l’absorption dernière de l’individu dans la vie confuse de l’humanité, autre excès où vont les doctrines progressives panthéistiques : lui, il était et il est distinctement spiritualiste et chrétien. […] Son Orphée dut résumer les quinze siècles de l’humanité, qui, en dehors du cercle de nos traditions religieuses, sont placés en avant des temps historiques : Orphée dut être une espèce de Genèse du haut paganisme. 2° Si M. Ballanche enfermait toute l’humanité, extérieure aux Hébreux et antérieure à l’histoire, dans cette composition mythique d’Orphée, il songeait en même temps à enfermer l’histoire positive dans une Formule générale : les cinq premiers siècles de l’histoire romaine lui parurent se prêter excellemment à ce dessein, en ce qu’historiques par la gloire des noms, ils sont couverts de vapeurs transparentes et crépusculaires, et en ce que l’évolution, s’y accomplit dans une gradation distincte et toute dramatique. […] Ballanche, de l’homme qui se fait lui-même, lui représentait par les trois sécessions la masse de l’humanité conquérant successivement la conscience ou le sentiment de soi, la pudicité ou le mariage légal, et enfin la dignité ou l’aptitude aux magistratures dans les divers ordres. 3° Quant à l’avenir qui suit cette émancipation et à la perspective future et finale des destinées humaines sur la terre, ce devait être un des objets, un des pressentiments de la Ville des Expiations : M.
Quand au-dessous de lui, au milieu de l’humanité il entend le cri de détresse de cette femme, il descend donc de sa solitude délicieuse, mais déserte. […] En effet l’artiste n’est rien autre chose que l’homme en qui les conflits, dont le champ est l’humanité toute entière, se manifestent avec le plus de force. […] Il se trouva en contact avec une situation dramatique qui, du moins, ne contenait point cette frivolité, tant haïe, et qui, aussi, par le triomphe de la fidélité féminine, répondait bien au dogme principal du Maître sur l’Humanité. […] Nous assistons à un véritable réveil, dans cette évolution de la musique instrumentale à la musique vocale, dans ce fait si mémorable, si précieux pour la théorie générale esthétique, et dont l’explication, au propos de la Neuvième symphonie de Beethoven, nous a conduit jusque cette recherche Ce que cette évolution nous signifie, maintenant, c’est une certaine surabondance, une tendance nécessaire et impérieuse pour s’épandre au dehors, comparable, entièrement, à l’effort pour s’éveiller d’un rêve angoissant et cruel : et la signification suprême pour le génie artistique de l’Humanité est que cet effort appelle, ici, une nouvelle forme d’activité artistique, donnant à ce génie une puissance nouvelle, l’aptitude à réaliser l’œuvre d’art dernière. […] Ce serait assurément la seule forme artistique répondant à ce génie allemand si fortement individualisé en notre grand Beethoven, ce créateur d’une si générale humanité, et cependant si original ; ce serait cette forme nouvelle de l’art qu’avait, jadis, le monde ancien, et qui manque, jusque maintenant, au Monde nouveau.
Caïn devient pour lui le symbole de l’humanité ; le dieu qui l’a faite pour la douleur et pour le mal est le véritable auteur du mal comme de la douleur : c’est lui qui est le vrai meurtrier d’Abel. […] La grande société vivante et souffrante n’embrasse pas seulement l’humanité, mais aussi les animaux, dont Leconte de Lisle s’est plu à peindre les vagues pensées, la conscience obscure et les rêves, comme pour y mieux saisir, dans ses premières manifestations, le sens de la vie universelle. […] Il restait et il reste encore bien des inspirations à chercher, pour le poète, dans toute cette partie de la société, la plus nombreuse, qui vit ignorée, et qui est cependant le fond même de l’humanité. […] Les strophes qui suivent nous montrent dans les transports de l’amour ce que Schopenhauer appelait la « méditation du génie de l’espèce » pour conserver l’humanité : Quand, pressant sur ce cœur qui va bientôt s’éteindre Un autre objet souffrant, forme vaine ici-bas, Il vous semble, mortels, que vous allez étreindre L’infini dans vos bras, Ces délires sacrés, ces désirs sans mesure Déchaînés dans vos flancs comme d’ardents essaims, Ces transports, c’est déjà l’humanité future Qui s’agite en vos seins.
Le poème qui finit au tombeau finit dans une énigme, et l’humanité ainsi n’a pas de dénouement. […] Ce livre raconte en versets, dont chacun est un vers qui trouve son écho dans un autre vers, les pensées de Dieu, la création du monde en six grandes journées de l’ouvrier divin, qui sont peut-être des semaines de siècles ; la naissance du premier homme, son ennui solitaire dans l’isolement de son être, qui n’est qu’un morne ennui sans l’amour ; l’éclosion nocturne de la femme, qui sort, comme le plus beau des rêves, du cœur de l’homme ; les amours de ces deux créatures complétées l’une par l’autre dans ce premier couple dont le fils et les filles seront le genre humain ; leurs délices dans un jardin à demi céleste ; leur pastorale enchantée sous les bocages de l’Éden ; leur fraternité avec tous les animaux aimants qui parlaient alors ; leur liberté encore exempte de chute ; leur tentation allégorique de trop savoir le secret de la science divine, secret réservé seul au Créateur, inhérent à sa divinité ; leur faute, de curiosité légère chez la femme, de complaisance amoureuse chez l’époux ; leur tristesse après le péché, premier réveil de la conscience, cette révélation par sentiment du bien et du mal ; leur citation au tribunal divin ; les excuses de l’homme pour rejeter lâchement le crime sur sa complice, le silence de la femme, qui s’avoue coupable par les premières larmes versées dans le monde ; leur expulsion ; leur pèlerinage sur la terre devenue rebelle ; la naissance de leurs enfants dans la douleur ; le travail sous toutes les formes, premier supplice de l’humanité ; le premier meurtre faisant boire à la terre le sang de l’homme par la main d’un frère ; puis la multiplication de la race pervertie dans sa source ; puis le déluge couvrant les sommets des montagnes ; une arche sauvant un juste, sa famille, tous les animaux innocents ; puis la vie patriarcale, en familiarité avec des esprits intermédiaires appelés des anges, esprits tellement familiers qu’ils se confondent à chaque instant sur la terre avec les hommes, auxquels ils apportent les messages de Dieu ; puis un peuple choisi de la semence d’Abraham ; des épisodes naïfs et pathétiques, comme ceux de Joseph, de Tobie, de Ruth ; une captivité amère chez les Égyptiens ; un libérateur, un législateur, un révélateur, un prophète, un poète, un historien inspiré dans Moïse ; puis des annales pleines de guerres, de conquêtes, de politique, de liberté, de servitude, de larmes et de sang ; puis des prophètes moitié tribuns, moitié lyriques, gouvernant, agitant, subjuguant le peuple par l’autorité des inspirations, la majesté des images, la foudre de la langue, la divinité de la parole ; puis des grandeurs et des décadences qui montent et descendent de Salomon à Hérode ; puis l’assujettissement aux Romains ; puis un Calvaire, où un prophète plus surnaturel monte sur un autre arbre de science pour proclamer l’abolition de l’ancienne loi, et promulguer pour l’homme, sans acception de tribus, Juifs et païens, une loi plus douce scellée de son sang ; Puis une autre terre et un autre ciel pour l’univers romain devenu l’Europe. […] … En sorte que toute l’humanité naissante, déchue, gémissante, priante, chancelante, vivante, morte, ressuscitée, est contenue et exprimée dans cette épopée des races hébraïques ; que le prêtre et le poète n’est qu’un seul homme pour les peuples de cette théogonie ; et que toutes les fois que le peuple assiste à ses mystères dans les temples, il entend le pontife réciter ses annales, chanter ses hymnes, commémorer ses drames, et qu’il assiste ainsi à sa propre épopée en action ! […] » Ce ne sont plus des mers, des degrés, des rivières, Qui bornent l’héritage entre l’humanité : Les bornes des esprits sont leurs seules frontières ; Le monde en s’éclairant s’élève à l’unité. […] L’humanité n’est pas une bouffonnerie ; l’homme n’est pas né pour le rire.