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307. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

La vie de l’homme est un acte de foi et un acte de confiance (ces deux mots sont presque des doublets) ; il faut que l’homme croie, sinon à la réalité, du moins à la véracité de sa vie et de la vie ; il faut qu’il ait foi dans la floraison, aux heures où il plante son verger, et foi dans la fructification aux heures où il se promène sous les fleurs. […] Il a endossé la foi comme un vêtement ; il s’est orné de superstitions comme de breloques. […] Il étale toute sa foi, toute la lessive et jusqu’aux linges les plus troués et les plus tachés. Il est fier de sa foi et de son ignorance, et de sa crédulité, et de ses chiffons mal blanchis. […] Sa prison, c’est la foi.

308. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

C’est l’Italie tout entière, sa tristesse de servitude et de tombeau, l’imagnificence de ses peintures aux murailles des palais et des temples que rien autre de grand ne remplit, sa foi en ruine, ses mains aux fers, sa noble mamelle que l’oisiveté flétrit ou que souille l’étranger, — c’est tout ce spectacle, amèrement beau, qui a inspiré le poëte ; de la blessure qu’une telle vue lui a causée sont nés à l’instant et, pour ainsi dire, ont ruisselé ses vers. […] Il y a une profonde et consolante vérité à nous présenter ainsi le peuple comme certain de lui-même, sentant sa vigueur croissante et son avénement prochain ; à lui faire donner une sévère leçon au poëte qui trop souvent en nos jours, lui qui devrait diriger, s’égare, s’exaspère, n’entend que la voix de l’orgueil blessé, au lieu de répondre d’une lyre sympathique à l’appel fraternel des hommes, et farouche, inutile, manquant de foi au lendemain, s’enfuit comme Salvator dans les montagnes84.

309. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Car ce petit livre est une œuvre à part ; une conviction profondément nationale et religieuse l’a dicté au poète fervent ; il est destiné, comme un viatique moral, au peuple errant ou captif chez qui l’ancienne foi catholique semble avoir fait alliance avec le sentiment plus moderne de la liberté. […] Son but, dans ce petit livre, est de prémunir ses compatriotes contre la dispersion des pensées, contre la perte des coutumes, l’attiédissement de la foi et du dévouement en terre étrangère.

310. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Pendant que dans les régions supérieures de la pensée et de la foi se séparent les courants de la philosophie et de la réforme, une foule de provinces et de ressorts spéciaux se constituent dans le domaine d’abord indivis de la Renaissance. […] La force de ce naïf Contr’un se révéla quand les protestants se soulevèrent contre la royauté qui opprimait leur foi : ils le recueillirent, et s’en firent une arme, comme d’un manifeste de révolte et de sédition.

311. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Il n’est jamais entré dans ma pensée de chercher à ôter ou à diminuer la foi chez qui la possède. Quant à apprécier le mouvement des croyances, la crue ou le décours de la foi, ce n’est point dans de courts espaces ni d’une génération à l’autre que cela se mesure : ces changements se marquent par siècles, et les divers états d’incrédulité et de croyance, à divers degrés, coexistent à la fois ; il n’est pas toujours aisé de les bien démêler.

312. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

qui bégayent des formules, mauvaises d’un côté, bonnes de l’autre ; les vieilles religions qui font peau neuve ; Rome, la cité de la foi, qui va se redresser peut-être à la hauteur de Paris, la cité de l’intelligence ; les théories, les imaginations et les systèmes aux prises de toutes parts avec le vrai ; la question de l’avenir déjà explorée et sondée comme celle du passé. […] Il n’insultera pas la race tombée, parce qu’il est de ceux qui ont eu foi en elle et qui, chacun pour sa part et selon son importance, avaient cru pouvoir répondre d’elle à la France.

313. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Alors, la pensée humaine n’a pas perdu le respect pour la foi qui l’a enfantée, mais elle est déjà la raison, c’est-à-dire une force qui ne relève que d’elle-même et de Dieu. […] Il eut de ces hardiesses que se permettait la foi robuste des grands docteurs et qui encourent aujourd’hui l’anathème. […] Croyons, sur la foi des Pères, qu’Eschyle et Platon, Socrate et Pythagore, ne furent pas des ennemis de la vérité ; mais que, sans la posséder pleinement, ils ont néanmoins travaillé pour elle. […] Lisez donc seulement l’Histoire des Croisades, ces grands actes d’enthousiasme et de foi religieuse bien innocents à coup sûr de tout levain de rationalisme. […] Ce n’est pas aux moments de foi naïve pas plus qu’à ceux de critique révolutionnaire qu’apparaissent les grandes œuvres d’art ; c’est aux époques de croyance raisonnée, de liberté respectueuse.

314. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Le peuple n’est pas une religion pour lui, c’est un instrument ; son dieu, à lui, c’est la gloire ; sa foi, c’est la postérité ; sa conscience n’est que dans son esprit ; le fanatisme de son idée est tout humain ; le froid matérialisme de son siècle enlève à son âme le mobile, la force et le but des choses impérissables. […] Mais, quant à son influence versatile et selon moi funeste sur les conseils de son mari, je persiste, sur la foi de ses amis eux-mêmes, unanimes à déplorer son influence en ce sens, à lui attribuer bien involontairement les conséquences les plus tragiques de ces conseils contradictoires donnés au roi. […] Ils n’avaient pas la foi à la république, ils en simulèrent la conviction. […] Il est beau de mourir victime de sa foi, il est triste de mourir dupe de son ambition. » Est-ce là un apologiste ou un juge ? […] Acte de foi perpétuel dans la raison et dans la justice ; sainte fureur du bien qui la possédait et qui la faisait se dévouer elle-même à son œuvre, comme ce statuaire qui, voyant le feu du fourneau où il fondait son bronze prêt à s’éteindre, jeta ses meubles, le lit de ses enfants, et enfin jusqu’à sa maison dans le foyer, consentant à périr pour que son œuvre ne pérît pas.

315. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

J’ai eu le bonheur de connaître la vertu absolue ; je sais ce que c’est que la foi, et, bien que plus tard j’aie reconnu qu’une grande part d’ironie a été cachée par le séducteur suprême dans nos plus saintes illusions, j’ai gardé de ce vieux temps de précieuses expériences. Au fond je sens que ma vie est toujours gouvernée par une foi que je n’ai plus. La foi a cela de particulier que, disparue, elle agit encore. […] Mon enfance s’écoulait dans cette grande école de foi et de respect. […] on avait la foi alors ; on était si simple et si bon !

316. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Ma foi ! […] Je voudrais vous faire voir et flairer ces fromages pour vous donner une idée de la manière violente, inouïe, emphatique, musicale, et, ma foi ! […] Un prêtre qui a la foi comme l’abbé Mouret, — car M. Zola lui a donné la foi pour mieux montrer à quel degré de rachitisme intellectuel l’idée religieuse fait descendre la créature humaine, — aurait dû résister longtemps avant de tomber, et, s’il fût tombé, le flambeau de la foi, qui n’est pas toujours éteint par la chute, aurait pu allumer en lui le feu des remords.

317. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Il essaya différents sujets de conversation : la Propagation de la Foi, les prédicateurs du Carême, l’économie domestique. […] Et, ma foi ! […] Qu’Émile Goudeau se lamente tant qu’il voudra, voici ma très véridique profession de foi. […] Mais, ma foi, c’était si étonnant que je suis resté. […] Sans doute, ils méprisent très fermement les mystères de la foi chrétienne, mais ils se tiennent dans un tremblant respect devant le sot mystère de la foi maçonnique.

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