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392. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il faut des grâces particulières », elle disait sans s’en douter le mot le plus profond du monde. […] Il acquit de la prudence, de la souplesse et même de la grâce. […] Il fut emprisonné derechef, et de nouveau sollicita sa grâce. […] Quand il conte, c’est avec infiniment d’esprit naturel et de bonne grâce spontanée. […] Marot est passé maître en ces grâces toutes françaises, comme La Fontaine.

393. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Il y a dans ce marbre toute la grâce du Pérugin, et même la grâce de Raphaël. […] Un bon acrobate a toujours de la grâce, bien que la grâce ne soit point son but. Il a de la grâce parce qu’il fait ce qu’il doit faire de la meilleure manière dont la chose puisse se faire. Il a de la grâce parce qu’il est naturel. […] Ses personnages se meuvent avec aisance, avec grâce, avec indolence.

394. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

laissez-moi, de grâce, me barbouiller de la prose de Rabelais ! […] On demande grâce. […] Ces dessins sont d’une grâce terriblement académique. […] Elle est pleine de malice et de grâce. […] Grâce à ce « mais », les auditeurs superficiels ont pu croire que M. 

395. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

— sont de nature à plaire à des âmes un peu fines, tantôt par la grâce d’une amourette, tantôt par l’espièglerie d’un mot échappé. […] Les « rhétoricqueurs » d’avant Marot peuvent, de leurs mignoteries, faire valoir cette excuse, qu’il y avait alors quelque mérite à pédantiser avec subtilité et non sans grâces. […] C’est de la grâce, une désinvolture jamais surpassée en son bel air de gloire, et de la tendresse aux pleurs sincères, et de la force aussi. […] Si la grâce de croire hélas ! […] Parfait en ses manifestations récentes, il fut toujours délicat, exquis, heureux ; il a, dans la peine comme dans le délice, dans la plainte comme dans le sourire, la grâce.

396. (1896) Le livre des masques

Herold possède à un haut point le don du rythme, mais il le possède assez pour que sa poésie ait la grâce d’une chose vivante, doucement et languidement vivante. […] Herold s’est créé pour son plaisir et pour le nôtre une poésie de grâce et de pureté, de tendresse et de douceur. […] Qu’il note les nuances d’une fleur, l’attitude d’une fillette, la grâce d’une madone ou la froide et presque dure pureté de Catherine de Gênes, il nous séduit à coup sûr par cette préciosité même que d’aucuns, gauchement, lui reprochent. […] cela lui est défendu, — parce qu’il est un mystique, parce qu’il sent entre l’homme et les choses et Dieu des rapports nouveaux, et parce que, voilé de la douloureuse perfection d’une forme où la grâce se perle en minutie, M.  […] Aimer le nu, et d’abord féminin avec ses grâces et ses insolences, c’est traditionnel en des races que la dure réforme n’a pas tout à fait terrorisées.

397. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle avait été très jolie dans sa jeunesse, et d’une grâce légère et piquante. […] Boissonade, cet autre guide inattendu et dont l’autorité avait aussi de la grâce, y eut ajouté le sien : Un jour M.  […] C’est bien, mais avec la grâce de moins. […] sera-t-elle de celles qui sauront s’en passer un jour, qui sauront bien prendre la perte de ces grâces fugitives, et qui, ainsi qu’elle le disait dès lors, auront en elles le soleil au dedans ?

398. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

. — Ainsi pour Vous déjà (car nous voyons sous nos yeux s’accomplir le mystérieux phénomène), ô le plus charmant et le plus ardent des poètes de cet âge, Vous que je n’ai pas hésité à saluer du nom de génie quand vous n’aviez que dix-huit ans, mais qui, dans vos brillants écrits, n’avez pas tenu en entier toutes vos promesses ; qui, au milieu d’admirables éclats de passion, de jets ravissants d’élégance et de grâce, avez semé tant de disparates, de taches et d’incohérences, avez laissé tomber tant de lambeaux décousus ! […] Très heureusement pour Villon, il naquit vers ce temps-là une princesse qu’on croit être Marie d’Orléans, fille de Charles d’Orléans le poète : le prisonnier, pour qui l’appel n’était qu’un répit, saisit l’occasion aux cheveux, célébra l’illustre naissance et obtint sa grâce. […] Il est plus certain qu’il fut très mal accueilli sur le territoire de l’évêque d’Orléans, Thibault d’Aussigny, et qu’y ayant commis, par suite de cette même nécessité qui fait saillir le loup hors du bois, quelque nouveau méfait, quelqu’une de ces peccadilles dont il était si fort coutumier, il fut jeté dans les prisons de Meung-sur-Loire, y languit tout un été au fond d’un cul de basse fosse, et ne dut sa grâce qu’à Louis XI, nouvellement roi, qui vint à passer en cette ville de Meung dans l’automne de cette année 1461. En vertu du don de joyeux avènement, leur peine était remise à tous les prisonniers d’une ville où le roi entrait après son sacre, et par le seul fait de la présence de Louis XI à Meung dans ces circonstances, Villon obtenait sa grâce et se trouvait libre6.

399. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Ils dient que ce sont gens mornes, sans esprit, qui n’ont grâce aucune à parler, une voix rude, un aller pensif, un visage de mauvaise rencontre, un œil baissé ; craintifs, avares, impitoyables, ignorants et n’estimant personne : loups-garous. […] Amour est le précepteur de la grâce et du savoir-vivre dans la société. […]   Enfin, il y a ce dernier sonnet d’elle, qui est également un vœu de mort, non plus de mort au sein du bonheur, mais de mort plus triste et plus terne, quand il n’y a plus pour le cœur de bonheur possible, plus un seul reste de jeunesse et de flamme : Tant que mes yeux pourront larmes épandre, A l’heur65 ; passé avec toi regretter, Et qu’aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre ; Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard luth pour tes grâces chanter ; Tant que l’esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre ; Je ne souhaite encore point mourir : Mais quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d’amante, Prierai la mort noircir mon plus clair jour. […] Nous le savons, tu peux donner encor des ailes Aux âmes qui ployaient sous un fardeau trop lourd : Tu peux, lorsqu’il le plaît,, loin des sphères mortelles Les élever à toi dans la Grâce et l’Amour ; Tu peux parmi les chœurs qui chantent tes louanges A tes pieds, sous tes yeux nous mettre au premier rang, Nous faire couronner par la main de tes Anges, Nous revêtir de gloire en nous transfigurant ; Tu peux nous pénétrer d’une vigueur nouvelle, Nous rendre le désir que nous avions perdu ; Oui, mais le Souvenir, cette ronce immortelle Attachée à nos cœurs, l’en arracheras-tu ?

400. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Rien ne reste de nous, sinon d’avoir aimé. » Elle se plaisait aussi à rappeler ces deux vers qui, s’ils ne sont pas d’elle, sont du moins tout son emblème : En gémissant d’être colombe, Je rends grâces aux dieux de n’être pas vautour. […] » Emportée elle-même par son sort, par les nécessités de chaque heure, par la violence de son talent ou de ses passions, qui ne faisaient qu’un, Mme Dorval en son naufrage avait-elle le temps de montrer aux deux discrètes et silencieuses amies les nuances de sentiment qu’il aurait fallu et les grâces du cœur ? […] Elle est doublée de toute la grâce de ton âme, et je l’ai approchée de mon cœur brisé. — Je ne verrai pas de quelque temps M.  […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaieté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer et à l’aimer.

401. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

non, tout n’était pas dans l’éclat des cheveux, Dans la grâce et l’essor d’un âge plus nerveux, Dans la chaleur du sang qui s’enivre ou s’irrite ! […] Elle exhale enfin, elle exprime dans Novissima Verba ces quarts d’heure de navrante agonie, qui, comme une horrible tentation ou un avertissement salutaire, s’emparent souvent des plus nobles mortels au sommet de l’existence, et les inondent d’une sueur froide, rapetissés soudain et criant grâce, au sein des félicités et de la gloire ! […] Lamartine a peu écrit en prose : pourtant son discours de réception à l’Académie française, sa brochure de la Politique rationnelle, un charmant morceau sur les Devoirs civils du Curé, un discours à l’Académie de Mâcon, indiquent assez son aisance parfaite en ce genre, et avec quelle simplicité de bon sens jointe à la grâce et à l’inséparable mélodie sa pensée se déroule sous une forme à la fois plus libre et plus sévère. […] Il n’immole aux vastes pressentiments qu’il nourrit ni l’ordre continu de la tradition, ni la croyance morale des siècles, le rapport intime et permanent de la créature à Dieu, l’humilité, la grâce, la prière, ces antiques aliments dont le rationalisme veut enfin sevrer l’humanité adulte.

402. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il était petit de taille comme le grand homme du siècle, un peu penché sur l’épaule gauche ; mais la grâce sévère du visage rachetait cette imperfection qui s’accrut avec les années. […] L’initiation entre eux tous fut prompte et vive, la petite société de la Rue-Neuve-du-Luxembourg naquit à l’instant dans toute sa grâce. […] Elle joignait à cela des grâces plus tendres ; une extrême sensibilité, unie à une mélancolie profonde, respirait dans ses regards.... » XXI On arrive au grand village d’Atala, la veille de la mort du prisonnier. […] Il y a bien encore quelque trace de manière : « Quand un Siminole me raconta cette histoire (transmise de Chactas à René, et des pères aux enfants), je la trouvai fort instructive et parfaitement belle, parce qu’il y mit la fleur du désert, la grâce de la cabane, et une simplicité à conter la douleur que je ne me flatte pas d’avoir conservée. » Ce ton-ci, en effet, est bien moins de la simplicité que de la simplesse.

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