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182. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Est-ce le pontife, dans l’éloge de la princesse Palatine et dans le récit des guerres sauvages de Pologne, ou le poëte, dans sa joie triomphante de Marathon et de la fuite des Perses aux arcs recourbés ? Ce n’est pas seulement le même cri de guerre, le même accent d’une âme belliqueuse ; le vêtement et comme l’armure a passé d’un monde à l’autre. […] « Douce tranquillité, dit-il alors, fille de la justice, toi qui agrandis les cités, tenant dans tes mains les clefs des conseils et des guerres, reçois pour Aristomène l’honneur de la palme pythique ; car tu sais donner le bonheur et en jouir à propos. […] Si on oubliait qu’il s’agit d’un des petits rois, entre lesquels se partageait la Sicile, du roi d’Agrigente ou du roi d’Etna, on croirait parfois entendre l’éloge d’un des héritiers de ces maisons souveraines qui, du moyen âge à nos jours, ont régné sur quelque grand peuple, à travers les révolutions et les guerres. […] Hercule fonda les jeux olympiques des prémices de la guerre.

183. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

La première partie de la carrière de Rosny se passera à n’être en apparence qu’un homme de guerre et un soldat ; mais ce fonds d’études, cet amour d’une instruction solide et sérieuse, vertueuse en un mot, il le gardera et le cultivera en toutes les circonstances, dans les intervalles de loisir et jusqu’au milieu des camps. […] Cependant le roi de Navarre se sauve des gardes et espions qui l’observent, et se dérobe, à Senlis, pendant une partie de chasse (1576) : Rosny l’accompagne dans sa fuite, et bientôt se met à apprendre sous lui la guerre. […] Quatre ans après, à Nérac, pendant que la Cour huguenote est là comme dans son petit Paris et dans son lieu de délices, la guerre continuant aux alentours, Rosny qui veut s’y mêler, et qui voit que le roi de Navarre a défendu de sortir de la ville à cheval, se remettra à ce premier métier de fantassin et ira, parmi les vignes et les haies, faire le coup d’arquebuse avec les plus simples soldats. […] Dans ces premières guerres toutes d’escarmouches et de coups de main, on voit le roi de Navarre guerroyant sans grandes vues encore, jouant à chaque instant le tout pour le tout devant la moindre bicoque de Poitou ou de Gascogne ; ce ne fut guère qu’à dater de la bataille de Coutras (1587) qu’il étendit ses visées et ses plans, et déploya des desseins de capitaine. […] Dans les trêves de ces guerres fatigantes, à Pau, à Auch, à Nérac, il avait appris le métier de courtisan avec application, absolument comme on apprend un autre métier : en 1576, à Pau, on le voit étudier son premier ballet dont Madame Catherine, sœur du roi de Navarre, prend elle-même la peine de lui enseigner les pas : « Et de fait vous le dansâtes huit jours après devant le roi », disent ses authentiques secrétaires.

184. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Après les grandes guerres européennes de conquête et d’invasion, vinrent les guerres de plume et les luttes de parole pour les systèmes. […] Il commence cette petite guerre qu’il fera au caractère de notre nation, chez qui il veut voir toujours la vanité comme ressort principal et comme trait dominant : « La nature, dit-il, a fait le Français vain et vif plutôt que gai. » Et il ajoute : « La France produit les meilleurs grenadiers du monde pour prendre des redoutes à la baïonnette, et les gens les plus amusants. […] À l’heure qu’il est, de guerre lasse, une sorte de Concordat a été signé entre les systèmes contraires, et les querelles théoriques semblent épuisées : l’avenir reste ouvert, et il l’est avec une étendue et une ampleur d’horizon qu’il n’avait certes pas en 1820, au moment où les critiques comme Beyle guerroyaient pour faire place nette et pour conquérir au talent toutes ses franchises. […] Quand je dis campagne et quand je prends les termes de guerre, je ne fais que suivre exactement sa pensée : car dans son séjour à Milan, dès 1818, je vois qu’il avait préludé à ce projet d’attaque en traçant une carte du théâtre des opérations, où était représentée la position respective des deux armées, dites classique et romantique. […] Dans ses brochures, il combat les deux unités de lieu et de temps, qui étaient encore rigoureusement recommandées ; il s’attache à montrer que pour des spectateurs qui viennent après la Révolution, après les guerres de l’Empire ; qui n’ont pas lu Quintilien, et qui ont fait la campagne de Moscou, il faut des cadres différents, et plus larges que ceux qui convenaient à la noble société de 1670.

185. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

M. de Meilhan était de ceux qui ne craignaient pas le grand jour ; à la mort de Louis XV, il semble s’être dit : « Mon père était le premier médecin du feu roi, je serai le premier médecin de la France. » Il avait des appuis en cour, et, sous le ministère de la Guerre de M. de Saint-Germain, il fut appelé à une place de création extraordinaire, celle d’intendant général de la guerre et des armées du roi. […] Sénac de Meilhan avait promis, pour condition de son élévation, de travailler sans relâche à me détruire auprès du ministre de la Guerre, et de profiter de toutes les occasions qui se présenteraient pour me dégoûter d’une position qui me condamnait à un rôle purement passif, puisque je n’entrais dans aucun des conseils, et que je n’étais consulté que pour la forme. On pensait, avec quelque raison, que ce nouvel intermédiaire entre moi et les bureaux réduirait à rien mon influence dans tout le département de la Guerre. […] Il remarque que chacun, moyennant cette monnaie courante, peut parler même de ce qu’il ne sait pas, louer Newton ou Descartes sans avoir la plus légère teinture de géométrie, caractériser Turenne ou Condé sans posséder les éléments de l’art de la guerre. […] M. de Meilhan paraît compter, pour varier la monotonie, sur quelques petites guerres encore, sur trois ou quatre banqueroutes ; mais ces accidents qu’il prévoit ne lui paraissent pas de nature à régénérer suffisamment le fond social ni à en dérider la surface : Quelle ressource, se demande-t-il, aura donc alors l’esprit humain agité par son énergie, pour se manifester ?

186. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Ce dernier était pour la continuation de la guerre dans laquelle il voyait le point d’appui de sa puissance militaire et de son autorité : Barneveld était pour la paix, mais pour une paix digne. […] Henri IV, si l’on excepte quelques velléités qu’il en eut dès le commencement, ne demandait pas la continuation de la guerre ; mais, en montrant qu’il n’en était pourtant pas ennemi, il prétendait obtenir pour les Hollandais une paix plus forte, plus solide, et contracter renouvellement d’alliance avec eux. […] Il tâcha de faire que l’un ne parût pas trop ouvertement enclin à la paix, ni l’autre à la guerre. […] En se rapprochant donc tant qu’il le peut de Barneveld, qui est au fond l’oracle des Pays-Bas et « celui qui conduit la barque comme il lui plaît », Jeannin ne se livre pas à lui : mais il a soin « de s’avancer plus ou moins du côté de la paix ou de la guerre suivant les occurrences ». […] Dans ses derniers projets d’expédition et de guerre à l’étranger, il l’invitait en riant à se pourvoir d’une bonne haquenée pour l’accompagner et le suivre en toute entreprise. — Un jour qu’il y avait eu une indiscrétion commise sur quelque matière d’État, il prenait Jeannin par la main, en disant aux autres membres du Conseil : « Messieurs, c’est à vous de vous examiner ; pour moi, je réponds du bonhomme. » La carrière du président Jeannin semble remplie et comblée dans sa mesure, et pourtant il resterait encore tout un chapitre à y ajouter.

187. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Une guerre sociale s’ouvre, et ce que les uns défendent, ce que les autres attaquent, c’est la propriété, base et symbole à la fois de tout l’ordre établi. […] Il fit une rude guerre à l’Université, foyer d’athéisme et de corruption, aux études classiques, à tous les libéralismes, à toutes les libres pensées, ne séparant pas les modérés des révolutionnaires, ni les spiritualistes des matérialistes ; il fit la police de l’Église française, interdit par Dupanloup, appelant à Pie IX, défendant le pouvoir temporel, poursuivant l’extermination du gallicanisme, lançant l’anathème et l’invective contre tous ceux qui contestaient l’infaillibilité du pape. […] La guerre de 1870 fit de cet Alsacien un républicain : il se jeta alors avec passion dans le journalisme, où il n’avait été jusque-là qu’amateur. […] Je laisse son grand rôle dans la guerre de 1870 : l’orateur seul nous appartient. […] Après la guerre, il fonda le xixe siècle , journal républicain.Éditions : Romans et nouvelles : Tolla, Hachette, in-16 ; Mariages de Paris (1856), in-16 ; le Roi des Montagnes (1856), in-16 ; Trente et Quarante (1858), in-16 ; l’Homme à l’oreille cassée (1861), in-16 ; le Nez d’un notaire (1862), in-16 ; les Mariages de province (1868) in-16. — Pamphlets et articles de journaux : la Question romaine, Bruxelles, gr. in-8, éd. française 1861 ; Rome contemporaine (1860). in-8 ; le xixe  siècle , publ. p.

188. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Cet homme de civilisation raffinée et de littérature volontaire, qui, précisément dans le livre où il a cristallisé laborieusement toutes ses études, toutes ses observations, toutes ses pensées, montre, à dix reprises différentes, le mépris philosophique d’un membre du Congrès de la paix pour cette grande chose qui s’appelle la guerre, a très probablement essayé de donner à sa pensée des formes plus savantes, plus littéraires, plus mandarines ; mais il est resté, quoi qu’il ait pu faire, timbré du casque de soldat. […] Par le relief et par le mouvement, par la sensation du pittoresque et la flamme de l’imagination, teinte de guerre depuis la jeunesse, le capitaine d’Arpentigny serait un magnifique historien militaire, et nous le croirions dans un milieu plus vrai que celui qu’il s’est choisi s’il nous écrivait quelque grand épisode de l’histoire de cet Empire pour lequel il est si dur et si injuste. […] « C’est à ce mouvement qu’on dut en partie la victoire… » Maintenant, qu’il déclame tant qu’il voudra contre la guerre et s’enniaise de philosophie moderne, l’homme qui a écrit cette espèce de strophe, cette phrase presque plastique, ce tableau d’un si rapide mouvement et d’une si héroïque couleur, est, avant de se donner pour un Lavater de la main, un peintre militaire indestructible qui va se trouver partout : — il n’y a qu’un moment dans l’idéal, tout à l’heure dans la réalité. […] Voués à la guerre et au mouvement par l’organisation que leur transmirent les gens de main et les héros d’audace accourus à la voix du nourrisson de la louve d’airain, les Romains reçurent en partage le génie des arts nécessaires aux hommes d’action. […] Ils n’eurent pour la poésie qu’un goût passager et de reflet, pour les beaux-arts qu’un goût de vanité, méprisant les idées spéculatives et n’ayant d’estime que pour la guerre, l’histoire, l’éloquence politique, la science du droit et les plaisirs sensuels.

189. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

L’opposition reprochait encore au Directoire la continuation de la guerre et le délabrement des finances. […] S’il concluait la paix, il avait toujours consulté trop peu la dignité République, il avait sacrifié des alliés fidèles ; s’il poursuivait la guerre, il épuisait la France et méconnaissait les besoins du peuple. […] Que l’Autriche désire sincèrement la paix, et le Directoire aussi ; ils se feront pourtant la guerre, parce que la guerre est implacable entre les deux systèmes qui les divisent, et que rien n’est irrésistible comme un système.

190. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Presque tous communièrent, officiers, soldats pêle-mêle, le général Reymond à leur tête, à qui je devais fermer les yeux le lendemain même, frappé de trois balles. » (Impressions de guerre de prêtres soldats, recueillies par Léonce de Grandmaison.)‌ Les protestants firent leur office autant qu’ils le purent, petit cénacle grave, simplifié. « Le jour de Noël, raconte l’un d’eux, nous nous sommes trouvés réunis dans un grenier autour d’une table munie d’une couverture de coton, cinq soldats, dont un prisonnier en prévention de conseil de guerre. […] Enfin les misères de la guerre produisent une vie en commun, un collectivisme de la tranchée.

191. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Les chances de la guerre ayant tourné contre lui, ils se sont joints à l’Allemagne pour le chasser ! […] Et après avoir dit tant de fois : Heureux ceux qui sont morts avant cette guerre ! […] Une guerre injuste ! […] Guerre et paix sont deux choses d’ordre divin. […] C’est du xiie  siècle, où un troubadour du nom de Blacassel, dans une sirvente en langue romane et en vers monorimes, a tracé ce tableau expressif de l’influence de la guerre sur les caractères et les mœurs : Guerre me plaît, quand je la vois commencer ; Car par guerre je vois les preux s’illustrer, Et par guerre je vois maints destriers dresser, Et par guerre je vois l’avare généreux devenir, Et par guerre je vois prendre et donner, Et par guerre je vois les nuits veiller ; Donc guerre est droiturière, ce me semble, Et guerre me plaît sans avoir jamais trêve32.

192. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Dussault a très-bien dit de la Guerre des Dieux que ce poëme figurera dans l’histoire de la Révolution, encore plus qu’il ne marquera dans celle de la littérature, et à ce titre il réclame quelque considération sérieuse. […] Le succès de la Guerre des Dieux ne fit que mettre Parny en verve, et il continua sur le même ton dans divers chants restés inédits et dans d’autres petits poëmes qui parurent sous le titre de Portefeuille volé, en 1805. […] Au lendemain de l’apparition de la Guerre des Dieux, une place se trouvait vacante à l’Institut ; il s’agissait de remplacer Delille qui s’était obstiné, un peu tard, à émigrer. […] Garat voulait parler à M. de Parny de son poëme honteusement célèbre de la Guerre des Dieux. […] Garat applaudit au poëme188… » Comme on était alors dans tout le feu du projet de descente en Angleterre, Fontanes termina la séance par la lecture d’un chant de guerre contre les Anglais, mêlé de chœurs et dialogué, avec musique de Paisiello.

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