L’étal de la Sarriette, la vitrine de la belle Lisa, la fromagerie, les poissons d’eau douce de Claire Méhudin, les gibiers et les volailles, sont décrits en des paragraphes pleins de faits, que résume une phrase-thème, de volupté, d’obscénité, de perfidie, de grâce, de fermentante chaleur. […] La force d’Eugène Rougon, la noble beauté de Mme Grandjean, la séduction d’Octave Mouret et la douce fermeté de Denise, sont ainsi empreints en une effigie, marqués par des faits et résumés en une phrase. […] Ce que nous y aimons, c’est cette Christine si bonne, si douce, sensée, aimante, d’une si belle noblesse d’âme et toute simple ; c’est même cette brute de Lantier, qui, s’il ne mettait une grossièreté de manœuvre à clamer des théories ridicules, serait en somme un être bon, simple et fort, qui eût pu être un brave homme faisant des heureux autour de lui, s’il n’était allé se perdre dans une carrière où il est, malgré son intransigeance, un médiocre et un raté ; c’est Sandoz, d’une si belle fermeté, têtu, paisible et solide, ayant une idée en tête et la réalisant patiemment sans se tourner aux clameurs sur ses talons.
Il me semblait si doux, pour une âme oppressée, De pouvoir dans une autre envoyer ma pensée, Que, d’une ingratitude eussé-je dû périr, J’aurais, pour tout donner, voulu tout conquérir. […] Son humeur sereine, ses douces relations d’amitié, ses habitudes de travail assidu n’en reçurent aucune atteinte.
Et Racine, le doux et tendre Racine, qui avait plus d’un faible de commun avec La Fontaine, n’était-il pas obligé aussi de se cacher de Boileau, pour oser rire des facéties de Scarron ? […] Ainsi s’étaient tristement évanouies ces brillantes et douces réunions de la rue du Vieux-Colombier et de la maison d’Auteuil.
Il est rempli de Virgile, il a traduit de lui des vers suaves et passionnés ; il parle comme lui des troupeaux « qui retranchent l’excès des moissons prodigues22 », des boutons printaniers « frêle et douce espérance, avant-coureurs des biens que promet l’abondance. » Il entend par lui le sourd et voluptueux murmure qui sort de la campagne endormie. […] Quand on pense à ces vers si gracieux, si aisés, qui lui viennent à propos de tout, qu’il aime tant, à ce doux et léger bruit dont il s’enchante et qui lui fait oublier affaires, famille, conversation, ambition, on le trouve semblable aux cigales de Phèdre.
J’avais sur les lèvres de douces paroles. […] Pensez-vous qu’un amant, même très lettré, ait jamais parlé ainsi à sa maîtresse Et Thérèse à Le Ménil : « Méprisez-moi, si vous voulez, et si l’on peut mépriser une malheureuse créature qui est le jouet de la vie… Mais gardez-moi un peu d’amitié dans votre colère, un souvenir aigre et doux, comme ces temps d’automne où il y a du soleil et de la bise… Ne soyez pas dur à la visiteuse agréable et frivole qui passa à travers votre vie… », etc.
Car rien n’est doux comme d’aimer la jeunesse et d’en être aimé. […] Sourds aux sollicitations du monde qui leur demande des beautés harmonieuses à l’idéal enfantin, ils passent, doux et graves, déléguant aux parvis célèbres les solliciteurs, et traversent dans l’exil de leur pensée les joies et les douleurs tumultueuses.
De ce mélange résultait un Dieu d’une mobilité infinie, formé de toutes les contradictions du symbole ; violent et doux, bienfaisant et vindicatif, destructeur et rédempteur, martyr et bourreau, maître des fictions et des illusions, versant, pêle-mêle, à pleine coupe, l’irritation et la joie, la ferveur et la fureur, le délire et l’inspiration, Bacchus abrutissait et illuminait, il exaltait et il ravalait, il agitait les corps pour faire évader les âmes dans le ciel ou l’enfer des songes, comme on brise les portes d’une prison en secouant ses gonds. […] Les anciens en parlent avec ravissement — « C’est de là », — dit Aristophane dans les Oiseaux — « que Phrynicos a tiré le fruit de ses vers exquis comme l’ambroisie, et les chants si doux qu’il fait toujours entendre. » — Dans les Guêpes, il montre les vieillards se plaisant à fredonner ses refrains antiques, comme à boire un vieux vin qui les rajeunit.
Il a emménagé avec lui une jeune femme, pas précisément jolie, et qui de temps en temps se dérobe et se cache dans un joli mouvement contourné pour prendre une prise de tabac, mais une jeune femme qui a de paresseuses poses de chatte dans sa bergère au coin de la cheminée, un petit bagout spirituel, une grâce de gentille bourgeoise d’un autre siècle : toute cette douce et tranquille séduction cachant une hystérie très prononcée, qui la fait, presque tous les mois, à un quantième, où elle dit, aller chez elle pour donner son linge à la blanchisseuse, disparaître deux ou trois jours avec un des attablés ordinaires de son amant, — après quoi, elle rentre au bercail et le ménage reprend comme si de rien n’était. […] La nuit, pendant que les esquisses du jour sèchent, on dort comme si on revenait de la charrue, et un matin j’entends la maîtresse de Murger, au milieu d’un doux transport, lui demander ce que rapporte la feuille de la Revue des Deux Mondes.
J’entends le bercement nasillard de la musique, je regarde les plis des burnous ; lentement le « Bois en paix » de l’Orient me descend de la petite tasse jusqu’à l’âme ; j’écoute le plus doux des silences dans ma pensée et comme un vague chantonnement de mes rêves au loin, — et il me semble que mon cigare fait les ronds de fumée de ma pipe sous le plafond du Café de la Girafe. […] Il est un petit coin réservé aux enfants, encore plus mangé par la végétation, plus disparu dans la verdure et tout plein de petites armoires blanches semées de trois larmes, qui ont l’air de sangsues gorgées d’encre, et où les parents ont enfermé le doux souvenir des pauvres petites années vécues : livres de messe, exemptions, pages d’écriture, un A B C D en tapisserie, brodé par une mère.
Mais, quand il se fut suffisamment enroué à crier, l’honnête et douce figure de Rodolphe le rassura, et une causerie amicale s’établit bientôt entre l’artiste et le paysan. […] Doux et bienveillant, Rodolphe cause volontiers avec les quelques personnes qui le visitent, et vous offre le plus cordialement du monde la chaise sur laquelle il était assis à votre entrée.
Si le jugement que j’ai porté sur lui paraît trop byronien aux horatiens qui vivent toujours, à cette race d’égoïstes, d’impuissants et de vulgaires qui ont pris Horace pour leur poète et croient leur fond sauvé par sa forme, j’ai gardé pour la fin un mot doux et terrible, plus terrible dans sa douceur que la brusquerie de Byron. […] Le doux Joubert n’est pas Manfred ; il n’a point écrit Le Corsaire.