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1178. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Disgracié, mais sa disgrâce ignorée encore, il rencontre une de ses créatures, qui se répand en actions de grâces et en protestations de dévouement. […] Son nom est fragilité, et coquetterie, et grâce un peu maniérée. […] Le théâtre a ramené les défauts de Marivaux à la mesure de demi-qualités, de dons aimables et un peu suspects, de grâces légèrement inquiétantes. […] Toute une lettre (la CXLIe), voluptueuse de sang froid, avec ses grâces maniérées, semble être écrite par un vieillard. […] Nul homme n’a reçu de meilleure grâce les petits coups de pied familiers des puissances.

1179. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Sortez un instant de notre langue raisonnable, et sentez la grâce et le badinage sous l’apparente affectation299 : Beaux yeux, douces lèvres, cher cœur, ai-je pu,  Fou que je suis, espérer jouir de vous par l’aide de l’Amour,  Puisqu’il trouve lui-même en vos beautés Sa grande force, ses jeux choisis, sa retraite tranquille ? […] Sur ses paupières se tenaient maintes Grâces,  — à l’ombre de ses sourcils égaux,  — pour la pourvoir de doux regards et de beaux sourires,  — et chacune d’elles la douait d’une grâce,  — et chacune d’elles humblement à ses pieds s’inclinait. —  Un si glorieux miroir de grâce céleste,  — souverain monument où s’adressent tous les vœux mortels,  — comment une plume fragile décrira-t-elle son divin visage,  — avec la crainte de manquer d’art et d’outrager sa beauté ? […] Elles ressemblaient à deux beaux piliers de marbre — qui supportent un temple des dieux,  — que tout le peuple orne de guirlandes vertes — et honore dans ses assemblées de fête. —  Avec une grâce imposante et un port de princesse,  — elle ralentissait leur démarche quand elle voulait garder sa majesté. —  Mais quand elle jouait avec les nymphes des bois,  — ou qu’elle chassait le léopard fuyant,  — elle les mouvait agilement, et volait dans les campagnes. […] Quelle mère l’a mise au monde, et quelle naissance merveilleuse a produit à la lumière une semblable merveille de grâce et de pureté ? […] Vénus emporta l’autre dans le jardin d’Adonis, où sont les germes de toutes les choses vivantes, où joue Psyché, l’épouse de l’Amour, où Plaisir, leur fille, folâtre avec les Grâces, où Adonis, couché parmi les myrtes et les fleurs riantes, revit au souffle de l’Amour immortel.

1180. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Ce souffle de mysticisme attendri s’évanouit qui, au cours de certains romans, prête aux descriptions tant de grâce prenante sans les dépouiller de leur énergie. […] Ses descriptions, en demeurant charnues, prennent de la grâce, de la joliesse caressante. […] Le paysan avait mis la tête à la fenêtre, et la grâce balsamique de l’aurore l’enveloppait ; il respirait profondément. […] Au matérialisme épais et au mysticisme se substituent la grâce et l’émotion. […] C’est indiquer assez qu’il préfère aux problèmes passionnants de l’âme, les grâces légères, les frivolités parfois scabreuses de la vie mondaine et demi-mondaine.

1181. (1913) Poètes et critiques

Lui aussi, il avait dans son austérité une sorte de grâce rayonnante, et dès qu’il paraissait sur le seuil d’une classe à l’école de Fontenay, on pouvait voir, à un reflet heureux sur les visages des élèves, que tous ces jeunes cœurs allaient s’épanouir. […] La Grâce, légende. — XVII. […] De grâce, éloignez-vous, Madame. […] Il n’y a pas de commune mesure entre ces pièces, frissonnantes d’émotion, et le travail de pur littérateur qu’exécutait, dans le même moment, — pour rentrer, je suppose, en grâce auprès des éditeurs, — l’original, l’âpre poète : je veux parler des contes en vers, Crimen amoris, La Grâce, Don Juan pipé, L’Impénitence finale, Amoureuse du diable. […] Il prononça devant lui le mot des païens d’autrefois, lorsque la grâce, illuminant leurs yeux ardents, pénétrait tout leur cœur d’une allégresse aiguë et agissante : « Je suis chrétien. » Et, une fois de plus, l’inspiration du dieu, comme disait déjà la Sibylle virgilienne interprétant le dogme de Platon, emplit une âme de poète et s’épancha des lèvres en chants brûlants.

1182. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Amoureuse de sa chair, de sa ligne et de sa grâce, Renée Vivien ne voulait pas survivre à sa beauté. […] Pourtant, ces amours féminines ont, dans leurs effusions charnelles et sentimentales, la même gravité que les autres, et plus de grâce ; ce sont les mêmes serments d’éternité, les mêmes joies, les mêmes regrets, les mêmes larmes, les mêmes douleurs. […] …………………………… Je veux porter au bras ma noblesse et ma grâce       Comme deux gerbes d’or, Et non, spectre accablé, traîner sur votre trace       Un fagot de bois mort. […] jamais la grâce du jasmin          Si délicate à la muraille qui s’effrite N’offrit mieux son parfum, presque comme le rite         D’un malade qui tend la main. […] Car la vie est trop proche et les atteint dans leurs nus, Dans leurs grâces maladroites et leur noblesse si baroque, Et le lierre en grimpant sur le héros malvenu Fait plus lourdes et bizarres les élégances de l’époque.

1183. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Le monde moderne, il est vrai, a créé la Vierge, symbole de pureté, de grâce et surtout de bonté, qui est la plus excellente des vertus ; mais cette protestation du sentiment féminin ne tient plus à la terre, et fait maintenant partie du dogme. […] Je demanderai avant tout à chacun d’eux ses titres d’artiste, certain de rencontrer un penseur et une haute nature morale, mais non comme l’entend la plèbe intellectuelle, là où j’admirerai la puissance, la passion, la grâce, la fantaisie, le sentiment de la nature et la compréhension métaphysique et historique, le tout réalisé par une facture parfaite, sans laquelle il n’y a rien. […] Le vers plein d’éclat et de sonorité, habituel au grand lyrique, s’empreint ici d’une grâce et d’un charme inattendus. […] Une sorte de vapeur rose et lactée enveloppe, du premier vers au dernier, les péripéties gracieuses du poème, car la grâce perpétuelle est partout ; elle s’exhale de l’idée primitive, se répand sur le Tentateur lui-même, et ne l’abandonne point quand il se révèle tout entier à sa victime. […] Le vers plein de force et d’éclat du plus grand des Lyriques s’empreint, quand il le veut, d’une grâce et d’un charme irrésistibles.

1184. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Tous d’accord sur sa beauté, chacun trouvait à redire à son vêtement : le sauvage lui arrachait son casque et sa cuirasse, et lui ceignait les reins d’un léger cordon de verdure ; l’habitant de l’Archipel la voulait toute nue ; celui de l’Ausonie, plus décente et plus couverte ; l’asiatique prétendait que les longs plis d’une tunique qui moulerait ses membres, en descendant mollement jusqu’à ses pieds, auraient infiniment plus de grâce. […] Je ne fuirai point les cours comme toi, je saurai me vêtir de pourpre ; je ferai ma cour aux maîtres du monde, et peut-être en obtiendrai-je ou l’abolition de la loi mauvaise, ou la grâce de l’homme de bien qui l’aura enfreinte. […] Pourquoi, me disais-je, les mots les plus généraux, les plus saints, les plus usités : loi, goût, beau, bon, vrai, usages, mœurs, vice, vertu, instinct, esprit, matière, grâce, beauté, laideur, si souvent prononcés, s’entendent-ils si peu, se définissent-ils si diversement ? […] Je ne me trompais pas ; mais comment vous en rendre l’effet et la magie, ce ciel orageux et obscur, ces nuées épaisses et noires, toute la profondeur, toute la terreur qu’elles donnaient à la scène, la teinte qu’elles jettaient sur les eaux, l’immensité de leur étendue ; la distance infinie de l’astre à demi voilé dont les rayons tremblaient à leur surface ; la vérité de cette nuit, la variété des objets et des scènes qu’on y discernait, le bruit et le silence, le mouvement et le repos, l’esprit des incidens, la grâce, l’élégance, l’action des figures ; la vigueur de la couleur, la pureté du dessin, mais surtout l’harmonie et le sortilège de l’ensemble ? […] Contre le mur vertical qui forme le derrière de la fontaine, debout, le dos appuyé contre ce mur, deux figures charmantes pour la grâce, le naturel, le caractère, la position, la mollesse, l’une d’homme, l’autre de femme ; c’est un époux, peut-être et sa jeune épouse, ce sont deux amans, un frère et sa sœur.

1185. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Cependant, parmi les noms les plus habituellement cités de ces victimes triomphantes, n’oublions pas que Vauvenargues avait trente-deux ans, qu’Étienne de La Boétie en avait trente-trois : ces deux ou trois années de grâce accordées par la nature sont tout à cet âge. […] C’est un point lumineux dans ce demi-jour des premières années où tout est confondu, plaisirs, espérances, regrets, et où les souvenirs sont brouillés et incertains, parce qu’aucune pensée ne les a gravés dans la mémoire ; amour charmant qui ne sait pas ce qu’il veut, qui se prend aux yeux bleus d’une fille comme le papillon aux roses du jardin par un instinct de nature, par une attraction dont il ne sait point les causes et dont il n’entrevoit pas la portée ; innocent besoin d’aimer, qui plus tard se changera en un désir intéressé de plaire et de se voir aimé ; passion douce et sans violence, rêve en l’air ; première épreuve d’une sensibilité qui se développera plus tard ou qui plutôt s’éteindra dans des passions plus sérieuses ; petite inquiétude de cœur qui tourmente souvent un jeune écolier, un de ces enfants aux joues roses que vous croyez si insouciant, mais qui déjà éprouve des agitations inconnues, qui étouffe, qui languit, qui se sent monter au front des rougeurs auxquelles la conscience n’a point part. » — La grâce facile où se jouera si souvent la plume de Charles Labitte se dessine déjà dans cette page délicate où je n’ai pas changé un mot. […] Ses veux, qui lui refusaient souvent le service, ne faisaient qu’accuser alors l’épuisement des centres intérieurs et crier grâce, en quelque sorte, pour le dedans.

1186. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il n’y avait en lui du poëte que la pompe, aucune grâce. […] Dieu nous donna, dans ce petit tableau, une idée des grâces dont il a paré la nature. […] Amélie avait reçu de la nature quelque chose de divin ; son âme avait les mêmes grâces innocentes que son corps ; la douceur de ses sentiments était infinie ; il n’y avait rien que de suave et d’un peu rêveur dans son esprit ; on eût dit que son cœur, sa pensée et sa voix soupiraient comme de concert ; elle tenait de la femme la timidité et l’amour, et de l’ange la pureté et la mélodie.

1187. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Charles d’Orléans : esprit et grâce. […] Tandis que la poésie chevaleresque devient chaque jour plus froide, ou plus extravagante, un homme lui donne sur son déclin une perfection fugitive et la grâce exquise des choses frêles : c’est le prince Charles d’Orléans121, le fils de Valentine de Milan, demi-italien de naissance, et qui, du privilège de sa race plus que par une studieuse assimilation, posséda l’art des formes sobres et charmantes. […] Mais il a le don du style : il renouvelle ces thèmes usés, à force de grâce imprévue, d’images fraîches ; ce que tout le monde a dit depuis trois siècles, il le dit, mais comme personne.

1188. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Comme poétique de la tragédie, il n’y a rien à ajouter aux enseignements de ses préfaces, à ses jugements sur ses prédécesseurs, à tant de pensées profondes, écrites, comme en se jouant, dans ses lettres, où elles semblent n’être que des grâces du style épistolaire. […] Tout en pressentant la fragilité de cet art, sa grâce et son éclat nous éblouissent. […] Il appréhendait les retours de fortune, et il semble qu’il voulût les conjurer, en s’y offrant avec toutes les grâces d’une modestie à laquelle, d’ailleurs, il eût été imprudent de se fier.

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