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400. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Un jour Girardin, exaspéré de la nullité de son fils, lui aurait dit : « Il m’aurait fallu un fils comme vous ! — Les fils comme ça… voyez-vous, répondait Dumas, il faut les faire soi-même !  […] Pendant que dans la salle des dessins français, j’étais arrêté devant le « Couronnement de Voltaire », de Gabriel Saint-Aubin, qu’enfin, ils se sont décidés, je puis dire sur mes objurgations, à exposer, un monsieur qui le regardait admirativement, comme moi, et qui était Beurdeley fils, me dit que son père avait vendu 8 000 francs à M.  […] Jeudi 30 octobre Aujourd’hui Mme Daudet a été à la Belle-Jardinière, avec l’intention d’acheter un paletot pour son grand fils. […] Elle demande à un commis, si elle ne pourrait pas en avoir une pour son fils ?

401. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

L’analyse psychologique, le démêlement délicat de tous les fils entrelacés d’une âme, le discernement des phases, des retours, des élans, des soudaines ou lentes oscillations de ses mouvements lui est inconnu. […] L’illustre fils de postillon, Sam Weller, dans les Aventures de M.  […] L’excellent, naïf et docte président du Pickwick-Club, ses honorables acolytes, sujets malheureusement à tant de faiblesses humaines, Tupman, Snowgrass Winkle, sont de merveilleuses créations comiques ; on ne cesse de sourire de leurs aventures, de celles qu’introduisent le postillon Weller et son célèbre fils, ou ce maigre et délié imposteur, M.  […] Dombey et fils a les grands éclats de voix du capitaine Cuttle. […] Rien de plus odieux que le Carker de Dombey et fils, de plus fortement ridiculisés que les soi-disant gens du monde qui remplissent les salons du grand négociant, et que Dickens s’attache sans cesse à représenter comme des êtres aussi imbéciles, avides et prétentieux, que secs et méchants.

402. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Le père de Bonstetten, qu’on désignait du nom de sa charge le trésorier de Bonstetten, ne démentait pas en lui ce caractère ; c’était un homme instruit qui, dans sa jeunesse, avait étudié en Allemagne sous le philosophe Wolf, et il s’occupa avec sollicitude de l’éducation de son fils. […] Cependant le père de Bonstetten était alarmé ; il craignait pour son fils ainsi exposé au contact des idées et des passions genevoises, absolument comme un père aurait craint pour son fils exposé dans le Paris de 89 à la contagion révolutionnaire. […] Croissez, comme j’ai vu ce palmier de Latone, Alors qu’ayant des yeux je traversai les flots ; Car jadis, abordant à la sainte Délos, Je vis près d’Apollon, à son autel de pierre, Un palmier, don du ciel, merveille de la terre : Vous croîtrez comme lui… Après avoir tenté inutilement de l’acclimater à Berne, le trésorier de Bonstetten permit à son fils de se rendre en Hollande à l’université de Leyde, mais sous la condition expresse qu’il n’y étudierait pas la philosophie : il craignait que ce regard aux choses du dedans ne nuisît à l’observation des faits du dehors ; mais Bonstetten était assez éveillé pour suffire aux deux sortes de vue.

403. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

De l’Époque, après le naufrage, il fut recueilli au journal la Presse, et, dès lors, on le vit un peu partout ; romans, nouvelles, feuilletons de théâtre, articles de critique, il ne se refusa rien : Le principal étant de vivre, Fidèle au : « Tel père, tel fils », Ma ressource devint le livre ; Mon père en vendait, — moi, j’en fis. […] Or, Fréron s’appuyant sur le crédit de la reine, de la vertueuse Marie Leckzinska et du vertueux Dauphin son fils, n’était rien moins que vertueux pour son propre compte. […] Fréron, qui est le fils de Desfontaines, a été le père de Geoffroy ; il n’est pas le nôtre, il n’est pas notre grand-père. […] Il a fait de Fréron le fils, le proconsul, le roi de la jeunesse dorée, l’amoureux évincé d’une future princesse, une esquisse vivante, rapide, et qui semble une page arrachée d’un Gil Blas moderne.

404. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Un travail sans relâche, une prière continuelle, point d’ambition que pour les emplois les plus vils et les plus humiliants, aucune impatience dans les sœurs, nulle bizarrerie dans les mères, l’obéissance toujours prompte et le commandement toujours raisonnable. » Et vers le même temps il écrivait à son fils : « M. de Rost m’a appris que la Champmeslé étoit à l’extrémité, de quoi il me paroît très-affligé ; mais ce qui est le plus affligeant, c’est de quoi il ne se soucie guère apparemment, je veux dire l’obstination avec laquelle cette pauvre malheureuse refuse de renoncer à la comédie, ayant déclaré, à ce qu’on m’a dit, qu’elle trouvoit très-glorieux pour elle de mourir comédienne. […] Despréaux me l’a dit ainsi, l’ayant appris du curé d’Auteuil, qui l’assista à la mort ; car elle est morte à Auteuil, dans la maison d’un maître à danser, où elle étoit venue prendre l’air. » On a besoin de croire, pour excuser ce ton de sécheresse, que Racine voulait faire indirectement la leçon à son fils, et condamner ses propres erreurs dans la personne de celle qui en avait été l’objet. […] La douleur est superstitieuse ; l’âme, en ses moments extrêmes, a de singuliers retours ; elle semble, avant de quitter cette vie, s’y rattacher à plaisir par les fils les plus déliés et les plus fragiles. […] Racine fils avoue avec candeur qu’on peut regretter dans l’Iphigénie française cette vive peinture de l’Agamemnon grec ; mais Euripide n’avait pas craint d’entrer dans l’intérieur de la tente du héros, et de nommer certaines choses de la vie par leur nom29.

405. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Tantôt, flottant entre un passé gigantesque et un éblouissant avenir, égarée comme une harpe sous la main de Dieu, l’âme du prophète exhalera les gémissements d’une époque qui finit, d’une loi qui s’éteint, et saluera avec amour la venue triomphale d’une loi meilleure et le char vivant d’Emmanuel ; tantôt, à des époques moins hautes, mais belles encore et plus purement humaines, quand les rois sont héros ou fils de héros, quand les demi-dieux ne sont morts que d’hier, quand la force et la vertu ne sont toujours qu’une même chose, et que le plus adroit à la lutte, le plus rapide à la course, est aussi le plus pieux, le plus sage et le plus vaillant, le chantre lyrique, véritable prêtre comme le statuaire, décernera au milieu d’une solennelle harmonie les louanges des vainqueurs ; il dira les noms des coursiers et s’ils sont de race généreuse ; il parlera des aïeux et des fondateurs de villes, et réclamera les couronnes, les coupes ciselées et les trépieds d’or. […] Fils honteux de son père, sans enfance, vain, malicieux, clandestin, obscène en propos, de vie équivoque, ballotté des cafés aux antichambres, il eût été bon peut-être à donner quelques jolies chansons au Temple, s’il avait eu plus de sensibilité, de naturel et de mollesse. […] Daguesseau et Racine fils par exemple. […] Sa correspondance durant ce temps d’exil avec Rollin, Racine fils, Brossette, M. de Chauvelin et le baron de Breteuil, a des parties qui recommandent son goût et qui tendent à relever son caractère.

406. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Le jeune et spirituel Cazalès, fils du célèbre orateur rival de Mirabeau, venait assidûment dans cette maison. […] Je vis du même coup d’œil, à mes côtés, le duc de Laforce, M. de Falloux, le fils du roi Murat, brave et calme comme son père, Ledru-Rollin, que j’avais rencontré et engagé à monter à cheval avec moi. […] Je ne le rencontre jamais sans me rappeler l’impression qu’il produisit sur moi ce jour-là ; depuis cette époque, il a marié sa charmante fille avec le fils de Raigecourt. […] Il me mena quelquefois chez sa fille, devenue la femme du fils du duc de Doudeauville, et qui habitait alors la maison champêtre retirée de la vallée aux Loups, achetée, par complaisance, des dépouilles de M. de Chateaubriand.

407. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Le vieil ouvrier a eu un fils d’une maîtresse, avant son mariage. Ce fils, devenu grand garçon, vient voir son père, « seulement pour le voir, pour le connaître. […] Le fils répond : — Moi, dans la menuiserie. […] Et la conversation continue sur ce ton… Pas la moindre émotion de se voir, rien à se dire, rien… Le litre fini, le fils se lève.

408. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Mon fils, attache-toi aux saisies réelles, aux préférences de deniers. […] Il faudrait mettre du côté de l’épée le million que vous cherchez pour marier votre fille, acheter un duché et établir votre fils. […] Ces messieurs ayant appris que vous vouliez marier mademoiselle votre fille, donner une charge considérable à monsieur votre fils, et acheter deux grandes maisons dans la Place Royale… PERSILLET. […] Mettez que c’est pour marier ma fille, donner une charge à mon fils, acheter deux maisons dans la Place Royale, et le surplus pour l’acquisition du duché de Heurtebise.

409. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Fils d’un cabaretier ou d’un apothicaire de Chinon, on sait qu’il avait commencé par être moine et moine cordelier. […] Après toutes les folies du début, la naissance de Gargantua par l’oreille gauche, la description mirifique de sa layette, les premiers signes qu’il donne de son intelligence et certaine réponse très coquecigrue qu’il fait à son père et à laquelle celui-ci reconnaît avec admiration le merveilleux entendement de son fils, on lui donne un maître, un sophiste en lettres latines ; et c’est alors que commence la satire la plus ingénieuse et la plus frappante de la mauvaise éducation de ce temps-là. […] Cependant son père Grandgousier voyait que son fils étudiait très bien, et qu’il n’en devenait que plus sot chaque jour ; il est fort étonné d’apprendre d’un de ses confrères, vice-roi de je ne sais quel pays voisin, que tel jeune homme qui n’a étudié que deux ans sous un bon maître, et par telle nouvelle méthode qui vient de se trouver, en sait plus que tous ces petits prodiges du vieux temps, livrés à des maîtres dont le savoir n’est que bêterie. […] Lucien, dans un dialogue entre Vénus et Cupidon, avait fait demander par la déesse à son fils pourquoi il respectait tant les muses, et l’enfant avait répondu quelque chose de ce que Rabelais va reprendre, amplifier en ces termes et embellir : Et me souvient avoir lu que Cupido, quelquefois interrogé de sa mère Vénus pourquoi il n’assailloit les Muses, répondit que il les trouvoit tant belles, tant nettes, tant honnêtes, tant pudiques et continuellement occupées, l’une à contemplation des astres, l’autre à supputation des nombres, l’autre à dimension des corps géométriques, l’autre à invention rhétorique, l’autre à composition poétique, l’autre à disposition de musique, que, approchant d’elles, il débandoit son arc, fermoit sa trousse et éteignoit son flambeau, de honte et crainte de leur nuire.

410. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Mais, ce qui était fait surtout pour le toucher et ce qui nous intéresse le plus aujourd’hui nous-mêmes, il connut, il vit beaucoup le duc de Reichstadt, le fils de Napoléon, et il fut, dès le premier jour, recherché et considéré par lui. […] M. de Metternich répondit qu’il n’en voyait aucun, et qu’il ne demandait autre chose sinon qu’on apprît au fils de Napoléon, sur ces grands événements historiques, la vérité tout entière. […] Quoi qu’il en soit, Marmont citait ces deux traits au fils de l’Empereur comme preuve d’une sensibilité première subsistante avant l’excès de la politique et des combats. […] Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l’instant ; sa physionomie se ferma : « Mais je ne connais personne à Paris », répondit-il ; — et après une pause d’un instant : « Je n’y connais plus que la colonne de la place Vendôme. » Puis s’apercevant qu’il avait interprété trop profondément une parole toute simple, et pour corriger l’effet de cette brusque réponse, il envoya le surlendemain à M. de La Rue, qui montait en voiture, un petit billet où étaient tracés ces seuls mots : « Quand vous reverrez la Colonne, présentez-lui mes respects. » Au maréchal Marmont, comme à toutes les personnes avec qui il parlait de la France, le jeune prince exprimait l’idée qu’il ne devait, dans aucun cas, jouer un rôle d’aventure ni servir de sujet et de prétexte à des expériences politiques ; il rendait cette juste pensée avec une dignité et une hauteur déjà souveraines : « Le fils de Napoléon, disait-il, doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans des événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. » Dans une conversation avec le maréchal, et dont les sujets avaient été variés, il en vint à traiter une question abstraite ou plutôt de morale, et comparant l’homme d’honneur à l’homme de conscience, il donnait décidément la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’instrument aveugle d’un méchant ou d’un insensé ».

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