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371. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Pendant qu’une commission instituée par décret de l’empereur, sur le rapport du ministre d’État, et composée des hommes les plus autorisés et les plus compétents, travaille sans relâche et avec le sentiment de sa haute mission à recueillir non seulement les lettres, mais les ordres, les annotations, les décisions et pensées de toutes sortes de l’empereur Napoléon Ier, tout ce qui s’offre avec sa marque visible, avec son cachet personnel immédiat, et non seulement les documents relatifs à des matières de gouvernement et aux actes du souverain, mais aussi les écrits qui peuvent éclairer le caractère intime de l’homme ; pendant qu’on met à contribution les dépôts publics et les collections particulières de quelques familles considérables ; qu’à l’heure qu’il est près de vingt mille documents sont rassemblés, et que, la question de classement une fois résolue, on espère, dans un an ou quinze mois, être en mesure de livrer les premières feuilles à l’impression ; pendant ce temps-là, la publication des Œuvres de Frédéric le Grand, commencée depuis plusieurs années par ordre du gouvernement prussien sous la direction de M.  […] J’ai eu l’occasion plus d’une fois, et dans Le Moniteur même51, d’en parler avec quelque étendue : aujourd’hui je voudrais en aborder quelques portions encore, et dans la correspondance de Frédéric avec les membres de sa famille, je choisirai particulièrement celle qu’il eut avec le plus célèbre et le plus distingué d’entre ses frères, avec le prince Henri. […] Plus d’une des objections, au reste, qu’on lui adresse de loin, lui fut faite aussi de près, et, ce qui est remarquable, par des membres de sa propre famille. […] Frédéric avait des qualités et des affections de famille.

372. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Nous sommes obligés de connaître Rome, comme des petits-fils de connaître leur vieille mère. » Il montrait que ce n’est pas tant à l’Université qu’il faut s’en prendre des maladies morales de la jeunesse qu’aux familles elles-mêmes, à l’esprit public et à l’air vicié du dehors, à la littérature enfin ; et faisant allusion à la grande plaie, selon lui régnante, au roman, il appelait de ses vœux un roman pareil à Don Quichotte, c’est-à-dire qui mît à la raison tous les mauvais romans du jour ou de la veille, et en sens inverse de Don Quichotte ; car, en ce temps-là, c’était la chevalerie, avec sa fausse exaltation idéale, qui était la maladie à la mode, et du nôtre c’est le contraire : « c’est le goût du bien-être personnel, c’est l’amour des jouissances positives, c’est l’égoïsme, c’est Sancho, en un mot, et non pas Don Quichotte. […] Dans le second discours, prononcé à Louis-le-Grand, s’inquiétant moins des attaques du dehors, il disait agréablement et en famille bien des vérités à la jeunesse : non pas qu’il fut décidé à louer le passé en tout aux dépens du présent : « Cette élégie sur la décadence perpétuelle du genre humain est d’ancienne date, disait-il ; elle a probablement précédé l’Iliade, et j’affirmerais volontiers que l’aïeul de Nestor lui a reproché plus d’une fois de n’être, en comparaison du vieux temps, qu’un parfait mauvais sujet. » Mais, tout en se gardant des banalités du lieu commun, il opposait, dans un parallèle ingénieux, l’éducation sévère ef terrible d’autrefois à celle d’aujourd’hui, si molle et si propre à faire de petits sybarites ; l’élève choyé de Louis-le-Grand était mis en présence de l’écolier si souvent fouetté et si affamé de Montaigu : « Et cependant, dans ces séjours terrifiés, on voyait accourir en foule une jeunesse prête à tout souffrir, la faim, le froid et les coups, pour avoir, le droit d’étudier. […] Je passe à l’extrême opposé : ayant à parler de Chapelle, l’ami de Molière (18 mai 1855), il manque le caractère de l’homme et le rapporte à une famille d’esprits dont il n’était pas ; car ce Chapelle, qui avait assurément de l’esprit et du plus naturel, mais un franc ivrogne et un paresseux, lui paraît représenter une classe d’amateurs et de connaisseurs « d’un goût singulièrement fin, délicat, difficile, qui ont tout lu, qui savent toutes choses, etc. » Rien de moins exact et de moins justifiable. — C’est ainsi encore que, sur la foi d’un de ses maîtres, M.  […] On y sent, sous l’écrivain, le père de famille spirituel, sensé, pressé d’instruire, ne perdant ni une occasion ni une minute pour former agréablement ces petits êtres qui vont être des hommes.

373. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Qui m’aime plus que ses enfants, c’est tout dire quand on connaît l’esprit de famille qui animait la dynastie des Noailles. — Il arrive à la politique : « Je ne sais ce que le marquis d’Argenson, qui est une bête, dira à M. le comte de Loss, et je crois bien faire de vous faire passer, Sire, en droiture, ce qui me vient de la personne du roi et de mon amie (Mme de Pompadour). […] Toutes ces choses ne sont que momentanées… Le roi désire plus ; il voudrait que Votre Majesté lui rendit tous les bons offices à la Cour de Russie (sur laquelle l’on est persuadé ici que nous influons beaucoup) pour qu’elle ne se mêle point de la présente guerre… » En résumant, pour finir, tous les avantages que trouve le roi de Pologne à cette alliance française, l’esprit de famille à son tour triomphe chez Maurice, et le fils de race saxonne s’applaudit : « Enfin, Sire, que vous dirai-je ? […] En même temps qu’il écrivait en ces termes au roi de Pologne, le maréchal adressait une autre lettre à la reine, une lettre non plus politique, mais domestique en quelque sorte et comme à une mère, pour lui ouvrir un jour sur l’intérieur de la famille royale et, comme il dit, sur l’intrinsèque de la Cour. […] Que votre princesse sache bien qu’il ne tiendra qu’à elle de faire notre bonheur et la félicité de mon peuple. » Nous voyons se dessiner, dans toute cette familiarité à laquelle on nous initie, un Louis XV un peu inattendu, un peu différent de ce qu’on se figure, plus affectueux, plus père de famille qu’on ne suppose, un fort aimable beau-père, et tout à l’heure, un grand-père aux petits soins.

374. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il appartenait à une famille d’humbles magistrats provinciaux ; il était né dans cette condition d’honnête et solide médiocrité, entretenue durant quelques générations, et qui, pour l’individu distingué, est peut-être le plus sûr des points de départ. […] Chargé d’inspecter les hommes et les approvisionnements destinés à cette expédition aventureuse, Malouet pouvait dire : « C’était un spectacle déplorable, même pour mon inexpérience, que celui de cette multitude d’insensés de toutes les classes qui comptaient tous sur une fortune rapide, et parmi lesquels, indépendamment des travailleurs paysans, on comptait des capitalistes, des jeunes gens bien élevés, des familles entières d’artisans, de bourgeois, de gentilshommes, une foule d’employés civils et militaires, enfin une troupe de comédiens, de musiciens, destinés à l’amusement de la nouvelle colonie. […] C’était une charmante famille que ces Chabanon, une famille des plus lettrées, des plus virtuoses, des mieux douées pour les arts comme aussi des plus unies et des plus aimantes.

375. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Sans doute une ébauche de vie sociale se dessine, et l’individu se soumet à un intérêt collectif lorsque la famille se forme et durant le temps où les petits ont besoin des soins de leur mère. […] On jugerait plutôt l’individu pleinement adapté à cette vie sociale passagère, et l’on ne constate pas de lutte vive, d’antagonisme durable entre les désirs de l’individu et les exigences de la famille et de la race. […] On a imaginé qu’un être supérieur, sur notre planète, au lieu de sortir de la famille des singes, aurait pu prolonger, par exemple, la race de l’éléphant ou quelque autre espèce analogue et voisine. […] Et l’individu, cet appareil de synthèse unique, comparable sur certains points à tous les êtres, et sur plus de points aux êtres de son espèce, de sa race, de sa nation, de son temps et de sa famille, reste absolument original dans son existence propre, dans son ensemble concret.

376. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Prenons une famille de langues, qui renferme plusieurs dialectes, la famille sémitique par exemple. […] Fichte, qu’en France, bien entendu, on eût appelé un impie, faisait tous les soirs la prière en famille ; puis on chantait quelques versets avec accompagnement de piano ; puis le philosophe faisait à la famille une petite homélie sur quelques pages de l’Évangile de saint Jean, et, selon l’occasion, y ajoutait des paroles de consolation ou de pieuses exhortations.

377. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Joseph Droz, né à Besançon, le 31 octobre 1773, d’une famille de magistrats et de jurisconsultes honorablement connue dans la province, avait reçu de ses pères comme par héritage la droiture de l’esprit, la douceur du cœur et la disposition au bien. […] Droz, sans le dire et sans y songer, est par instinct de l’école ou de la famille écossaise ; il a ses vrais parents de ce côté-là. […] Pour moi, il me semble qu’il est bon, utile et nécessaire à l’équilibre du monde qu’en regard du groupe de ceux qui sont amers, misanthropes et trop aisément violents, il y ait la famille de ceux qu’une indulgence inaltérable inspire. […] Les lectures qu’il lui fallut faire pour la connaissance approfondie de ces temps orageux et souillés du xviiie  siècle, contrastaient souvent avec cette pureté délicate et ces vertus de famille qu’il pratiquait et qu’il goûtait si bien dans le cercle intérieur ; il en souffrait ingénument et se replongeait avec d’autant plus d’attrait dans l’air pur de la félicité domestique.

378. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Il naquit le 1er avril 1746, au Bausset (arrondissement de Toulon), d’une de ces familles bourgeoises qui restaient étrangères au commerce, et dont les membres, voués à des professions libérales, savaient trouver dans une honnête médiocrité de fortune la considération et l’indépendance. […] La Provence devenant inhabitable pour lui, il se rendit à Lyon avec sa famille, et dut s’en éloigner ensuite quand la guerre civile s’y alluma. […] » Il s’agissait de savoir si, de peur de porter atteinte à l’hypothèque et au crédit des assignats, la Convention redevenue libre resterait sourde aux cris des familles, réclamant contre les confiscations qui avaient suivi les jugements iniques rendus sous la Terreur. […] En flétrissant ces choses atroces, la plume de Portalis n’est pas tout à fait le burin d’un ancien ; on a pu dire de quelques autres publicistes d’alors qu’ils écrivaient avec un fer rouge : lui, il a surtout sa précision et sa force quand il exprime des idées de probité et de morale sociale : Des familles honnêtes, dit-il, se trouvent dépouillées de leur patrimoine par des jugements qui n’ont été que des crimes… Mais, dira-t-on, l’État ne peut réparer tous les maux inévitables d’une révolution.

379. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

Un jeune homme fut consulté par sa famille sur la manière dont on voulait qu’on fît peindre son père ; c’était un ouvrier en fer. […] Le jeune homme qui avait du goût et de la vérité dans le caractère, dit à sa famille en la remerciant : Vous n’avez rien fait qui vaille, ni vous, ni le peintre.

380. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Si l’on y ajoute Plutarque et Sénèque, toute la famille des bons livres y sera, père et mère, aîné et cadet. […] « Scaliger a été, par ses bonnes parties, un des plus grands hommes qui aient vécu depuis les Apôtres. » Et le médecin Fernel, ce moderne héritier de Galien, Gui Patin a, pour l’honorer, des paroles sans mesure ; il disait un jour à une personne de cette famille, « qu’il tiendrait à plus grande gloire d’être descendu de Fernel que d’être roi d’Écosse ou parent de l’empereur de Constantinople ». […] Quoi qu’il en soit, c’en est assez pour montrer que, dans le cabinet de Gui Patin, le grand crucifix pouvait, en toute sincérité, occuper la première place, et que le bon Dieu, comme on disait et comme il disait en langage de famille, continuait de régner en effet sur cet assemblage un peu disparate de personnages si divers et sur la conscience du maître lui-même. […] Miron était de la famille de celui dont Montesquieu a dit magnifiquement : « Il semble que l’âme de Miron, prévôt des marchands, fût celle de tout le peuple. » Gui Patin aimait à aller passer avec ses deux voisins les après soupers : On nous appelle les trois docteurs du quartier, dit-il. […] Gui Patin aurait pu, comme un autre, y mettre les armes de sa famille, car elle en avait, et il ne perd pas cette occasion de nous les décrire ; mais il a mieux aimé y mettre son portrait.

381. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Bellaigue de Rabanesse, autrefois juge au présidial de cette ville, et d’une famille anciennement alliée à celle de Pascal. […] , il entr’ouvrit ses volets fermés, il ouvrit ses poudreux tiroirs, et deux volumes, l’un de 950 pages environ, l’autre de 500, écrits tout entiers de la main du Père Guerrier, déroulèrent en lignes serrées à l’avide lecteur une foule de lettres d’Arnauld, de Saci, de Nicole, de Domat, etc., etc., surtout de Pascal et de sa famille. […] La famille Perier était bien d’avis de retrancher, de modifier le moins possible : l’intérêt de famille se trouvait d’accord en ce cas avec l’intérêt littéraire (ce qui est si rare) ; mais il y avait d’autre part des considérations puissantes, invincibles, les approbateurs à satisfaire, l’Archevêque à ménager, la Paix de l’Église à respecter loyalement. […] Entre les exigences, les recommandations, disons le mot aussi, les superstitions de la famille et les dangers de la situation du côté de l’Archevêque et des puissances, on biaisa, on fit comme on put ; on raccorda, on tailla, on choisit.

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