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320. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Près de là croissaient des lisières de pervenche, dont les fleurs sont presque semblables à celles de la giroflée rouge, et des piments, dont les gousses, couleur de sang, sont plus éclatantes que le corail. […] Ils connaissaient les heures du jour, par l’ombre des arbres ; les saisons, par les temps où ils donnent leurs fleurs ou leurs fruits ; et les années, par le nombre de leurs récoltes. […] Pourquoi vas-tu si loin et si haut me chercher des fruits et des fleurs ? […] Huit jeunes demoiselles des plus considérables de l’île, vêtues de blanc et tenant des palmes à la main, portaient le corps de leur vertueuse compagne, couvert de fleurs. […] On vit accourir alors des troupes de jeunes filles des habitations voisines, pour faire toucher au cercueil de Virginie des mouchoirs, des chapelets et des couronnes de fleurs, en l’invoquant comme une sainte.

321. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Pluton me l’a enlevée, et la poussière a souillé la fleur dans son éclat. […] » Je m’arrête à cette fleur dernière. […] … Au parfum qu’il exhale, on dirait qu’il sort de son panier de figues et de fleurs. […] Pas une fleur dans leurs broussailles de chicane. […] Le poète ne les compare qu’à des fleurs ou à des épis moissonnés.

322. (1897) Aspects pp. -215

Ils sont d’un amoureux débordant, heureux de jeter au pied de l’Aimée toutes les fleurs et tout son cœur. […] Tant qu’il se contente de semer des fleurs, ils les ramassent et même s’en parent. […] J’entends chanter les flûtes et je découvre les vergers en fleurs… Je ne suis pas le seul à sentir ces choses dans ce simple distique. […] Ce sont des paroles à mi-voix chuchotées parmi des paysages lunaires où s’épanouit l’enchantement printanier des fleurs. […] Inquiétudes, joies, larmes, rires y éclatent comme les fleurs rouges de l’aloès.

323. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Puis voici trois dames qui se promènent pour cueillir des fleurs, et là-dessus nous devons croire que la scène est un jardin. […] Aspasia délaissée, « marche sombre, les yeux humides et attachés sur la terre94. —  Elle ne se plaît qu’aux bois solitaires, et, quand elle voit une rive, —  toute pleine de fleurs, avec un soupir, elle dit à ses femmes, —  quelle jolie place ce serait pour y ensevelir des amants ; elle leur dit — de cueillir les fleurs et de l’en joncher comme une morte. —  Partout avec elle, elle porte sa peine, qui, comme une contagion, —  gagne tous les assistants. […] Leurs poëtes le sentent bien, quand ils les amènent sur la scène ; ils mettent autour d’elles la poésie qui leur convient, le bruissement des ruisseaux, les chevelures pendantes des saules, les frêles et moites fleurs de leur pays, toutes semblables à elles100, « la primevère, pâle comme leur visage, la jacinthe des prés, azurée comme leurs veines, la fleur de l’églantier, aussi suave que leur haleine101. » Ils les font douces « comme le zéphyr qui de son souffle penche la tête des violettes », abattues sous le moindre reproche, déjà courbées à demi par une mélancolie tendre et rêveuse. Philaster dit en parlant d’Euphrasie qu’il prend pour un page, et qui s’est déguisée ainsi pour obtenir d’être à son service102 : « Je l’ai rencontré pour la première fois assis au bord d’une fontaine, —  il y puisait un peu d’eau pour étancher sa soif, —  et la lui rendait en larmes. —  Une guirlande était auprès de lui faite par ses mains, —  de maintes fleurs diverses, nourries sur la rive, —  arrangées en ordre mystique, tellement que la rareté m’en charma. —  Mais quand il tournait ses yeux tendres vers elles, il pleurait — comme s’il eût voulu les faire revivre. —  Voyant sur son visage cette charmante innocence, —  je demandai au cher pauvret toute son histoire. —  Il me dit que ses parents, de bons parents étaient morts, —  le laissant à la merci des champs, —  qui lui donnaient des racines, des fontaines cristallines qui ne lui refusaient pas leurs eaux, —  et du doux soleil qui lui accordait encore sa lumière. —  Puis il prit la guirlande et me montra ce que chaque fleur, dans l’usage des gens de campagne, signifie, —  et comment toutes, rangées de la sorte, exprimaient sa peine. —  Je le pris, et j’ai gagné ainsi le plus fidèle, —  le plus aimant, le plus gentil enfant qu’un maître ait jamais eu. » L’idylle naît d’elle-même parmi ces fleurs humaines ; le drame suspend son cours pour s’attarder devant la suavité angélique de leurs tendresses et de leurs pudeurs. […] Là sont des fleurs choisies, toutes celles que donne le jeune printemps, des chèvrefeuilles, des narcisses, des chrysanthèmes. » — Le soir venu, « la brume monte, les gouttes de rosée viennent baiser chaque petite fleur et se suspendre à leur tête de velours, comme une corde de grains de corail. » Ce sont là les plantes et les aspects de la campagne anglaise toujours fraîche, tantôt enveloppée d’une pâle brume diaphane, tantôt luisante sous le soleil qui l’essuie, toute regorgeante d’herbes, d’herbes si emplies de séve si délicates qu’au milieu de leur plus éclatant lustre et de leur plus florissante vie, on sent que le lendemain va les faner.

324. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Une fleur souffre-t-elle, un rocher pense-t-il ? […] Tout parle ; l’air qui passe et l’alcyon qui vogue, Le brin d’herbe, la fleur, le germe, l’élément. […] Les grandes idées morales et philosophiques ont beau se transformer sans cesse, après chacune de leurs métamorphoses ou les retrouve toujours les mêmes en leur fond, mais avec quelque charme subtil de plus : elles sont comme cette belle de la légende métamorphosée en jasmin, qui, reprenant sa forme première, conserva pourtant le parfum de la fleur. […] Quand la douleur se calme, alors, et alors seulement on peut examiner en soi « les vérités profondes », on peut regarder hors de soi « les fleurs du gazon » ; — et cela, sans songer à la tombe, elle aussi recouverte de fleurs, sans détourner avec horreur ses yeux de ce printemps lumineux du dehors qui fait contraste avec l’hiver du dedans. […] dormez, les fleurs !

325. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Je marche à ta seule clarté ; ta pensée féconde mon génie ; ta présence tempère et rafraîchit seule les brûlures de mon cœur ; toutes les fleurs et tous les fruits que j’ai pu cueillir dans les saisons de mon printemps et de mon été, ne sont que les parures destinées à orner ton autel dans les jours de fête qui me restent !  […] La férocité septentrionale et le christianisme oriental avaient produit, par leur union, cette fleur étrange de civilisation destinée à une brillante et courte floraison en Occident. […] Conçu à dix-huit ans, terminé à vingt-cinq ans, ce poème conservera le caractère de l’adolescence de son auteur : le vague, la fleur, l’étonnement, la puberté de l’âme. […] « Au reste, si la Jérusalem a une fleur de poésie exquise, si l’on y respire l’âge tendre, l’amour et les déplaisirs du grand homme infortuné qui composa ce chef-d’œuvre dans sa jeunesse, on y sent aussi les défauts d’un âge qui n’était pas assez mûr pour la haute entreprise d’une épopée. […] Le Tasse se trompait ; on ne sent dans la Jérusalem conquise ni moins de force ni moins de style que dans la Jérusalem délivrée, mais on y sent moins de charme ; la fleur du génie est flétrie, le parfum s’est envolé avec elle ; c’est le parfum qui avait enivré le siècle, c’est encore le parfum que la postérité a voulu respirer.

326. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Bien des pages y sont délicieuses de simplicité et de fraîcheur : celle, par exemple, à la date du 17 avril, sur les fleurs préférées et les souvenirs qui s’y rattachent, On y voit déjà ce choix de l’ancolie qui en fait la fleur de Nodier, comme la pervenche est celle de Rousseau176. […] … le procédé final n’a pas changé ; l’adorable idylle, la pastorale enchantée, tout amoureusement tressée qu’elle semble, va se trancher net encore à la Werther ou à la Werthérie, sinon par un coup de pistolet, au moins par une petite vérole qui tue, par un anévrisme qui rompt, par une convulsion délirante ; Séraphine, Thérèse, Clémentine, Amélie, Cécile, Adèle, toutes ces amantes qu’il a touchées au front, elles en sont là ; il a comme résumé leur destin en un seul dans ces Stances mélodieuses, où du moins le rhythme et l’image ont tout revêtu et adouci : Elle était bien jolie, au matin, sans atours, De son jardin naissant visitant les merveilles, Dans leur nid d’ambroisie épiant les abeilles, Et du parterre en fleurs suivant les longs détours. […] Séraphine, Amélie, la fleur de ces récits heureux, l’ont assez prouvé : qu’on y ajoute la première partie d’Inès, on aura le plus parfait et le dernier mot de sa manière. […] Aimé De Loy, poëte franc-comtois des plus errants et des plus naufragés, mais dont l’amitié vient de recueillir les débris sous le titre de Feuilles aux Vents, a dit quelque part, en célébrant une de ses riantes stations passagères : J’y cultive, au pied d’un coteau, La fleur de Nodier, l’ancolie, Si chère à la mélancolie, Et la pervenche de Rousseau. […] Depuis sa mort, on a fait un tout petit volume d’une dernière nouvelle de lui, intitulée Franciscus Columna, où il se retrouve tout entier sous sa double forme ; c’est un coin de roman logé dans un cadre de bibliographie, une fleur toute fraîche conservée entre les feuillets d’un vieux livre.

327. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

maintenant je comprends l’émotion que cette céleste figure a donnée au monde dans sa fleur, et tout ce qui m’étonne c’est que cette émotion ne se prolonge pas jusque dans sa maturité ! […] Cousin, M. de Barante ; M. de Staël, enlevé dans sa fleur à la vie ; M.  […] Juliette, leur fille, déjà regardée pour une fleur de visage qui promettait de s’épanouir en merveille, fut laissée chez une tante à Villefranche, en Beaujolais ; de là elle fut cloîtrée dans un couvent de Lyon, pour y achever son éducation. […] Le lendemain, baignée de larmes, je venais de franchir la porte que je me souvenais à peine d’avoir vue s’ouvrir pour me laisser entrer ; je me trouvai dans une voiture avec ma tante, et nous partîmes pour Paris. — Je quitte à regret une époque si calme et si pure pour entrer dans celle des agitations ; elle me revient quelquefois comme dans un vague et doux rêve, avec ses nuages d’encens, ses cérémonies infinies, ses processions dans les jardins, ses chants et ses fleurs. […] On a remarqué que les hommes de cette nature recherchent hardiment pour épouses les femmes les plus renommées par leur figure, soit qu’ils redoutent moins que d’autres la célébrité des attraits pour les compagnes de leur vie, soit qu’une très belle femme paraisse à leurs yeux un luxe naturel qui attire sur leur maison l’attention publique, soit que, ambitieux de jouissance autant que de fortune, ils se donnent, sans penser au lendemain, toutes les fleurs de la vie pour en embaumer leur existence.

328. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

« Plaines cultivées, collines arrondies, ondes limpides, rives ombreuses, molles prairies, bosquets de jeunes tiges de lauriers-roses, cèdres, palmiers, orangers chargés de fruits et de fleurs, groupés et entrelacés en formes diverses, mais toutes gracieuses, faisaient un dais contre les ardeurs de l’été avec leurs épaisses ombrelles, et parmi les branches s’abritaient en pleine sécurité, chantaient et voletaient les rossignols… « Près de là, auprès d’une fraîche source entourée de cèdres et de palmiers féconds, Roger dépose son bouclier, découvre son front de son casque, et, tantôt vers la plage de la mer, tantôt vers la montagne, il tourne son visage pour se faire caresser les joues par les brises fraîches et embaumées qui, sur les hautes cimes, font frissonner avec de gais murmures les feuilles des hêtres et des chênes. […] « Cloridan, intrépide chasseur toute sa vie, était de robuste stature et d’une rare légèreté à la course ; Médor, à la fleur de ses années, avait encore les joues colorées, blanches et fraîches de l’adolescence, les yeux noirs, les cheveux dorés et bouclés ; il ressemblait à un ange du chœur le plus élevé du ciel. […] Mais la jeunesse et la beauté rajeunissent et embellissent jusqu’aux ruines : les fleurs les plus odorantes que le pèlerin cueille, pour respirer des souvenirs avec leur odeur dans les pages de son journal de voyage, sont celles qui croissent sur des tombeaux. […] Roland et Renaud, neveux de Charlemagne, se réjouissent de ce que la fleur des héroïnes de leur armée ne deviendra pas la dépouille d’un prince grec ; les pairs décident que Roger et Léon combattront l’un contre l’autre, et que le sort des armes prononcera entre eux de la possession de Bradamante. […] m’écriai-je tout bas, belle halte de ma jeunesse, où j’ai fait plus de rêves impossibles qu’il n’y a de stances dans le poète de Ferrare, d’étoiles dans cette voie lactée, de fleurs sur les orangers de la terrasse, de gouttes jaillissantes dans le bassin des trois jets d’eau !

329. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Me parlant de l’espèce d’induration, amenée, dans les sens par la vieillesse, il me dit : « Moi, qui étais si sensible à l’odeur des fleurs des champs… maintenant il faut que je la cherche… elle ne vient plus à moi, toute seule !  […] Oui, l’amertume de la vie de ces jours, les petits tressaillements nerveux de la bouche, les filtrées de bile dans l’estomac, les envies de brutalités, les appétits de duels : tout cela s’adoucit et s’endort au milieu des arbres et des fleurs, comme sous un liniment. […] * * * — Je suis revenu ce soir, de Saint-Gratien, avec Primoli, et nous causions en chemin de fer, des cruels moments qu’on passe avec les êtres, dont l’intelligence est entamée, nous parlions de ces désespoirs énervés, de ces colères intérieures, de ces fuites de la maison, à la suite desquelles on bat la campagne, en coupant les fleurs avec sa canne ! […] La mort de cet homme de trente-huit ans, de ce garçon si aimable et si ingénieux à vous faire du plaisir et de la joie chez lui, de ce peintre, si peintre, a rencontré une sympathie bien naturelle, et c’est merveilleux et touchant, le luxe des fleurs déposées sur son cercueil. […] vous ne savez pas, vous ne savez pas… mais le trèfle est la fleur du doute ! 

330. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Et ce mot à jamais brille… Dans les cieux, sur les fleurs, sur l’homme rajeuni, Comme le flamboiement d’amour de l’infini ! […] La poésie purement formelle ressemble à ces stalactites des grottes qui pendent comme des lianes de pierre, guirlandes délicates et fines, mais inanimées ; on y cherche vainement la fluidité de la vie : elle n’est que dans les gouttes d’eau qui tombent et pleurent, non dans ces fleurs pétrifiées et impassibles. On se plaît quelques instants au demi-jour de la grotte ; on y admire le caprice des formes et le jeu des rayons, mais bientôt on se sent glacé, on aspire à l’air libre et chaud des champs que féconde le soleil : les vraies fleurs sont celles qui vivent, s’épanouissent et aiment. […] Olivier a résolu d’aller porter des fleurs sur la tombe de sa mère, et sa pensée se trouve ramenée tout naturellement à son enfance, à sa mère : Olivier revoyait les plus minimes choses ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Un peu trop de rayons d’or, de bluets et de pervenches, peut-être ; mais vraiment n’est-ce pas se plaindre qu’il y ait trop de fleurs en un parterre ?

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