Là où il y avait douleur passagère, on a mis mélancolie ; la sensibilité a remplacé la tendresse ; à la méditation féconde a succédé une rêverie vague, vide, stérile. […] La douleur physique est une essentiellement bornée, monotone et stérile. […] Il fallait faire mourir de douleur le mari, puis indiquer rapidement qu’Emma, partie pour Paris, y avait été rencontrée par Rodolphe dans une rue mal famée. […] Ailleurs, nous lisons cette réflexion si poignante et si vraie : « C’est une des plus grandes douleurs du pauvre de ne pouvoir souffrir à son aise. […] Puis, encore dans l’adolescence, une grande douleur l’a brisé.
. — Conduite inconvenante de sa veuve ; sa vanité et sa feinte douleur. […] Alarmée de ce dessein, elle dépêcha vers lui le maître de pension dont il avait reçu les leçons dans son enfance, et le chargea de lui représenter qu’il compromettait l’honneur des siens, et les condamnait à une éternelle douleur, en embrassant une profession qui était réprouvée à la fois par l’Église et par la société. […] Il est digne de remarque que c’est vers cette même époque qu’il peignait la jalousie d’Alceste et les infidélités de Célimène ; mais, à l’exception de quelques traits isolés, d’une ou de deux scènes détachées, on ne le vit jamais faire d’allusion aussi directe, dans ses autres ouvrages, à ses trop justes douleurs. […] Molière chercha dans la tranquillité de son intérieur un remède à sa douleur. […] L’espèce de recueillement de douleur que la longue maladie et la mort de cette princesse devaient imposer à tous les gens dépendant de la cour, lui fit fermer son théâtre du 27 décembre 1665 au 21 février suivant, et l’empêcha pendant un certain temps encore de donner aucun ouvrage nouveau à son théâtre.
« Il faut pourtant que je vous dise que rien n’approche de l’état de douleur et de crainte où l’on est : cela vous ferait pitié ; tout le monde en est si touché, que l’on n’est occupé qu’à le rassurer. […] sa douleur fut ce qu’on peut imaginer ; il se consacra tout entier à cette tendre mémoire et à la jeune enfant qui désormais la faisait revivre à ses yeux. […] De loin (ô vanité de la douleur même !)
Il fut saisi, dans l’assemblée même, d’une douleur de côté, suivie d’une sueur abondante et d’un frisson violent ; il rentra chez lui avec la fièvre, et au bout de sept jours il n’était plus. […] Mais Atticus, m’interrompant aussitôt : Laissez là, nous dit-il, je vous en conjure, un sujet sur lequel on ne peut rien demander ni rien apprendre sans douleur (c’était le temps des compétitions déplorables entre Pompée et César), et que Varron nous dise plutôt ce qu’il y a de nouveau chez lui. […] « Mais aujourd’hui que la fortune m’a frappé d’un coup terrible et que le fardeau du gouvernement ne pèse plus sur moi, je demande à la philosophie l’adoucissement de ma douleur, et je la regarde comme l’occupation de mes loisirs la plus douce et la plus noble à la fois.
« Crésus, consterné, ressentait une douleur d’autant plus vive, que ce fils avait lui-même présidé à la purification du meurtrier. […] « Après ce temps, la chute de l’empire d’Astyage, fils de Cyaxare, renversé par Cyrus, fils de Cambyse, et les progrès des Perses, en occupant la pensée de Crésus d’autres soins, firent taire sa douleur. […] La mère des voleurs, instruite du traitement fait aux restes de son fils, et ne pouvant contenir sa douleur, déclara à celui qui avait survécu qu’il fallait que, d’une manière ou de l’autre, il trouvât le moyen de détacher le corps de son frère et de le lui apporter ; que s’il s’y refusait, elle était déterminée à se rendre près du roi et à lui découvrir l’auteur du vol.
La vérité au théâtre se manifeste toujours à nous par un retour sur nous-mêmes, pénible ou agréable, selon que la parole de l’acteur éveille en nous un écho de douleur ou de joie. […] Pour combien de gens ce chef-d’œuvre n’a-t-il pas été le petit livre de choix dont parle Horace, qui, lu trois fois d’un esprit purifié, calme les douleurs de l’âme39 ! […] Il veut s’arracher la vie : Il marche sans dessein ; ses yeux mal assurés N’osent lever au ciel leurs regards égarés, Et l’on craint, si la nuit, jointe à la solitude, Vient de son désespoir aigrir l’inquiétude, Si vous l’abandonnez plus longtemps sans secours, Que sa douleur bientôt n’attente sur ses jours.
un instant elle lui devient supérieure, car si la faculté d’expression s’ajoute en elle à la sincérité de son émotion, elle peut hausser jusqu’à la puissance un accent de poète qui jusqu’alors n’avait pas marqué d’ambitions si hautes… La douleur seule est positive : nous le savons par notre propre expérience… Elle accomplira donc ce miracle de transformer, en art d’émotion, les éléments d’un talent qui semblait tout d’abord se restreindre à l’objectivité. […] Donc ici je la vois pleinement sincère, grâce à la valeur de l’émotion directe qui commande l’inspiration et dicte l’expression — il faut insister sur ce mot : dicte — puisque le vrai poème, celui qui est digne de ce nom, doit se former dans le cerveau du poète sous la secousse directe qu’est la sensation : Car votre chair n’était qu’une fugace rose, Et si, quand vous pliiez sous l’amour exigeant, Vous sentiez tristement s’émietter vos argiles, Vous saviez bien que l’Homme est solide et changeant, Vous saviez bien qu’avec les fleurs longtemps écloses, Et les jours longtemps clairs qui sombrent dans le soir, Qu’avec l’automne vient la douleur de déchoir, Et que la Femme est brève entre toutes les choses ! […] Pour eux désormais, il n’y aura plus que tortures, douleur d’aimer succédant aux premières délices, et si jamais œuvre d’art pouvait servir à l’édification morale de qui la voit ou l’entend, on ne saurait imaginer tableau plus propre à détourner du mal sacré deux êtres qu’un invincible attrait rapprocha pour les mieux tenailler par la suite. […] Ô poète, ô prêtresse, Apprends-nous le secret des divines douleurs. […] Veut-elle par exemple développer les variations qu’enferme ce thème immortel : la douleur de vieillir, sans doute on n’y trouvera pas les contractions d’un poète à l’inspiration toute moderne, comme Mme Lucie Delarue-Mardrus, qui prend ses images à portée de sa main et n’a nul souci du rythme antique.
Non pas le tortionnaire élégant qui, romain ou chinois, décortique un sein, une joue, un hémicrâne, selon la science parfaite de la douleur animale ; mais le boucher qui après une entaille circulaire, arrache toute la dépouille, comme un fourreau. […] L’œil de celui qui regarde est au niveau de la douleur humaine, un peu plus haut : alors, tout s’exalte et les mots pleurent avec sérénité. […] Elle se réveille de sa douleur, elle crie ; Tête d’or sort de la mort, se traîne, arrache les clous. […] L’amour est une joie empoisonnée ; la fatalité veut que ce qui est le suprême bien de l’homme soit la source de ses plus cruels tourments, que le fleuve où il boit la vie soit le même où il boit la douleur et la mort. […] Pierre Quillard, avec un mysticisme supérieur, « la vanité de la joie et de la douleur », et il devait goûter également la vie et la philosophie nirvâniennes du philosophe de sa race.
L’extrême douleur s’exprimera par un cri, par une plainte, par des paroles amères, par un mouvement de révolte, non par de la poésie. C’est quatre ans après la mort de sa fille, que Victor Hugo pouvait écrire les vers sublimes où s’est exhalée sa douleur de père. […] Il fallait que sa douleur se fut apaisée, qu’elle fût devenue résignée, contemplative et comme stagnante pour comporter une expression poétique. […] Ce que l’artiste nous apporte, ce n’est pas de la douleur, c’est une magnifique et douloureuse vision. […] Rien ne peut s’accomplir sans lutte et sans douleur.
Ses douleurs redoublaient. […] vous êtes pardonnées ; Sans pouvoir les tarir, ô douleur des douleurs ! […] Tous ceux qui entouraient le lit du Roi pleuraient de douleur. […] Puis il le lance au loin, transporté de douleur. […] Si je n’avais pas, ô douleur !
Peu à peu le poète sent s’agrandir sa douleur. […] Sans pitié pour son bonheur terrestre, avec une confiance divine, elle se jette en Dieu, ne s’épargnant aucune douleur, accueillant fidèlement tout martyre. […] Comment la douleur empêcherait-elle sa joie ? […] Ô Russie, notre petite mère dans la douleur ! […] « Volupté saturée de douleur et de remords. » (Œuvres Posthumes, p. 93) 29.