Dans les pays chauds, peu favorables aux herbes et aux mousses, elles sont privées de ces graminées qui décorent nos châteaux gothiques et nos vieilles tours ; mais aussi de plus grands végétaux se marient aux plus grandes formes de leur architecture.
Le jeune poète excellait déjà dans l’ode et dans le sonnet, deux formes récentes de cette poésie ; mais son ambition de gloire poétique était immense, sa modestie était inquiète ; on voit cette naïveté de ses découragements dans une de ses conversations avec son maître intellectuel, Jean de Florence, vieillard contemporain du Dante, qui professait alors les hautes sciences à Avignon. […] Cette adoration multipliait sous toutes les formes ses hommages : Laure était passée à l’état de divinité dans l’âme de son amant ; ce culte avait cependant l’onction, la dévotion, le mysticisme de tout autre culte ; il avait ses reliques et ses stations ; il consacrait la mémoire des jours où il était né, des événements qui le nourrissaient, et bientôt, hélas ! […] Pétrarque affectait à Parme et bientôt à Rome l’esprit et les formes de l’antique liberté romaine. […] Laure brillait encore à Avignon de tout l’attrait de sa beauté et de sa vertu ; les sonnets de son poète, trop étroits pour contenir son culte croissant pour elle, s’étaient transformés en formes plus larges et plus hautes de poésie qu’on appelait des canzone ou des trionfi ; et la plus poétique de ces canzone fut écrite à cette époque au murmure de la fontaine de Vaucluse devant l’image de Laure : Chiare fresche et dolci aque ! […] Ce sont les mêmes sentiments et presque les mêmes images que j’ai exprimés moi-même dans une forme plus large et infiniment moins parfaite que celle de Pétrarque, en écrivant l’ode élégiaque intitulée le Lac, dont quelques strophes sont restées dans la mémoire et dans le cœur de mon temps.
Nous avons connu à Rome, en 1811, Guillaume de Humboldt, diplomate, homme d’État, philosophe curieux du beau et du bon sous toutes les formes. […] C’est alors aussi qu’il écrivit ces odes et ces ballades germaniques, enthousiastes par la forme, populaires par le fond, qui rivalisèrent avec les œuvres lyriques de Goethe. […] « Ordre saint, enfant béni du Ciel, c’est toi qui formes de douces et libres unions ; c’est toi qui as jeté les fondements des villes ; c’est toi qui as fait sortir le sauvage farouche de ses forêts ; c’est toi qui, pénétrant dans la demeure des hommes, leur donnes des mœurs paisibles et le bien le plus précieux, l’amour de la patrie. […] La maison que tu habites avait disparu déjà dans le lointain ; je me rappelais tout alors : comment, la nuit, tu t’étais promené avec moi dans le jardin ; comment tu souriais quand je t’expliquais les formes fantastiques des nuages et mes beaux rêves ; comment tu écoutais avec moi le murmure des feuilles au vent de la nuit. » On croit véritablement entendre les confidences de Daïamanti au dieu son amant, dans une scène des drames indiens ; l’imagination allemande est teinte des eaux du Gange. […] quand on a beaucoup vécu, beaucoup pratiqué les idées, les passions, les rois, les peuples, le dédain superbe et tranquille n’est-il pas la dernière forme de la sagesse humaine ?
Sur le penchant le plus incliné vers le torrent ou vers le lac qui forme le lit de ces vallées ; sur quelque colline arrondie et grasse de gazon ; au sommet d’un petit promontoire avancé vers les eaux et qui y laisse pendre et tremper les branches de ses châtaigniers ; au bord d’une grève exposée au soleil du levant ou du midi et où brille de loin une marge de sable fin lavé d’écume ; dans le creux d’une anse, au sommet d’un monticule boisé, semblable à une île sur un océan de roseaux, on voit luire au soleil un petit nombre de maisons à toits aigus et bleuâtres, couverts d’ardoises, sur lesquels des nuées de pigeons blancs en repos sèchent leurs plumes et becquettent le grain volé dans la cour. […] Ce style bref, nerveux, lucide, nu de phrases, robuste de membres, ne se ressentait en rien de la mollesse du dix-huitième siècle, ni de la déclamation des derniers livres français ; il était né et trempé au souffle des Alpes ; il était vierge, il était jeune, il était âpre et sauvage ; il n’avait point de respect humain, il sentait la solitude, il improvisait le fond et la forme du même jet ; il était, pour tout dire en un mot, une nouveauté. […] C’était un honneur dans la forme, au fond c’était un exil. […] « Au reste, quoique je connaisse les formes et que je sois très résolu à m’y soumettre, quoique j’aie la plus grande idée des ministres français et que la confiance qu’ils ont méritée les recommande suffisamment à celle de tout le monde, néanmoins je dois répéter ici à M. le général Savary ce que j’ai eu l’honneur de lui dire de vive voix : c’est que mon ambition principale, en me rendant à Paris, serait, après avoir rempli toutes les formes d’usage, d’avoir l’honneur d’entretenir en particulier Sa Majesté l’Empereur des Français.
Je me dis à moi-même : C’est une déclaration de guerre sous la forme d’une signature de paix. […] XVIII L’Italie est si féconde qu’elle a enfanté, comme la Grèce, toutes les formes de gouvernement ; sa véritable unité se compose de ces diversités puissantes ; celui qui lui veut l’uniformité la mutile. […] Ce cercle vicieux de corruption des membres pour laisser toute l’autorité à la tête fit durer cinq cents ans cette forme à la fois licencieuse et muette de tyrannie. […] Je l’ai connu intimement, et je n’ai rien vu d’humain en lui que la forme mortelle : c’était un de ces caractères où la vertu est si naturelle et si modeste qu’elle n’a besoin d’aucun effort et d’aucune ostentation pour se tenir debout dans toutes les fortunes. […] On n’y voit en perspective qu’une cinquième capitale piémontaise, humble succursale de Turin, de Milan, de Gênes, de Florence, ou bien une grande ville libre, une Tyr de l’Adriatique, renfermant hermétiquement dans ses remparts battus des flots l’ombre d’une république qui ne peut revivre sous sa première forme et qui ne doit pas mourir.
alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre, avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Les génies purement d’art et de forme, et de phrases, dénués de ce germe d’invention fertile, et doués d’une action simplement viagère, se trouvent en réalité bien moins grands qu’ils ne paraissent, et, le premier bruit tombé, ils ne revivent pas. […] Il y a une parenté étroite entre cet empire qu’il avait sur lui-même et la puissance de réflexion qui le maintenait toujours maître du sujet qu’il traitait en écrivant, et qui lui permettait de donner à ses œuvres ce fini dans la forme que nous admirons. […] Il dit que les dernières époques de sa vie ne peuvent pas avoir la même abondance de détails que sa jeunesse, racontée dans Vérité et Poésie. « Je composerai le récit de ces dernières années sous forme d’Annales ; il s’agit moins de raconter ma vie que de montrer sur quoi s’est exercée mon activité. […] Il faudrait montrer au monde quel bonheur César lui aurait donné, comme tout aurait reçu une tout autre forme, si on lui avait laissé le temps d’exécuter ses plans sublimes.
Qu’on ne s’attende pas pourtant à de la théologie en forme. […] Les idées y sont présentées sous la forme de propositions ; chaque proposition a un nombre proportionné de preuves. […] Si la vérité importe plus que le chemin qui nous y mène, je préfère un libre mélange de raisonnement et de sentiment qui me persuade, à cette trame d’une argumentation en forme qui veut me prendre et qui me manque. […] Elle lui vint pourtant plus d’une fois ; mais ce fut sous la forme de remercîments adressés au directeur efficace par des consciences malades, que ses soins avaient rétablies. […] La phrase y affecte presque exclusivement la forme d’une période dont les membres se font équilibre, quelquefois par le poids des idées, trop souvent par le nombre et le son des mots.
Albérich vole l’or du Rhin, il en forme l’anneau magique, il aspire à l’omnipotence, — Wotan lui dérobe l’anneau, qu’il donne aux géants en paiement de Walhall, — les Dieux cherchent un homme qui expie leur faute, Siegmund aime Sieglinde, Siegfried est recueilli par Mime, il tue le dragon, se saisit de l’anneau et réveille Brünnhilde, il meurt par la main de Hagen, et Brünnhilde meurt avec Grane sur son bûcher. […] Mais à mesure que le désir de le faire s’accentuait, il s’apercevait « que l’œuvre, dans cette forme-là, n’était point viable sur la scène » (iv, 416). — Pour essayer ce parer autant que possible aux défauts de cette pièce, il imagina, dans les premiers mois de 1851, de mettre sur la scène la jeunesse ce Siegfried (telle qu’il l’avait déjà conçue dans son Esquisse de drame), et de montrer dans cet autre opéra quelques-uns des exploits dont on parlait dans le premier ; il écrivit donc un poème d’opéra intitulé le Jeune Siegfried, qu’il termina le 24 juin 1851. […] Wagner, après avoir démontré la nécessité d’une réforme de l’art, a bâti cette baraque en bois, laquelle, tant par les détails de sa construction que par sa position loin de toute grande ville, est jusqu’ici l’unique endroit où son art pourrait vivre ; et il nous a légué des œuvres qui réalisent plusieurs des formes possibles du nouveau drame ; il ne pouvait faire plus pour nous. […] Quoi que l’on pense de cette Revue Wagnérienne, de son évolution et de son influence spéciale, très limitée mais très réelle, on doit reconnaître qu’elle forme un précieux recueil de documents et de faits wagnériens. […] Ce sont choses fort secondaires que les Leitmotive et leurs développements, la liberté plus ou moins grande de la forme et d’autres détails.
Les poètes indiens chantent les aventures humaines ou divines de Rama ou de Chrisna ; Ferdousi, celles de Rustem et des héros de la Perse ; Homère, celles d’Achille ; Virgile, celles d’Énée ; le Tasse, celles des croisés ; Milton, celles du premier homme et de la première femme ; Klopstock, celles du Christ, revêtant la forme humaine pour subir la mort en satisfaction des crimes de la terre. […] Là chaque muraille forme une dent qui se perd en s’ébréchant dans le bleu sans fond du firmament. […] » reprend Béatrice encore impitoyable dans ses reproches, « jamais la nature ou l’art ne t’offrit un attrait comparable à l’attrait de cette forme mortelle dans laquelle je fus incarnée, et qui maintenant n’est que poussière ; et si cet attrait te manqua lorsque je mourus, quelle autre forme mortelle devait désormais t’attirer par un tel désir ? […] Ainsi il me sembla entendre le murmure d’un fleuve dont l’écume étincelle en courant de rocher en rocher, en témoignant de l’inépuisable fécondité de sa source ; et de même que le son prend sa forme et sa note dans le cou de la harpe, et de même que l’air sonore s’insinue par les trous du chalumeau attaché à la musette, ainsi ce murmure du fleuve monta par le cou de l’aigle comme s’il eût été creux ; et là il devint voix, et de son bec sortirent des paroles telles que les attendait mon cœur, où je les écrivis !
On voit à gauche la femme adultère, toute nue, assise sur le bord de sa couche ; elle est belle, très belle de visage et de toute sa personne, belles formes, belle peau, belle cuisse, belle gorge, belles chairs, beaux bras, beaux piés, belles mains, de la jeunesse, de la fraîcheur, de la noblesse ; je ne scais, pour moi ce qu’il fallait au fils de Jacob. […] Approchez votre main de la toile, et vous verrez que l’imitation est aussi forte que la réalité, et qu’elle l’emporte sur elle par la beauté des formes. […] Par la beauté des formes, par la volupté de la position, par les charmes de toute la personne. […] La forme de ce tableau est ingrate, il faut en convenir. […] C’est dans ce siècle et sous ce règne que la nation épuisée ne forme aucune grande entreprise, aucuns grands travaux, rien qui soutienne les esprits et élève les âmes.
S’il a été sévère dans la forme, et pour ainsi dire religieux dans la facture ; s’il a exprimé au vif et d’un ton franc quelques détails pittoresques ou domestiques jusqu’ici trop dédaignés ; s’il a rajeuni ou refrappé quelques mots surannés ou de basse bourgeoisie, exclus, on ne sait pourquoi, du langage poétique ; si enfin il a constamment obéi à une inspiration naïve et s’est toujours écouté lui-même avant de chanter, on voudra bien lui pardonner peut-être l’individualité et la monotonie des conceptions, la vérité un peu crue, l’horizon un peu borné de certains tableaux ; du moins son passage ici-bas dans l’obscurité et dans les pleurs n’aura pas été tout à fait perdu pour l’art : lui aussi, il aura eu sa part à la grande œuvre, lui aussi il aura apporté sa pierre toute taillée au seuil du temple ; et peut-être sur cette pierre, dans les jours à venir, on relira quelquefois son nom. […] Voici ce que vous en dites en 1863, en les réimprimant pour vous et pour nous : « Je continue et j’achève, dans un court loisir qui m’est accordé, cette publication de mes Poésies sous leur forme dernière. […] La poésie est une nourriture par excellence, et de toutes les formes de poésie, la forme lyrique plus qu’aucune autre, et de tous les genres de poésie lyrique, le genre rêveur, personnel, l’élégie ou le roman d’analyse en particulier. […] Là seulement on trouve sécurité et plénitude ; des remèdes appropriés à toutes les misères de l’âme ; des formes divines et permanentes imposées au repentir, à la prière et au pardon ; de doux et fréquents rappels à la vigilance ; des trésors toujours abondants de charité et de grâce. […] Je blâmais en pédagogue quelques formes aventurées de vers, pour dire comme tout le monde, mais je me mentais à moi-même ; j’étais ivre de cette poésie toute neuve.