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700. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Renan d’être un croyant (au sens philosophique) et un critique, un homme de foi et un analyste, de mêler enfin la notion du divin aux méthodes de nos laboratoires ?‌

701. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Il est à conjecturer que la foi première persista quelques années en lui, favorisée par l’étude, par la pureté des mœurs, dans cette vie abritée : on aimerait à se persuader qu’il croyait encore, lorsqu’il s’engagea définitivement, quelques années plus tard (1787), dans les voies irrévocables du sacerdoce, auquel semblait l’obliger d’ailleurs l’enseignement théologique qui lui était confié. […] Diverses brochures et articles de journaux, de sa façon, nous le présentent essayant de concilier le caractère sacré que lui et ses amis de l’Oratoire n’ont pas dépouillé, avec les circonstances sociales nouvelles ; il s’applique à démontrer que la Constitution civile du clergé, telle que la veut l’Assemblée constituante, est sincèrement d’accord avec les principes de la foi catholique et avec les conditions de cette Église, y compris la primauté du pape et la supériorité de la juridiction épiscopale. […] En faisant la part de ce qui pourrait être concessions et en y cherchant les seules convictions, celles-ci apparaissent assez à nu : on y saisit au vif ce que Daunou est bien radicalement, à savoir, le disciple de Sieyès et de Condorcet, le secta- séctateur et l’organe des méthodes dernières qu’avait produites le xviiie  siècle, et dont ce siècle, soi-disant sans foi, était finalement idolâtre, pour ne pas dire esclave. […] Votre alphabet est le premier symbole de foi que les enfants reçoivent, et après lequel ils embrasseront tous les autres, car il n’y en aura point de plus absurde que celui-là. […] N’était-ce pas recommencer à la lettre un symbole de foi en même temps qu’on rejetait tous les autres avec horreur ?

702. (1904) Zangwill pp. 7-90

Si je voulais chercher dans l’Avenir de la science tout cet orgueil, toute cette assurance et cette naïve certitude, il me faudrait citer tout l’Avenir de la science, et une aussi énorme citation m’attirerait encore des désagréments avec la maison Calmann Lévy ; ce livre n’est rien s’il n’est pas tout le lourd et le plein évangile de cette foi nouvelle, de cette foi la dernière en date, et provisoirement la définitive ; tout ce livre admirable et véritablement prodigieux, tout ce livre de jeunesse et de force est dans sa luxuriante plénitude comme gonflé de cette foi religieuse ; on me permettra de n’en point citer un mot, pour ne pas citer tout ; nous retrouverons ce livre d’ailleurs, ce livre bouddhique, ce livre immense, presque informe ; car j’ai toujours dit, et j’ai peut-être écrit que le jour où l’on voudra sérieusement étudier le monde moderne c’est à l’Avenir de la science qu’il faudra d’abord et surtout s’attaquer ; le vieux pourana de l’auteur, écrit au lendemain de l’agrégation de philosophie, comme elle était alors, passée en septembre, écrit dans les deux derniers mois de 1848 et dans les quatre ou cinq premiers mois de 1849, le gros volume, âpre, dogmatique, sectaire et dur, l’énorme paquet littéraire, le gros livre, avec sa pesanteur et ses allures médiocrement littéraires, le bagage, le gros volume, le vieux manuscrit, la première construction, les vieilles pages, l’essai de jeunesse, de forme naïve, touffue souvent abrupte, pleine d’innombrables incorrections, le vieil ouvrage, avec ses notes en tas, le mur aux pierres essentielles, demeure pour moi l’œuvre capitale de Renan, et celle qui nous donne vraiment le fond et l’origine de sa pensée tout entière, s’il est vrai qu’une grande vie ne soit malheureusement presque toujours qu’une maturité persévérante réalisée, brusquement révélée dans un éclair de jeunesse ; Renan lui-même en a beaucoup plus vécu, encore beaucoup plus qu’il ne l’a dit dans sa préface ; et le vieux Pourana de l’auteur est vraiment aussi le vieux Pourana du monde moderne ; combien de modernes, le disant, ne le disant pas, en ont vécu ; aujourd’hui encore, inconsciemment ou non, tous nous en vivons, sectaires et libertaires, et, comme le dit Hugo, mystiques et charnels. […] Hâtons-nous de le dire, toute affirmation en pareille matière est un acte de foi ; or qui dit acte de foi dit un acte outre-passant l’expérience (je ne dis pas la contredisant). […] Altier, entier, droit, Taine a eu cette audace ; il a commis cet excès ; il a eu ce courage ; il a fait cet outrepassement ; et c’est pour cela, c’est pour cet audacieux dépassement que c’est par lui, et non par son illustre contemporain, qu’enfin nous connaissons, dans le domaine de l’histoire, tout l’orgueil et toute la prétention de la pensée moderne ; avec Renan, il ne s’agissait encore, en un langage merveilleux de complaisance audacieuse, que de constituer une lointaine surhumanité en un Dieu tout connaissant par une totalisation de la mémoire historique ; avec Taine au contraire, ou plutôt au-delà, nous avons épuisé nettement des indéfinités, des infinités, et des infinités d’infinités du détail dans l’ordre de la connaissance, et de la connaissance présente ; désormais transportés dans l’ordre de l’action, et de l’action présente, nous épuisons toute l’infinité de la création même ; toute sa forme de pensée, toute sa méthode, toute sa foi et tout son zèle, — vraiment religieux, — toute sa passion de grand travailleur consciencieux, de grand abatteur de besogne, et de bourreau de travail, tout son passé, toute sa carrière, toute sa vie de labeur sans mesure, sans air, sans loisir, sans repos, sans rien de faiblesse heureuse, toute sa vie sans aisance et sans respiration, toute sa vie de science et la raideur de son esprit ferme et son caractère et la valeur de son âme et la droiture de sa conscience le portaient aux achèvements de la pensée, le contraignaient, avant la lettre, à dépasser la pensée de Renan, à vider le contenu de la pensée moderne, le poussaient aux outrances, et à ces couronnements de hardiesse qui seuls achèvent la satisfaction de ces consciences ; il devait avoir un système, bâti, comme Renan devait ne pas en avoir ; il devait avoir un système, comme Renan devait nous rapporter seulement des certitudes, des probabilités et des rêves ; mais, sachons-le, son système était le système même de Renan, étant le système de tout le monde moderne ; et ce commun système engage Renan au même titre que Taine ; il fallait que Taine ajoutât, au bâtiment, à l’édifice de son système ce faîte, ce surfaite orgueilleux, parce que ce que nous nommons orgueil était en lui un défi à l’infortune, à la paresse, aux mauvaises méthodes et au malheur, non une insulte à l’humilité, parce que ce que nous croyons être un sentiment de l’orgueil était pour lui le sentiment de la conscience même, du devoir le plus sévère, de la méthode la plus stricte ; et c’est pour cela que nous lui devons, à lui et non à son illustre compatriote, la révélation que nous avons enfin du dernier mot de la pensée moderne dans le domaine de l’histoire et de l’humanité.

703. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Quoi que fît le faune, la fleur de la foi vivait en lui. […] Pour la foi ? […] Un monsieur très bien, ma foi, fouillait dans un étalage de bouquins. […] Croyez-moi, de tout temps le peuple élu a été exposé à la séduction de renier la foi de ses pères. […] Et la foi ne se laisse pas expulser de ce petit coin intime de notre personnalité.

704. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

C’est donc qu’il abolit l’ancienne distinction, et, unissant l’art et la foi, le vrai et le beau, va demander un art chrétien. […] D’abord il est bien entendu que les grands et sincères chrétiens qui se sont trouvés être des écrivains et consacrer leur plume à la défense de la foi, sont en dehors du débat. […] Même dans le domaine de la foi, Chateaubriand devrait bien remarquer que Racine chrétien de cœur, est beaucoup plus biblique que chrétien dans Athalie. […] Les « mystères terribles de la foi », comme dit Boileau, peuvent-ils devenir machines poétiques ? […] Ce qui fait cette différence, c’est le plus ou moins de foi de celui qui parle une langue dans les mythes que cette langue contient.

705. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

L’expression d’une simple préférence est encore un acte de foi, inconscient, si l’on veut, dans une certaine conception de l’art et de la vie. […] Vous me direz qu’il entend les démontrer et non pas les recevoir ni les imposer comme articles de foi ; qu’il invoque la raison plus que l’autorité. […] Il a en elle, c’est-à-dire en lui-même, une foi intrépide. […] Il la proclame vaincue, terrassée, et, ma foi ! […] Renan ; s’il n’aurait pas, de la meilleure foi du monde, projeté dans autrui sa propre conception de la vie.

706. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

Ce ne serait que Henri IV qui, descendu de Robert de France, sixième fils de Louis IX, aurait enfin fait rentrer la couronne dans la lignée directe du saint roi. » Le fait est qu’une quarantaine d’années après la mort ou la prétendue mort de ce petit roi Jean, parut en France un aventurier qui se donna pour lui, qui raconta toute une histoire romanesque à laquelle plusieurs puissances et personnages politiques d’alors ajoutèrent foi, notamment Rienzi.

707. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Encore un prêtre, d’esprit délicat, de foi ardente, un roi, brave et d’humeur chevaleresque, eussent-ils pu trouver ces belles paroles.

708. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

La conserver et l’accroître et affirmer que nous le devons — l’affirmer par un acte de foi (car vous vous rappelez que tout est vain), c’est là proprement la vertu… Ici il faudrait tout citer.

709. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Goût de l’amour dès l’enfance, avant même de se douter de ce qu’est l’amour ; sentiment un peu sanglotant de la nature ; aspiration à se dévouer sans relâche, avec un secret contentement de souffrir pour son dévouement ; félicité de la meurtrissure sentimentale, optimisme extraordinairement vivace, abrité du scepticisme comme par une ouate de mélancolie douce… Ajoutez à ces dons naturels la vie la plus romanesque, romanesque jusqu’à l’invraisemblable, une gageure du destin tenue et gagnée contre les caprices de l’imagination : l’héritage sacrifié à la foi religieuse, les voyages tragiques, la guerre, la tempête, la séduction, l’abandon, le théâtre avec le succès d’abord, et bientôt la perte de la voix, la misère, la mort de l’enfant adoré, de quoi défrayer vingt romans conçus avec quelque économie.

710. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

foi de moi, il n’en ira pas ainsi.

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