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1574. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Et d’un voile tissu de vapeur et d’orage Couvrant ses cheveux d’or, découvre, en son visage Tout ce qu’une âme sent de cruelles douleurs. […] Au secours des douleurs un Dieu clément le guide. […] « Quand on mesure l’intervalle de Scot à Newton, dira plus tard un philosophe, faut-il attribuer celle distance énorme à la différence des siècles et penser avec douleur que ce docteur subtil et absurde… eût peut-être été Newton dans un siècle plus éclairé ! 

1575. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Dans la première partie de mon existence, j’ai connu la misère ; dans la seconde, la douleur. […] Je ne savais pas que le poète est un être comme les autres, et que son génie ne le sauve ni de la douleur, ni du vice, ni de la misère humaine. […] On a dit que Mme de Maupassant aurait eu le cerveau ébranlé par la douleur que lui causait la perte de son mari. « Des amis bien intentionnés, lisons-nous dans le Mercure, signalent chez elle des appréhensions de folie, des hallucinations de la vue et différents phénomènes névropathiques, qui par la suite se reproduisirent, aggravés, lorsqu’elle tenta de s’empoisonner ou lorsqu’il fallut lui couper les cheveux afin d’éviter qu’elle ne s’étranglât. » Je ne sais ce qu’il y a de vrai dans ces rumeurs ; ce que je puis dire, c’est que Mme de Maupassant me donna l’impression d’une personne parfaitement équilibrée et qui, malgré sa cruelle maladie et son désespoir, ne songeait pas le moins du monde au suicide.‌

1576. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Alexandre Hardy Il y a, dans la Poétique d’Aristote, une petite phrase que je me garderais bien de citer en son texte grec, si ce n’était qu’on en a proposé — comme de toutes les phrases de ce livre célèbre et obscur — cinq ou six traductions différentes. C’est quand, après avoir exposé sommairement les origines de la tragédie, Aristote arrive à parler d’Eschyle, et il s’exprime ainsi : Πολλὰς μεταβολὰς μεταβαλοῦσα ἣ τραγῳδία ἐπαύσατο ἐπεὶ ἔσχε τὴν αὑτῆς φύσιν. Ce que je traduis, ou plutôt ce que je paraphrase de la manière suivante : « Après s’être essayée dans bien des directions, la tragédie se fixa, quand elle eut enfin reconnu sa nature. » Tout aussi bien et même mieux que l’histoire de la tragédie grecque, dont encore aujourd’hui trop de parties nous échappent, l’histoire de la tragédie française peut servir à la fois de commentaire, d’illustration, et de preuve à cette phrase de la Poétique. Avant d’atteindre sa perfection, la tragédie française classique, celle de Corneille et de Racine, a essayé, comme la grecque, de plusieurs moyens d’y atteindre, et, quand elle y a eu touché, ἐπαύσατο, comme dit. Aristote, elle s’est reposée, ou fixée ; — pour bien peu de temps, il est vrai, puisque son histoire au xviiie  siècle n’est que celle de sa décadence.

1577. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Lorsqu’il eut fini aq milieu des sanglots, et que, comme intermède, quarante jeunes élèves du Conservatoire, vêtues de blanc, les cheveux ornés de bandelettes et portant des écharpes de crêpe, eurent chanté, autour du mausolée, une strophe de l’hymne de Chénier mise en musique par Cherubini ; après que ces jeunes élèves, deux à deux, d’une main tremblante et en détournant leurs regards où se peignaient l’attendrissement et la douleur, furent venues déposer leurs branches de laurier aux pieds de l’effigie du mort109 ; en ce moment solennel, le citoyen Daunou, membre de l’Institut national, et chargé par lui de faire le panégyrique du héros, s’avança, tenant à la main aussi sa branche de laurier, et parla sur les degrés du mausolée : « ….

1578. (1927) André Gide pp. 8-126

Et Anthime jette à Julius cette phrase : « Non, mais vraiment vous en parlez trop à votre aise, vous à qui, vrai ou faux, tout profite… » Ainsi la même révélation qui ramène Julius à la religion, en détourne définitivement Anthime, dont les douleurs au surplus ont reparu, l’efficacité du miracle étant épuisée.

1579. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Non, je ne pense pas que « Rien ne nous rend plus grand qu’une grande douleur »43.

1580. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

… Désire-t-on une robe de chambre pour la toilette de l’eau… Prenez ceci, c’est très avantageux. » C’est la devinaille de toute une maison, et de la situation, et de l’âge des domestiques, et du degré de douleur à ménager chez les parents, et d’un merveilleux bagou approprié à la qualité du chagrin de chacun.

1581. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Ou bien, et inversement, ayant d’abord observé sur lui-même les effets de la douleur ou de la passion, voici qu’en feuilletant son Plutarque ou son Tacite, il s’y reconnaît ; et ce qu’il vient d’apercevoir et de noter en lui, il s’étonne et il est heureux de voir que Cicéron, par exemple, ou Agricola l’ont éprouvé comme lui.

1582. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

J’étais complètement grisée et illusionnée, en route pour des pays inconnus… Malheureusement, à un tournant trop brusque, le char versa brutalement et l’impératrice, avec un élan terrible, fut projetée par terre… Je fus d’abord abasourdie par le choc, puis j’éprouvais une atroce douleur au bras gauche. […] J’endurais patiemment la douleur lancinante et ce poids effrayant de mon bras, qui me semblait changé en pierre.

1583. (1929) La société des grands esprits

… La plupart des hommes meurent sans le savoir… Dans l’instant de la mort naturelle, le corps est plus faible que jamais ; il ne peut donc éprouver qu’une très petite douleur si même il en éprouve aucune ». […] Et l’on comprend la douleur de M.  […] Cependant Spinoza connaît la faiblesse du vulgaire, et admet que le repentir, l’humilité, la douleur, la superstition même lui soient utiles pour réprimer ses excès ou ses mauvais instincts.

1584. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Mais aimez-vous encore beaucoup ces vers, et pourriez-vous me les expliquer : Quand notre âme, en rêvant, descend dans nos entrailles, Comptant dans notre cœur, qu’enfin la glace atteint, ……………………………………………………… Chaque douleur tombée et chaque songe éteint ? […] On n’est pas insensible pour n’avoir voulu prêter sa voix qu’à la douleur ou à l’angoisse communes, au lieu de consacrer son génie à l’élégie de sa propre souffrance. […] ô douleurs !

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