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505. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Il eut une première douleur soudaine ; puis rassuré par les lettres de ses amis, qui ne lui parlaient pas de ce malheur, il crut à quelque méprise et espéra. […] En revenant en France, la douleur dans l’âme, il écrivait à l’un de ses amis : « Croiriez-vous, ce qui est fort en pensant à une personne centenaire, que l’espoir de la revoir, après l’erreur où j’ai été, ne s’efface que successivement de mon esprit ? 

506. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Le moment où les croisés s’abandonnent, où la cupidité particulière les gagne, où la soif du butin l’emporte chez la plupart, et où les honorables chefs ne peuvent les contenir, même par les plus rigoureux exemples, est signalé avec douleur par Villehardouin : Les convoiteux, dit-il, commencèrent à retenir les choses, et Notre-Seigneur commença à les en moins aimer qu’il n’avait fait. […] à jamais anéantis dans les flammes, le cœur ne saigne, et l’on partage pleinement la douleur du digne sénateur byzantin ; on comprend sous sa plume ce mélange de Jérémie et de mythologie grecque, ces pleurs pour une statue d’Hélène et pour la profanation des vases de Sion, ces réminiscences d’une double antiquité qui lui viennent en foule et qui ressemblent à des lambeaux d’homélies entremêlés d’un retour d’Anacréon.

507. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Ceux même qui partagèrent le moins cette douleur d’une noble intelligence sont faits pour la comprendre, pour la respecter ; ici, chez lui, ce n’était pas une ambition déçue, ce n’était pas un point d’honneur en jeu, c’était une religion. […] Tout cela est charmant et d’une tristesse adoucie ; mais tout à côté ce sont des accents étouffés de douleur et presque de désespoir.

508. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Mais Jésus a refusé cette dernière requête elle-même : quand le fils souffre d’une telle mort, il convient qu’une mère douce et tendre le ressente ; il est juste que le glaive de douleur la transperce. […] Les voilà bien ces dieux antiques qui ne connaissaient que la félicité et qui fuyaient la douleur.

509. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Nous avons là une catholique de vieille souche, douce, pieuse, fervente, résignée, tendre, poétique, aimant la nature et adorant Dieu dans la nature, y trouvant à chaque pas les plus charmants emblèmes, moralisant avec grâce et sourire au sein même de la douleur : nous avons, d’autre part, et en regard d’elle, un caractère énergique de calviniste à demi émancipée, poétique aussi, très-croyante toujours, fervente, même prêcheuse, mais ouverte à toutes les impressions, ayant sa palette à elle, près de sa Bible, poussant ardemment ses aspirations vers le monde extérieur et absorbant la création par tous ses pores : — deux types. […] Écrivant à la baronne de Maistre, son amie de Paris, qui sera sa confidente passionnée comme Louise est sa correspondante virginale et innocente, elle lui dira après toutes ses douleurs épuisées et quand le calice est bu : « Je ne sais rien qui me fasse plaisir ; le cœur est mort, mais de votre côté il y a des cordes vives et je dirais vibrantes, si j’étais Sophie l’aimable, la trop bien disante. » Ainsi elle croit avoir besoin, pour risquer une expression qui nous paraît si simple, de se couvrir de l’autorité d’une amie.

510. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Enfant, c’est la douleur qui chante dans les vers ! […] Et toi, morne Tranquillité, Sans douleur, mais aussi sans charme, Pose sur ce cœur agité Ta main qui sèche toute larme !

511. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

L’esprit de parti est la seule passion qui se fasse une vertu de la destruction de toutes les vertus, une gloire de toutes les actions qu’on chercherait à cacher, si l’intérêt personnel les faisait commettre ; et jamais l’homme n’a pu être jeté dans un état aussi redoutable, que lorsqu’un sentiment qu’il croit honnête, lui commande des crimes ; s’il est capable d’amitié, il est plus fier de la sacrifier ; s’il est sensible, il s’enorgueillit de dompter sa peine : enfin, la pitié, ce sentiment céleste, qui fait de la douleur un lien entre les hommes ; la pitié, cette vertu d’instinct, qui conserve l’espèce humaine, en préservant les individus de leurs propres fureurs, l’esprit de parti a trouvé le seul moyen de l’anéantir dans l’âme, en portant l’intérêt sur les nations entières, sur les races futures, pour le détacher des individus ; l’esprit de parti efface les traits de sympathie pour y substituer des rapports d’opinion, et présente enfin les malheurs actuels comme le moyen, comme la garantie d’un avenir immortel, d’un bonheur politique au-dessus de tous les sacrifices qu’on peut exiger pour l’obtenir. […] Aussi se réveilleront-ils un jour ceux qui seuls sont sincères, ceux qui seuls méritent les regrets ; accablés de mépris, tandis qu’ils auraient besoin de considération ; accusés du sang et des pleurs, tandis qu’ils seront encore capables de pitié ; isolés dans l’univers sensible, tandis qu’ils pensaient s’unir à toute la race humaine ; ils éprouveront ces douleurs alors que les motifs qui les ont entrainés auront perdu toute réalité, même à leurs yeux, et ne conserveront de la funeste identité, qui ne leur permet pas de se séparer de leur vie passée, que les remords pour garants ; les remords, seuls liens des deux êtres les plus contraires ; celui qu’ils se sont montrés sous le joug de l’esprit de parti ; celui qu’ils devaient être par les dons de la nature.

512. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Je veux courir le monde, Y chercher pour mon cœur un cœur qui me réponde, Je ne veux plus devant ta beauté m’humilier. »   Vénus a bien compris : elle a baissé la tête ; Aux douleurs des adieux, pensive, elle s’apprête : Une dernière fois elle lève les yeux. […]   Tandis que son cœur bat d’une douleur insigne, Sous l’armure éclatante, d’argent fabuleux, Voici que doucement s’est éloigné le Cygne   Dont la candeur semait des lys sur les flots bleu Et la nacelle, au loin de la foule éperdue, S’engloutit, bientôt, comme une neige fondue.

513. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Notre principale faculté active est traduite par la volition dont la nature est de nous pousser à fuir la douleur et rechercher le plaisir. […] L’étendue est le fait objectif par excellence ; le plaisir et la douleur sont les phases les mieux marquées de la pure subjectivité.

514. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Après avoir traité les differens genres d’affliction des autres personnages du tableau comme des passions qui pouvoient s’exprimer, il place à côté du lit de Germanicus une femme noble par sa taille et par ses vêtemens, qui se cache le visage avec les mains, et dont l’attitude entiere marque encore la douleur la plus profonde. […] On conçoit facilement comment un peintre varie par l’âge, le sexe, la patrie, la profession et le temperament, la douleur de ceux qui voïent mourir Germanicus ; mais on ne conçoit point comment un poëte épique, par exemple, viendroit à bout d’orner son poëme par cette varieté, sans s’embarasser dans des descriptions qui rendroient son ouvrage ennuïeux.

515. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Ainsi, sur les bords du Tibre, la triste sœur de Didon, qui avait reçu les honneurs d’un petit temple, dans le lieu où elle était venue mourir, en racontant les premières douleurs de Carthage, avait cédé la place à la vierge secourable aux nautoniers. […] Les Muses dédaigneuses de la Grèce ne voulaient s’occuper que de royales douleurs, d’éclatants revers.

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