/ 2639
655. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Mais à travers cette occupation spéciale, une autre idée d’observation plus étendue ne les avait pas quittés ; ils s’étaient attachés à étudier les divers ressorts du grand ensemble qu’ils avaient sous les yeux, et leur tâche officielle dignement remplie, ils viennent de nous reproduire la double face de la civilisation américaine tout entière, l’un, M. de Beaumont, la société civile et les mœurs dans le roman de Marie ; l’autre, M. de Tocqueville, la société politique et les lois, dans l’ouvrage que nous annonçons. […] La centralisation administrative, qui certainement ajoute de la force à l’autre, mais aux dépens de la vie même de chacun des membres de la nation, existe en France plus absolue aujourd’hui que jamais, plus entière que sous Louis XIV, qui, tout en disant avec raison : l’État, c’est moi, le pouvait dire à titre de gouvernement bien plutôt qu’à titre d’administration.

656. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

La monographie tout entière n’est pas faite pour rester. […] Caractère subjectif des religions ; de là leur intérêt psychologique ; l’homme s’y met plus que dans la science : l’humanité est là tout entière.

657. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Jésus se plaint souvent de l’incrédulité et de la dureté de cœur qu’il rencontre, et, quoiqu’il soit naturel de faire en de tels reproches la part de l’exagération du prédicateur, quoiqu’on y sente cette espèce de convicium seculi que Jésus affectionnait à l’imitation de Jean-Baptiste 911, il est clair que le pays était loin de convoler tout entier au royaume de Dieu. « Malheur à toi, Chorazin ! […] Il y avait le « pharisien bancroche » (Nikfi), qui marchait dans les rues en traînant les pieds et les heurtant contre les cailloux ; le « pharisien front-sanglant » (Kisaï), qui allait les yeux fermés pour ne pas voir les femmes, et se choquait le front contre les murs, si bien qu’il l’avait toujours ensanglanté ; le « pharisien pilon » (Medoukia), qui se tenait plié en deux comme le manche d’un pilon ; le « pharisien fort d’épaules » (Schikmi), qui marchait le dos voûté comme s’il portait sur ses épaules le fardeau entier de la Loi ; le « pharisien Qu’y a-t-il à faire ?

658. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Relisant le livre, évoquant le tableau, faisant résonnera son esprit le développement sonore de la symphonie, l’analyste, considérant ces ensembles comme tels, les restaurant entiers, les reprenant et les subissant, devra en exprimer la perception vivante qui résulte du heurt de ces centres de forces contre l’organisme humain charnel, touché, passionné et saisi. […] Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante.

659. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Habile architecte, grand archéologue, et plus grand critique d’art encore, Daly avait triple mission, de par ses trois spécialités, de nous parler de cette organisation des concours, la plus grande question pratique d’art et d’État qui à cette heure puisse être agitée, et il l’a fait dans un livre que je n’appellerai pas court, puisqu’il dit tout ce qu’il faut dire et que nulle part je n’ai vu la substance tout entière du sujet qu’on traite tenir moins de place dans une langue plus forte et plus claire. […] Cette théorie, d’une si originale simplicité qu’elle plonge l’esprit dans l’étonnement qu’inspirent ces vers qui semblent si faciles à trouver, et pour lesquels cependant il ne fallait rien moins que du génie, cette théorie, que son auteur a exposée dans son écrit intitulé : Symbolisme dans l’Architecture, est intégralement, pour qui sait l’y voir, en cet axiome, d’une concentration si profonde ; « L’art tout entier est symbolique de l’état matériel, moral et intellectuel de l’humanité aux diverses époques de son développement. » Mais, de cette profonde concentration, Daly l’a puissamment tirée.

660. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Au fond, pour les lynx, c’était un positiviste, mais sans avoir jamais consenti ou accusé le positivisme tout entier. […] Taine, dans sa notice, a traduit des morceaux de Carlyle d’une grande beauté et d’une grande bizarrerie, et comme il a le génie de la traduction en toutes choses, il n’a pas traduit que la lettre de certains passages, il a traduit, pour ainsi parler, l’homme tout entier dans l’originalité de son esprit et des opérations de son esprit.

661. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

C’est presque comique… Plutôt que de convenir franchement de la valeur des jugements de ce chansonnier qui, entre deux chansons, se permet en prose incisive de toiser Voltaire et Rousseau et leur époque tout entière, ou de se rebiffer et de dire bravement, avec ce poltron de Sosie : Comme avec irrévérence Parle des dieux ce maraud ! […] Le volume, formé presque tout entier par ces Lettres, n’est certainement pas le Traité du Prince, mais ce n’est pas non plus celui du Valet.

662. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

On ne savait pas grand-chose de son origine, de sa famille, de son passé, et il a bien couru la chance de mourir tout entier, n’ayant vécu, sinon toujours en lui, au moins pour lui, — ce qui est peut-être la meilleure manière de vivre… Le prince de Ligne disait de Catherine II que son empire allait d’une tempe à l’autre de son beau front. […] Il y rayonnait et il le remplissait tout entier de vingt volumes de chefs-d’œuvre, qui se succédaient comme les batailles de Napoléon.

663. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Il y a des choses, il est vrai, dans cette Correspondance, qu’il est impossible même à MM. de Goncourt de ne pas voir… En leur qualité de peintres, d’ailleurs, et de peintres recherchant des effets de peinture, ils ont peut-être trouvé frappant et pathétique de montrer les vices et la misère, fille de ces vices, chez la plus brillante et la plus spirituelle courtisane du xviiie  siècle, morte de misère après l’éclat et les bonheurs du talent et de la fortune, le triomphe, l’enivrement, toutes les gloires sataniques de la vie, et de faire de tout cela un foudroyant contraste, une magnifique antithèse… Mais s’ils ont montré — hardiment pour eux — la fameuse Sophie Arnould, qui naturellement devait tenter la sensualité de leur pinceau, dégradée de cœur, de mœurs, de fierté, de talent et de beauté, au déclin cruel de la vie, ils n’ont pas osé aller jusqu’à la vérité tout entière. […] Elle est morte en radotant de sa misère et dans l’écroulement complet, définitif, de l’être entier… Cette courtisane exceptionnelle, qui avait le génie du mot, de l’aperçu, de la répartie, et qui régnait sur la pensée autant que sur les sens des hommes, est morte aussi bête que les autres courtisanes vivent !

664. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Quand les Grecs visitèrent ces climats, il y a vingt ou vingt-cinq siècles, ils y trouvèrent les ruines du monde entier. […] Il faudrait s’indianiser par l’étude, perdre de la netteté de sa pensée, s’émousser et s’abaisser au niveau de l’engourdissement d’un peuple qui s’est peint tout entier dans le cadre de cet axiome : « Il vaut mieux être assis que debout, couché qu’assis, mort que vivant ! 

665. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

du suicide en masse du Cosmos tout entier à exécuter tout à l’heure ! […] Et je parle du cri littéraire, — car le cri qui ne s’écrit point, c’est le cri de l’humanité tout entière, qui n’a jamais, parce qu’elle souffre, été désespérée de vivre !

/ 2639