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23. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Lui, Jules Janin, qu’on pourrait appeler Félix Janin, car il fut certainement le plus heureux des hommes de lettres de ce temps, a eu aussi cette fortune dernière, comme si à tous les autres bonheurs de sa vie il avait eu besoin d’ajouter encore celui-là. […] III Homme heureux, style heureux ! […] Et il riait, et il emportait ses quatre sous, heureux, pour le coup, comme un Prince ! […] Mais voyez encore le bonheur de cet homme heureux. […] Le génie de l’importunité vainquit… On fit à Janin l’aumône qu’il demandait, et cet homme obstinément heureux attendit d’être de l’Académie pour mourir… Ah !

24. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Ducoté, Édouard (1870-1929) »

. — Le Chemin des ombres heureuses (1899). — Merveilles et moralités (1900). […] Ducoté sont des petits récits ingénieux, contés avec grâce et mesure, en vers souvent heureux et toujours habiles. […] Ducoté nous donne le résultat de son dernier effort, la quintessence de ses derniers rêves, sous ce titre : Le Chemin des ombres heureuses… C’est un fort beau livre… [La Vogue (15 décembre 1899).]

25. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Mais, s’il exerça une heureuse influence sur les individus distingués, il échoua dès qu’il voulut introduire une partie de ses idées de réforme dans l’enseignement public ; il ne put faire brèche ; l’Université en corps résista, elle tint bon pour sa grammaire traditionnelle, qui avait été un progrès, en son temps, mais qui était certainement dépassée ; on eut même, je le crois, quelque peine à pardonner à Dübner sa tentative d’amélioration et ses insistances ; car il revint plus d’une fois à la charge, la polémique fut longue, bien des considérations étaient en jeu… N’insistons pas nous-même : le souvenir de ces désaccords et de ces démêlés ne serait point à sa place ici, en présence d’une tombe. […] « Remercions aussi l’artiste distingué dont le ciseau a si bien servi cette pensée d’amitié et de justice, et a su figurer à nos yeux l’image et l’esprit de notre ami dans une composition heureuse. […] Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts. Placé entre deux grandes nations rivales qu’il eût voulu concilier dans les choses de l’intelligence, il a échappé à nos disputes du jour, à nos conflits, a nos misères ; il a eu les plus illustres et les plus charmants des morts pour contemporains et pour hôtes assidus ; heureux homme, dans ses dernières années du moins, à la fois rustique et attique, il jouissait de son jardin, envoyait à ses amis en présent des fruits à faire envie à Alcinoüs, et il possédait son Homère comme Aristarque.

26. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Ils en ont fait enfin la gloire impertinente de gens riches et heureux ou dignes de l’être qui réussit toujours, car qui ne se croit digne, dans ce monde, d’être riche ou bien d’être heureux ? […] Sa gloire, heureuse comme lui, n’a jamais éprouvé de choc, n’a jamais reçu d’abordage. […] Horace, dit Joubert, contente l’esprit, mais il ne le rend pas heureux. […] Cet égoïste, qui n’a songé qu’à être heureux, garde son bonheur pour lui seul. […] Joubert fait presque un aveu d’ennui comme Byron, et il vous tue Horace très bien avec sa petite goutte d’essence ; Horace ne rend pas l’esprit heureux !

27. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Heureux, il redevient amoureux ; voilà la nature. […] Je l’entends, après un coup heureux qui vient de remplir d’or son chapeau, vanter l’état du joueur, sa vie où s’enchaînent les plaisirs, le cuivre devenant or dans ses heureuses mains, les belles qui le poursuivent de leurs billets doux, les vieux seigneurs qui le cajolent, les festins, les bals, la comédie, etc. […] Nul ne veut y être des derniers ; mais il s’en faut que tous y soient heureux. […] Voltaire, qui s’en doutait un peu, n’en a-t-il pas voulu à la Métromanie et au Méchant d’avoir été plus heureux que Nanine ? […] Il y a trouvé ceux dont il avait en lui l’heureux don.

28. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Une circonstance heureuse, souvent racontée, vint servir à souhait Léopold à son début, ainsi que son ami Schnetz, qu’il ne faut point séparer de lui dans leur tentative courageuse. […] Je vis extrêmement retiré, j’ai la société de mon frère qui est un bon enfant, nous sommes heureux de notre vie tranquille : tant il est vrai qu’il n’y a que la vertu qui donne ce calme, ce bien-être qui est trop peu connu ! […] Navez ces paroles tout empreintes d’affection amicale et d’esprit de famille : Il est vrai que tu as tout pour te trouver heureux d’être au monde : tu te trouves dans ta patrie, honoré et considéré pour ton talent brillant ; estimé, aimé par toutes les personnes qui te connaissent ; regardé par la Fortune de son œil le plus favorable ; heureux époux, heureux père. […] Ma mère pense quitter Rome au printemps prochain : l’isolement où nous nous trouverons, mon frère et moi, ne sera pas assez long, j’espère, pour nous faire faire des retours trop sérieux sur les moments heureux que nous passons actuellement. […] Je suis heureux de voir la nature aussi belle et noble.

29. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

On me dira qu’il ne faut pas tant admirer des particularités de diction si simples, et que c’est la nécessité du vers qui détermine le plus souvent et commande cet heureux placement des mots. […] Ici, c’est tout autre chose ; c’est le jeune homme en feu qui sort de la maison où il a conquis le bonheur ; il a besoin d’éclater, son cœur déborde ; il est dans l’impatience de dire au premier qui l’interrogera : Je suis heureux. […] l’heureuse journée ! […] Quand je suis trop heureux de t’avoir, au contraire. […] Pétrone a parlé de l’heureuse curiosité, du goût choisi d’Horace, Horatii curiosca felicitas : c’est toute une définition en deux mots.

30. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Sa Jobbie, par exemple, est une jolie et svelte Écossaise, qu’on dirait la sœur d’Ariel : on la croit légère, elle ne l’est pas ; on la croit une enfant, mais elle a vu passer le noble et beau seigneur, elle se l’est choisi tout bas, et lorsqu’il se marie à la fière Lucy, au sortir de cette noce à laquelle elle a assisté parée et comme riante, elle arrache les fleurs de sa tête, et cache sous ses mains sa pâleur de statue ; mais nul ne saura jamais son secret : Oui, qu’on te croie heureuse, ô ma Jobbie ! […] Chacun garde une larme au fond de son regard, Ou jeune fille ou femme, ou jeune homme ou vieillard ; Heureux quand cette larme est divine et sacrée Comme le pur regret de ta vie ignorée ! […] Chacun a vu passer quelque riant mensonge Dont rien n’a pu voiler l’ineffaçable songe : Heureux quand la chimère a des ailes d’azur Comme un nuage blanc flottant en un ciel pur ! […] c’est contre moi-même alors que je m’indigne ; Il ne faut pas ployer, mais se taire et mourir… Au milieu des heureux je passerai rapide.

31. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Voici une fable plus heureuse que les trois précédentes. […] Cette idée, qui fait le fonds de la fable, ne me paraît pas heureuse. […] Je trouve aussi l’idée de la fable un peu bizarre, mais il y a des vers heureux. […] Et le don d’être amie, Expression bien heureuse que La Fontaine a inventée et rendue célèbre. […] Mais, malgré la louange dont La Fontaine se gratifie, nous avons vu qu’il n’était pas si heureux dans l’éloge de M. le prince de Conti et de madame Harvey.

32. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Dévoilons-en pourtant, avec la pudeur qui sied, un modèle de plus, déjà bien ancien, et dont les monuments secrets nous sont venus dans un détail heureux où nous n’aurons qu’à choisir. […] L’âme seule lui suffisait ou du moins lui semblait suffire : mais quand l’ami lui témoigna sa souffrance, elle ne résista pas, elle donna tout à son désir, non parce qu’elle le partageait, mais parce qu’elle voulait ce qu’elle aimait pleinement heureux. […] Ils étaient donc heureux sans que le monde les soupçonnât et les troublât. […] L’histoire des heureux est courte. […] Mais il était tard déjà, et ils se trouvaient si heureux, si amoureux du passé, qu’ils craignirent de rien déranger à une situation accomplie, d’où disparaissait même la crainte lointaine.

33. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Heureux encore ceux qui ne font que ce qu’ils peuvent faire ! Heureux Voltaire quand il fait un conte et non pas une comédie ! […] dit-elle, “voici mes derniers pas heureux.” […] comme il était heureux de peu, content de peu ! […] Heureux voyage, mais triste retour !

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