Corneille était la contre-épreuve de ce génie espagnol en France. […] Corneille lui assignait en réalité la meilleure part du génie. […] Ce sont ses imitations qui l’avaient fait homme de style ; c’est sa foi qui le fit homme de génie. […] Voilà l’immense originalité de Racine à dater d’Esther et d’Athalie ; le génie n’est plus un génie, cet art n’est plus un art : c’est une religion. […] Son génie, transformé par sa piété, ne sort plus de son imagination, mais de son âme.
Anniversaire du Génie du christianisme. […] Un document curieux existe, je l’ai sous les yeux, et j’en puis parler en toute connaissance de cause : il nous livre l’état vrai, et trop vrai, des opinions, des croyances et de l’âme de Chateaubriand à la date de 1798, quelques mois seulement avant sa conversion et avant la conception première du Génie du christianisme. […] Il ne fallait pas un grand effort pour revenir du scepticisme de l’Essai à la certitude du Génie du christianisme. […] L’auteur du Génie du christianisme nous a dit vrai, suffisamment vrai dans sa préface, et ce livre a été entrepris en effet et en partie exécuté sous le genre d’inspiration qu’il exprime et qu’il tend à consacrer. […] Pour moi, je m’estime heureux d’avoir pu (à deux ans près de retard) célébrer à ma manière ce que j’appelle le jubilé du Génie du christianisme 23.
Mais la pierre jetée aux génies est une loi, et tous y passent. […] Cet homme de génie n’avait pas d’esprit ; comme cela caresse les innombrables gens d’esprit qui n’ont pas de génie ! […] Eh bien, le génie est du granit bon. […] Il y a de la maternité dans le génie. […] Une montagne, un génie, c’est la majesté âpre.
… Le goût d’un homme n’est pas toujours d’accord avec son genre de génie. […] L’Énéide n’est point une mosaïque et Virgile un génie de l’ordre composite. […] Le meilleur du génie du chantre d’Énée, dont la conception a été du reste très bien comprise par Sainte-Beuve, c’est d’être un Latin, le génie latin dans une organisation divine. Virgile est avant tout un génie historique, comme tous les grands génies, du reste, car dans les siècles il est peu d’exception à cette loi. […] Ce jour-là, il fut poète comme Lamennais fut un jour aussi écrivain de génie.
Le génie a, pour ainsi dire, les bras liez dans un artisan, dont la main n’est pas dénoüée. […] Je dois encore ajoûter une refléxion ; c’est que le génie de la poësie et celui de la peinture n’habitent point dans un homme d’un temperament froid et d’une humeur indolente. […] L’attrait qu’un travail où nous pousse notre génie, a pour nous, aide beaucoup à vaincre ces dégoûts, comme à résister aux distractions : mais il est bon encore que le desir de faire fortune vienne au secours de l’impulsion de notre génie. […] La premiere ardeur que donne le génie, suffit pour apprendre les regles de la poësie ; ce n’est point par ignorance de regles, que tant de gens pechent contre les regles. […] L’extrême besoin dégrade l’esprit, et le génie, réduit par la misere à composer, perd la moitié de sa vigueur.
Eh bien, c’est contre cette opinion qui a filtré assez obscurément et assez honteusement dans la littérature et qui a fini par y faire mare, — comme parfois fait la mer dans les sables, après y avoir imperceptiblement tortillonné, — c’est contre cette opinion, à qui il faut essayer de clore le bec, que je veux m’inscrire en rappelant à ceux qui aiment le génie et même à ceux qui aiment l’opéra-comique, quel fut le génie de Byron. […] Mais, de plus, c’est un artiste grec attardé dans les temps modernes, plus grec que Chénier lui-même, Chénier l’archaïste, et tellement grec, en restant Byron, qu’il n’a même la révélation et la conscience de son génie que quand il s’est mis en rapport avec la Grèce et avec les. […] Pour qu’il naquît, il fallait que son génie rencontrât le génie grec qu’il n’avait pas trouvé à Harrow, où il n’étudia point, par cet esprit de contradiction et de paresse qui est souvent l’esprit des gens de génie. […] Taine et que d’autres ont aussi oubliée, mais qui n’en sera pas moins la caractéristique suprême de ce génie, svelte et idéal au milieu de toutes ses violences, comme la beauté d’un jeune dieu… Certes, oui ! […] Non content des sentiments ordinaires de la vie, Byron s’invente des sentiments dans lesquels triomphe mieux que dans tous les autres la pureté de son génie.
Mais il fallait du génie pour voir de la forte. […] Cette musique fut goûtée du Génie. […] Le Génie l’obligea de surmonter ses scrupules. […] me dit alors le Génie, qu’en feras-tu ? […] Dauvergne contraignait quelquefois son génie.
Vouloir tout expliquer par la présence ou l’absence du talent, du génie, c’est se condamner à ne rien expliquer du tout ; car qu’est-ce que le « génie » ? […] Aucun effort sublime du génie n’est capable, à lui seul, de la réaliser. […] Les géants qui ont planté sur des cimes diverses leur inaccessible drapeau sont des exceptions incomparablement plus rares parmi les hommes de génie que les génies eux-mêmes parmi les simples talents. […] Mais Chénedollé, quels que fussent ses talents poétiques, n’était point né génie. […] Ils sont exactement le contraire des auteurs de génie.
Il pouvait y avoir là quelque naïveté, mais il n’y avait point de génie. Le génie ne naît point avant les langues. […] Ce fut un malheur pour notre génie immédiat, ce fut peut-être un bonheur pour notre génie futur. […] Nous ne voulons pas trop contester ce prétendu génie. […] La nation lui sait gré de lui avoir enseigné à oser croire à son propre génie.
Le feu de la poésie éclatait là tout entier ; le génie de l’art avait été retrouvé par la passion. […] Mais, par là même, tout demeurait confus ; et souvent, à côté de l’éclair du vrai génie paraissait seulement l’essai maladroit d’un art grossier, qu’on admirait, par inexpérience, autant que le génie même. […] Pardonnons à cette candeur du génie. […] Mais son génie partait de plus haut. […] Ce génie créateur a derrière lui l’Orient et l’ancienne Italie.
le patriotisme littéraire, c’est-à-dire la foi dans la supériorité du génie français, me semble depuis longues années exposée à d’inquiétantes défaillances. […] Vous dirai-je qu’en fait de poésie je crois aussi fermement à la supériorité de notre génie national ? […] Le génie poétique des autres peuples a rempli des saisons entières, créé des chefs-d’œuvre que les nôtres ont égalé mais n’ont pas toujours surpassé. […] Les rois eux-mêmes s’inspirèrent de notre génie en même temps que les peuples se donnaient à nous. […] Aimons ce siècle de tout notre patriotisme littéraire, car il nous a fait de nouveau les maîtres de la forme et de la pensée devant les peuples éblouis, car il a une fois de plus imposé notre génie à l’émulation de l’Europe, et, j’oserai le dire, en imprimant à ce génie un caractère plus sympathique et plus humain encore et par là peut-être plus durable.