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600. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Ce n’est pas qu’il n’y ait quelque analogie entre ces trois poëtes, mais elle existe beaucoup plus dans le sujet général de leurs vers que dans le caractère de leur talent. […] Fauriel se tenait au point de vue plus général et plus philosophique ; Villers entrait davantage dans la donnée protestante et la croyait fertile en résultats de tout genre, comme elle l’a été en effet au delà du Rhin. […] L’historien aime à déborder son cadre ; cette histoire du Midi est, à vrai dire, l’histoire générale de la Gaule entière durant cinq siècles. […] N’ayant pas d’avis propre et personnel à exprimer en telle matière, je dois me borner à signaler en ces termes généraux l’état de la question. […] Fouché pourtant dot quelques mois après se retirer, le ministère de la police générale ayant été momentanément supprimé.

601. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Ou n’est pas un grand général pour avoir gagné une bataille, si l’on n’en a jamais gagné qu’une. […] Mais où est le général qui soutiendra pour cela qu’il n’y ait pas d’art de la guerre ? […] Mais peut-être qu’il n’était pas indispensable, pour parler des frères de Goncourt, d’ébaucher une théorie générale de la sensibilité dans la production artistique, ou, pour louer convenablement les Poèmes antiques et les Poèmes barbares, d’exposer en quelques pages le système général de la métaphysique indoue. […] Comme le théâtre est un lieu public, et comme le plaisir qu’on y prend, on l’y prend en commun, il faut que l’observation y soit large, y soit générale. […] Déjà dans le roman, mais surtout au théâtre, il faut que les sujets enveloppent quelque intérêt plus général qu’eux-mêmes.

602. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Ce sont les conditions les plus générales de la pensée, en particulier du raisonnement, par conséquent aussi de la volition, qui enveloppe un syllogisme appétitif et actif. […] L’identité est une propriété bien plus générale encore, et, s’il est permis de dire, avec Kant, que la pensée a une « forme » constitutionnelle, cette forme est l’absence de contradiction. […] Pour cela, il faut d’abord que les phénomènes, par la proportion de leurs ressemblances et de leurs différences, rentrent dans des classes ou genres, et qu’on puisse ensuite passer par le raisonnement du général au particulier ou du particulier au général. […] Le mouvement réflexe, à son tour, est un cas des lois générales du mouvement ou du choc. […] L’association indissoluble de ces deux idées n’est pas accidentelle, comme celle de tel phénomène particulier avec tel autre ; elle est la forme générale de toute conscience vivante, forme qui ne s’évanouit qu’avec la conscience même et avec le vouloir.

603. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Avec un esprit comme le sien, — et nous en dirons les qualités et les défauts, — Audin devait aller de prime saut aux choses ambiantes et se pénétrer des préoccupations générales qui circulaient autour de lui. […] Par cela seul, il ajoutait à la fausseté des notions générales, et l’auteur lui-même, avec son grand bon sens, l’a reconnu depuis. […] Sans ces connaissances générales, il n’est pas d’histoire particulière dans l’histoire du catholicisme que l’historien pût toucher, tant les mailles de ce magnifique réseau rentrent profondément les unes dans les autres, tant le fil électrique de la tradition, remué à une place, tressaille et vibre dans toute sa longueur, de l’une à l’autre de ses plus distantes extrémités ! […] Selon nous, même au point de vue le plus général, ceci valait bien les petits chapitres de Montesquieu, facettes qui ne sont pas toujours de diamant. […] À l’époque de Luther, Rome ne commit-elle pas en cœur humain et en pratique politique la même faute qu’en France les États généraux et la Constituante ont recommencée sur un autre terrain, quand elle se prêta, pour avoir la paix, à des concessions, non sur le dogme, mais sur quelques points de discipline ecclésiastique ?

604. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Vous connaissez, Mesdames et Messieurs, l’intention première et le plan général de ces conférences. […] Et c’est pourquoi si nous entendons par caractère quelque chose de plus profond et de plus général à la fois, le Menteur n’est donc pas une comédie de caractère. […] Après le Misanthrope, après l’Avare, on saura ce que c’est qu’un « caractère » et on connaîtra les moyens les plus généraux de le mettre en valeur. […] C’est pourquoi l’intérêt en a quelque chose aussi de plus général que son Polyeucte ou son Cid ; et, à cet égard encore, il y a réellement progrès, si toute œuvre d’art approche d’autant plus de la perfection de son genre qu’elle réussit à envelopper dans son plan, si je puis ainsi dire, de plus grands intérêts, plus vastes, plus durables et plus généraux. […] — Raisons générales. — La satire des conditions est-elle du ressort du théâtre ?

605. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Sans qu’il soit besoin de plus de détails, il suffit de savoir que le ministre de la Police générale, le duc de Rovigo, transmit de Paris, pendant la campagne de Russie et vers le moment de la bataille de la Moskova, une note dressée par l’habile préfet de police de Paris100, exposant tout un nouveau système relatif aux subsistances des grandes villes, et contenant des aperçus sur ce qu’il conviendrait de faire en France pour arriver à une bonne administration des grains. […] Daru et lui survenant au lendemain de la bataille de la Moskova et à la veille de l’entrée à Moscou, quand il partageait avec le général Mathieu Dumas tous les soins de l’intendance générale de l’armée, elle pouvait assurément lui paraître une question de luxe, sujette à un ajournement ou du moins à une discussion très abrégée. […] Le but de l’auteur était de préparer ainsi et de commencer l’histoire générale de France par une histoire particulière de chacune des provinces prise jusqu’à l’époque de sa réunion. […] Dans les questions de presse, qui étaient une des grandes préoccupations d’alors, il avait repris en la bonne direction de l’esprit public livré à ses propres lumières cette confiance qu’il n’avait sans doute pas eue toujours, que ceux qui ont vécu dix et vingt ans de plus n’ont pas conservée, tant il est difficile aux plus judicieux de s’isoler des circonstances générales et des courants d’opinion à travers lesquels on juge.

606. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

À part ce double contresens général, il se dit bien de bonnes choses, et justes : La Motte, à force d’esprit et de sagacité, devina quelques-unes des objections que plus tard l’érudition de Wolf appuiera et vérifiera. […] Au même moment, d’autres champions de tout caractère et de taille diverse entraient en scène, et la mêlée devint générale : il y avait la vraie jeunesse du temps, les malins et les espiègles armés à la légère, comme l’abbé de Pons, comme Marivaux ; il y avait ceux qui ne riaient pas et les esprits rectilignes comme l’abbé Terrasson, membre de l’Académie des sciences. […] À cette date de 1715, il célébrait déjà dans les Français une nation philosophe, une nation chez qui l’illusion pouvait prendre, mais durait moins que chez tout autre peuple : « La philosophie fait, pour ainsi dire, l’esprit général répandu dans l’air, auquel tout le monde participe sans même s’en apercevoir. » S’il avait écrit cinquante ans plus tard, l’abbé Terrasson n’eût pas dit autrement. […] Méconnaissant dans Homère, ou plutôt n’estimant point cette langue si abondante et si riche, qui est comme voisine de l’invention et encore toute vivante de la sensation même, il préférait nettement la nôtre : « J’oserai le dire à l’avantage de notre langue, je la regarde comme un tamis merveilleux qui laisse passer tout ce que les anciens ont de bon, et qui arrête tout ce qu’ils ont de mauvais. » Enfin, s’emparant d’un mot de Caton l’Ancien pour le compléter et le perfectionner à notre usage, il concluait en ces termes : Caton le Censeur connaissait parfaitement l’esprit général des Grecs, et combien ils donnaient au son des mots, lorsqu’il disait que la parole sortait aux Grecs des lèvres, et aux Romains du cœur ; à quoi j’ajouterais, pour achever le parallèle, qu’aux vrais modernes elle sort du fond de l’esprit et de la raison.

607. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Ainsi, en même temps que Buffon insiste sur la distinction des espèces, il a des vues sur l’unité du plan général organique ; il les développe au commencement de son article de l’âne, il appuie sur les ressemblances cachées, sur les analogies qui se dérobent sous des différences apparentes ; il demande si cette conformité constante et ce dessein suivi de l’homme aux quadrupèdes, des quadrupèdes aux cétacés, des cétacés aux oiseaux, des oiseaux aux reptiles, des reptiles aux poissons, etc., dans lesquels les parties essentielles, comme le cœur, les intestins, l’épine du dos, les sens, etc., se trouvent toujours, ne semblent pas indiquer qu’en créant les animaux l’Être suprême n’a voulu employer qu’une idée, et la varier en même temps de toutes les manières possibles, afin que l’homme pût admirer également et la magnificence de l’exécution et la simplicité du dessein. […] J’ai vu des savants positifs, des observateurs de mérite, mais d’un horizon un peu restreint et rabaissé, qui, lorsqu’ils étaient interrogés sur Buffon, répondaient à peine ; et l’un d’eux me dit un jour : « Il y a encore Bernardin de Saint-Pierre qui a fait de beaux tableaux dans ce genre-là. » Évidemment ces savants de métier, ne trouvant pas chez Buffon le détail précis d’observation qu’ils prisent avant tout, y voyant du général ou du vague (ce qu’ils confondent), y ayant noté des erreurs, n’appréciant point d’ailleurs l’élévation et la nouveauté première de quelques-unes de ses conceptions lumineuses et de ses perspectives, lui rendent le dédain qu’il a eu pour leurs devanciers de même race ; ils exercent sur lui la revanche du naturaliste positif, de l’anatomiste, de l’observateur au microscope, sur l’homme de talent qui les a trop tenus à distance ; ils sont fiers d’être aujourd’hui plus avancés que lui, et, en le rapprochant si fort de Bernardin de Saint-Pierre qu’ils lisent très peu, ils le relèguent parmi les littérateurs purs, oubliant que Buffon a été un génie scientifiquement éducable, ce que Bernardin de Saint-Pierre ne fut jamais. […] Dans l’introduction d’un livre récemment publié (Histoire naturelle générale des règnes organiques), M.  […] lorsque jaillit de son cerveau le plan d’une histoire générale de la terre et de la vie sur la terre !

608. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Aussi, au milieu d’une certaine impartialité pour les personnes et malgré la réserve apparente, l’esprit général du livre est tout entier celui de la cause qu’il a embrassée ; le calvinisme français nobiliaire et militaire, celui de ces gentilshommes sans repos, tout cousus en leurs cuirasses de fer, et qui retiennent jusqu’à la fin de l’ancienne austérité, a trouvé en lui son historien. […] L’unité du livre de d’Aubigné, l’esprit et l’âme de sa composition, si on la cherche, est là, dans cette impression générale qui se marque en avançant. […] … » Mais c’est la réponse de l’Amiral qui est belle de tristesse, de prévoyance et de prophétie ; tout un abrégé de sa destinée tragique s’y dessine ; il répond : « Puisque je n’ai rien profité par mes raisonnements de ce soir sur la vanité des émeutes populaires, la douteuse entrée dans un parti non formé, les difficiles commencements (et il revient ici à l’énumération des obstacles)… ; — puisque tant de forces du côté des ennemis, tant de faiblesse du nôtre ne vous peuvent arrêter, mettez la main sur votre sein, sondez à bon escient votre constance, si elle pourra digérer les déroutes générales, les opprobres de vos ennemis et ceux de vos partisans, les reproches que font ordinairement les peuples quand ils jugent les causes par les mauvais succès, les trahisons des vôtres, la fuite, l’exil en pays étrange… ; votre honte, votre nudité, votre faim, et qui est plus dur, celle de vos enfants. […] On lui laissait de plus entrevoir la lieutenance générale du royaume, et, retenu par tous ces leurres, Henri hésitait à briser ses liens.

609. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Or, dans la peinture générale qu’il fait de l’homme, il commence par étaler, sans compensation et sans contre-poids, toutes les causes de misère, d’incertitude et d’erreur ; il humilie l’homme tant qu’il peut, et, à ne considérer même les choses qu’au point de vue purement naturel, il ne tient point compte de cette force sacrée qui est en lui, de cette lumière d’invention qui lui est propre et qui éclate surtout dans certaines races, de ce coup d’œil royal et conquérant qu’il lui est si aisé, à l’âge des espérances et dans l’essor du génie, de jeter hardiment sur l’univers. […] Charron n’entre en rien dans cette intelligence et cette explication vraiment philosophique de l’humanité, qui, pour la mieux comprendre, en suivrait d’abord les directions générales et en reconnaîtrait les vastes courants : il prend l’homme au rebours et dans ses écarts ; il l’observe malade, infirme, le voit toujours en faute, dans une sottise continuelle, dans une malveillance presque constante : « La plupart des hommes avec lesquels il nous faut vivre dans le monde, dit-il quelque part, ne prennent plaisir qu’à mal faire, ne mesurent leur puissance que par le dédain et injure d’autrui. » De ce qu’il y a certains cas où les sens se trompent et ont besoin d’être redressés, il en conclut que ce qui nous arrive par leur canal n’est qu’une longue et absolue incertitude. […] Il doit cependant au commerce de son maître et ami, et à son propre sens, bien de bonnes pensées qu’il exprime heureusement : dès le début de son second livre, où il en vient à exposer les instructions et règles générales de sagesse, il remarque combien, telle qu’il l’entend et qu’il la conçoit, elle est chose rare dans le monde, et il le dit avec bien de la vivacité (je suppose que l’expression dans ce qui suit est de lui et non de Montaigne, car je n’ai pas tout vérifié, et l’on a toujours à prendre garde, quand on loue Charron, d’avoir affaire à Montaigne lui-même) : Chacun, dit-il donc, se sent de l’air qu’il haleine et où il vit, suit le train de vivre suivi de tous : comment voulez-vous qu’il s’en avise d’un autre ? […] Si j’osais traduire toute mon idée en des matières qui ne sont pas miennes, je dirais que le médecin Chanet défend le sens général et le sens commun en philosophie, l’opinion des demi-savants et du peuple, par des raisons qui, légèrement rajeunies un siècle plus tard, seront assez celles de l’école écossaise.

610. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Combes même, si favorable d’ailleurs, le récit de cette quatrième et dernière partie de la carrière politique de Mme des Ursins (1711-1714), que l’on a vu son obstination vaniteuse à réclamer pour elle une souveraineté en Flandre ou dans le Luxembourg, au risque de retarder, d’accrocher la paix générale de toute l’Europe, son obsession croissante, son accaparement de Philippe V après la mort de sa première femme, l’humiliante sujétion à laquelle cette femme de soixante-dix ans prétendait réduire le jeune et royal veuf, les indécents propos auxquels elle ne craignait pas de l’exposer, on comprend qu’elle ait lassé et ce roi et l’Espagne, et qu’elle ait fini par être secouée d’un revers de main sans laisser après elle beaucoup de regrets. […] Je fais ces remarques à regret ; mais ce serait conniver à un vice trop général que de les taire ; car ce n’est point seulement à l’estimable historien de la princesse des Ursins qu’elles s’appliquent, c’est à la plupart de ceux qui s’occupent aujourd’hui, avec tant de ferveur et de zèle, du xviie  siècle. […] qu’avant de se décider à écrire sur quelque portion de ce beau siècle, on devrait bien s’y être préparé de longue main, et, pour cela, dès la jeunesse, dès l’enfance, avoir insensiblement reçu une première couche générale de connaissance classique française, de bon et juste langage, comme du temps de Fontanes et de la jeunesse de M.  […] Cela ferait comme la seconde couche générale dont s’imbiberait lentement l’esprit ; et ce ne serait que là-dessus, sur ce fond préparé et disposé à loisir, qu’on viendrait apporter ensuite ce qu’on doit aux recherches successives des Monmerqué, des Walckenaër, aux fouilles plus récentes et brillamment capricieuses de M. 

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