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439. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

J’ai toujours gardé à M. de Valincour la même rancune que lui témoigne l’honnête Louis Racine pour n’avoir pas laissé quelques pages de renseignements biographiques et littéraires sur ses illustres amis, les poëtes. […] Ainsi, en renonçant au théâtre, dès vingt ans il se dit : « Tu es un homme de style, toi, et non dramatique. » On verra pourtant qu’il garda jusqu’au bout et introduisit dans sa chanson quelque chose de la forme du drame. […] Gardaient sa flamme à ton glorieux cœur !

440. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Chassés du haut du pavé, ils prirent et gardèrent la ruelle. […] A part ce soupçon injurieux, elle continuait de garder sa place. […] Si vous voulez que cela soit, il faut être secret et vous garder de faire connoître à M.

441. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Philippe, fait prisonnier et gardé un an dans les cachots de Castille, mourut en Romain, en se frappant, comme Caton, de sa propre main. […] Alors il nous jeta quelques paroles toujours remplies, selon sa coutume, d’urbanité, d’affection et d’amitié ; il plaisantait même avec nous, et, en nous regardant tous deux : « J’aurais bien voulu, nous dit-il, que la mort eût différé son arrivée jusqu’au jour où j’aurais entièrement complété votre bibliothèque ; il ne s’en fallait pas de beaucoup. » À peine Pic s’était éloigné, que Jérôme de Ferrare, homme remarquable et par son savoir et par sa sainteté, prédicateur distingué de la science céleste, entra dans la chambre à coucher et l’exhorta à bien garder sa foi : « Oui, et inébranlable, répondit-il avec assurance » ; de prendre la résolution de vivre le plus irréprochablement possible : « Sans aucun doute, répondit-il encore avec fermeté » ; qu’enfin, s’il le fallait, il supportât la mort avec calme : « Rien ne m’est plus agréable que de mourir, si Dieu le veut. » Après cela, Jérôme se retirait, lorsque Laurent : « Hé ! […] Vous parlerai-je encore de ce couple des plus beaux lions gardés dans une cage pour un jardin public, et qui en vint aux prises avec une telle férocité, que l’un d’eux fut horriblement maltraité et l’autre tué ?

442. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Les Mémoires : Retz Le xviie  siècle a gardé le même août que le xvie pour les Mémoires, et pour les mêmes raisons. […] Il lui suffit de se donner l’air de renoncer à tout, de sembler ne garder du passé ni une espérance, ni un regret, ni un ressentiment. […] Entre les Correspondances du xviie  siècle, deux surtout ont une valeur absolue qui les range au nombre des chefs-d’œuvre de l’art classique, quoiqu’il faille se garder d’y voir des œuvres d’art.

443. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Ce que d’Alembert avait copié deux fois de sa main pour le garder de toute fraude, s’est tourné contre sa mémoire. […] C’était la différence d’un roman de fantaisie à un roman de cœur ; il prit peu à peu la première place, et il l’a gardée. […] Il était bien digne de retrouver la langue de ce siècle, alors qu’il gardait encore de ses mœurs littéraires la docilité aux conseils du « censeur solide et salutaire », et qu’il aimait la gloire à la façon des grands écrivains d’alors, non comme une affaire à laquelle on travaille de sa personne, mais comme une fortune qu’on laisse faire à ses œuvres.

444. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Il voudrait nous faire croire qu’à la première Restauration, il aurait été d’avis qu’on gardât la cocarde tricolore : c’est un mensonge : « Qu’entend-on en France depuis six mois, écrivait-il en 1814, sinon ces paroles : Les Bourbons y sont-ils ? […] Un homme politique véritable aurait pu entrer dans la carrière par une brochure violente et incendiaire ; mais il l’eût laissée de côté en avançant, et se serait bien gardé de chercher à réveiller et à raccommoder ce qui n’est pas conciliable ni compatible. […] bon Dieu, princes de la terre, je ne détrône personne ; gardez vos couronnes, si vous pouvez, et surtout ne me les donnez pas, car je n’en veux mie.

445. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Ils n’offraient pas l’Alsace-Lorraine : l’Allemagne la gardait et cherchait en outre des satisfactions sur le front russe.‌ […] N’eussions-nous rien de plus à garder de Thierry, il est sauvé de la mort. […] » Pour ma part, j’ai pris, pendant cette lutte, plus d’une colère dont j’ai gardé le souvenir, mais qu’ont bien désarmée la belle tenue, le courage patriotique pendant la guerre, de ces agités, hier encore ennemis de toute discipline et pacifistes à l’excès.‌

446. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Gardons-nous cependant de conclure que son génie nous échappe, et que Bossuet lui-même, en la célébrant, ait admiré des contresens. […] « Tu as fait ces choses, et j’ai gardé le silence. […] Les terribles guerres civiles d’où sortirent la réforme et la grandeur de l’Europe, s’entretenaient aux sources de cette parole biblique dont le Psalmiste et les prophètes sont les coryphées ; et l’imagination des chrétiens d’Europe et d’Amérique en garda longtemps le rayon et l’empreinte.

447. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

« Puisse, dit-il126, la fortune m’assister dans mon soin de garder toujours la pureté des paroles et des actions, les soumettant aux lois suprêmes, filles célestes, dont l’Olympe seul est le père, que nulle origine mortelle n’a enfantées, et que l’oubli n’endormira jamais ! […] Au vrai, sans chercher un autre genre de tragédie lyrique chez les Grecs que leurs premiers essais tragiques, il faut reconnaître que pour eux le drame, à tous les degrés, depuis la tragédie surnaturelle, l’allégorie fantasque, jusqu’aux Silles et aux parodies bouffonnes, garda toujours beaucoup de l’instinct lyrique et parcourait tous les tons de l’hymne religieux, du chant de victoire, de la plaintive élégie ou de la chanson insultante. […] Au rivage de Munychium furent attachés les câbles, pour descendre ; et dès lors, sous le coup d’impures amours, elle a été frappée dans l’âme de la terrible maladie d’Aphrodite ; et, soumise à un cruel malheur, elle attachera elle-même aux voûtes nuptiales le cordon fatal qui va serrer son cou d’albâtre, par effroi de l’implacable déesse, par désir jaloux de bonne renommée, et pour écarter de son âme les peines de l’amour. » Sous les détours, et comme sous les plis onduleux de cette poésie, le dénouement même prédit ne semble-t-il pas se voiler à demi, avec cet art suprême des Grecs de ne pas épuiser l’horreur et de garder toujours la dignité et presque la grâce austère dans la douleur ?

448. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ainsi Bossuet, quand il était obligé d’écrire à l’avance se réservait du moins la chance d’une expression double ; il gardait toujours une ou deux voiles libres, ouvertes, pour le vent soudain du moment. C’est de la sorte que dans sa bouche le récité même gardait du mouvement et avait de l’effet de l’improvisation.

449. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Dans une de ces réunions dont nous avons gardé souvenir, le noble et regrettable Jouffroy prenait l’idée d écrire le portrait de George Sand, idée piquante et heureuse, projet aimable, longtemps caressé par lui, et que tant d’autres soins, avant la mort, l’ont empêché d’exécuter. […] J’en avais pris sujet d’un article intitulé les Gladiateurs en littérature, que le peu d’importance des attaquants et l’inconvénient de paraître les accoster m’engagèrent ensuite à garder dans le tiroir : « Il est désastreux, leur disais-je, de débuter ainsi en littérature.

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