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37. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Le moyen fige, comme l’antiquité héroïque, nous offrirait çà et là de ces heureuses surprises, depuis Alfred pénétrant en ménestrel dans le camp des Danois, jusqu’à Richard Cœur-de-Lion appuyant à la fenêtre de sa prison la harpe du trouvère. […] Hâtons-nous de reconnaître qu’il y a dans le Recueil quelques agréables exceptions ; il y en a même d’assez heureuses pour faire naître une idée qu’on ne saurait tout à fait dissimuler. […] Champollion a conjecturé judicieusement, selon moi, que la pièce en tercets : Doulce, plaisante, heureuse et agréable nuict (page 150), est trop compliquée pour être du monarque. […] Bonaventure des Periers était moins heureux tout à côté, lorsque, essayant de traduire en vers blancs la première satire d’Horace : Qui fit, Mæcenas …, il disait, en la dédiant à son ami Pierre de Bourg : « D’où vient cela, mon amy Pierre, que jamais nul ne se contente de son estat ?  […] D’heureux vers rachètent ces associations bizarres et ces images tirées de si loin.

38. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elskamp, Max (1862-1931) »

Dans les campagnes nues ou dans les cathédrales fleuries, qu’il regarde la mélancolie de l’Escaut jaune et gris ou la sérénité des vieux vitraux couleur de mer, qu’il aime les douces Flamandes aux bras nus ou Marie-aux-cloches, Marie-aux-îles, Marie-de-beaux-navires, Max Elskamp est le poète de la Flandre heureuse. Sa Flandre est heureuse parce qu’il y a une étoile à la pointe de ses mâts et de ses clochers, comme il y avait une étoile sur la maison de Bethléem. […] On peut aller sans peur vers Max Elskamp et accepter la corbeille de fruits qu’il nous offre dorée « par un printemps très doux », et boire au puits qu’il a creusé et d’où jaillissent « des eaux heureuses », des eaux fraîches et pleines d’amour.

39. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il avait le sans-gêne toujours impertinent de l’homme heureux, et non pas de l’homme heureux, sans chemise, de l’abbé Casti, mais de l’homme heureux « qui en a dix-sept cents sur le dos », comme disent les Anglais, ces utilitaires ! […] Il en est bien heureux, du reste. […] Ce n’est pas mal pour un homme que l’on croyait perdu et qui s’était figé à traduire Horace, qui s’y était endormi, qui somnolait et ne se réveillait que le temps d’un feuilleton ; d’ailleurs trop heureux pour avoir du talent encore, de ce talent qui suppose des entrailles, du cerveau, de l’inspiration, de la chaleur et de la longueur dans l’haleine, et qui se réveille aujourd’hui très-dispos, pour faire un livre et un chef-d’œuvre.

40. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

« Ô femme mille fois heureuse, dit-il à Sacountala, le nœud que tu viens de former secrètement, et sans m’avoir consulté, n’est pas contraire à nos saintes lois. […] Sur toi repose le soin de mon existence ; de toi dépend la perpétuité de ma race : vis donc heureux, ô mon fils, l’espace de cent ans ! […] Que tu vas être heureuse ! […] — Ou plutôt, ce fruit accompli de toutes les vertus, qui en sera jamais l’heureux possesseur ? […] De mon heureuse retraite je vais jouir de leur conversation, pleine du plus charmant abandon ! 

41. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Ô siècle heureux ! […] À mademoiselle Mars cet artifice a manqué, cet heureux mensonge a été impossible. […] disait-elle, homme heureux, qui reste absolument le maître des esprits et des âmes ! […] l’homme heureux qui se passe de moi, qui avais tant de peine à me passer de lui !  […] Au contraire, et sur les bords opposés, voyez d’un coup d’œil la vie admirablement heureuse de mademoiselle Mars.

42. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

soyez heureux ! […] Il fut le plus aimé et le plus heureux des maris. […] Mais Virginie a été heureuse jusqu’au dernier moment. […] si Virginie a été heureuse avec nous, elle l’est maintenant bien davantage. […] Virginie maintenant est heureuse.

43. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Mais, avec le temps, et en perdant soi-même de sa roideur et de sa morgue juvénile, on a rendu plus de justice à ce naturel parfait, à cette langue qui ne demande qu’à être l’organe rapide du plus agréable bon sens, qui l’est si souvent chez lui, et à laquelle, après tous les essors aventureux et les fatigues de style, on est heureux de se retremper et de se rafraîchir comme à la source maternelle. […] La grande affaire et la seule qu’on doive avoir, c’est de vivre heureux ; et si nous pouvions réussir à le devenir sans établir une caisse de juifrerie, ce serait autant de peine épargnée. […] Dites à Thieriot que je veux absolument qu’il m’aime, ou quand je serai mort, ou quand je serai heureux ; jusque-là, je lui pardonne son indifférence. […] Il y fut heureux malgré quelques courts orages, et sauf des querelles d’intérieur qui ont transpiré et que la curiosité maligne a recueillies. […] Heureux qui sait se dérober de bonne heure aux séductions de la renommée, aux fureurs de l’envie, aux jugements inconsidérés des hommes !

44. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

J’ai cherché ce qui constitue mes moments heureux, et j’ai toujours éprouvé qu’ils tenaient à un certain état de mon être, absolument indépendant de mon vouloir… Moi-même qu’ai-je fait de bien lorsque je me trouve dans cet état de calme dont je désire la prolongation ? […] Maine de Biran a dès l’abord une faculté heureuse qui est le principe de toute découverte et de toute observation neuve : il s’étonne de ce qui paraît tout simple à la plupart des hommes, et de ce dont l’habitude leur dissimule la complication et la merveille. […] Il s’est attaché quelque part à réfuter une définition que Cabanis a donnée du bonheur : « Le bonheur, dit Cabanis, consiste dans le libre exercice des facultés, dans le sentiment de la force et de l’aisance avec lesquelles on les met en action. » — « À cette condition, répond Maine de Biran, il n’est guère d’homme moins heureux que moi. […] Heureux les hommes qui sont ou se sentent inspirés ! […] Les jours où il l’entrevoit par hasard et où elle lui sourit, il est heureux.

45. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Fénelon, grâce à son optimisme heureux, à son catholicisme indulgent, ne craignit pas non plus de se livrer à cette sensibilité pieuse qui lui faisait adorer la Providence à chaque pas dans la création. […] Bernardin, qui ne cherchait pas seulement des lieux rêvés d’avance et embellis, mais qui voulait des hommes heureux et sages, alla donc de mécomptes en mécomptes. […] Heureux qui revoit les lieux où tout fut aimé, où tout parut aimable, et la prairie où il courut, et le verger qu’il ravagea !  […] Dans tout le discours du colon : « Je passe donc mes jours loin des hommes, etc. », il a tracé son portrait idéal et son rêve de fin de vie heureuse. […] Villemain, dans ses deux excellentes leçons sur Bernardin de Saint-Pierre, a trop bien développé cette ressemblance connue tant d’autres heureuses analogies, pour que nous n’y courions pas rapidement, de peur de trop longue rencontre.

46. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Quelques génies heureux, parmi les lyriques, semblent, au contraire, conserver jusqu’au bout un accord égal, facile, entre la sensibilité et son expression. […] … D’un cri de liberté Jamais, comme mon cœur, mon vers n’a palpité ; Jamais le rhythme heureux, la cadence constante, N’ont traduit ma pensée au gré de mon attente ; Jamais les pleurs réels à mes yeux arrachés N’ont pu mouiller ces chants de ma veine épanchés ! […] Mais, même heureuse, même comblée ici-bas comme épouse et comme mère, son roman est clos, son poëme s’en est allé ; le voilà hors de son atteinte, suspendu au plus obscur de l’alcôve nuptiale, avec la couronne d’oranger près du crucifix. […] Elle semble y douter pour ses premiers-nés de l’accueil qui les a favorisés jusque-là ; cette révolution qui a renouvelé et surtout dispersé tant de choses, qui a dissous les groupes poétiques et littéraires, lui paraît avoir de beaucoup vieilli ses vers, si heureux à leur naissance : Hélas ! […] Chacun s’en revient seul, rouvre son mal et pleure, Heureux s’il peut pleurer !

47. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

M. de Lamartine, dont la disposition habituelle est plutôt le contentement et la sérénité, rentre bien vite dans le vrai de sa nature, lorsqu’il nous peint sa libre et facile enfance, sa croissance heureuse sous la plus tendre et la plus distinguée des mères : « Dieu m’a fait la grâce de naître dans une de ces familles de prédilection qui sont comme un sanctuaire de piété… Si j’avais à renaître sur cette terre, c’est encore là que je voudrais renaître. » Il aurait bien tort, en effet, et il serait bien injuste s’il croyait avoir à se plaindre du sort à ses débuts dans la vie. […] Heureux de formes, heureux de cœur, heureux de caractère, la vie avait écrit bonheur, force et santé sur tout mon être. […] On aurait tort de croire qu’à travers ces défauts qui blessent, il n’y ait pas, malgré tout, de charmants détails, mille retours heureux où le poète se joue et retrouve sa touche légère. […] Un des plus heureux passages de l’épisode de Graziella, c’est quand le poète, après la tempête qui l’a jeté dans l’île de Procida, réfugié au sein de cette famille de pêcheurs, se met à lire et à traduire à ces pauvres gens, durant la veillée, quelques-uns des livres qu’il a sauvés du naufrage.

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