Enfin, et c’est là le sens de la légère étude que je voudrais faire, il est à mes yeux l’un des plus frappants exemples du courage et de l’effort qu’il a fallu à un homme entraîné dans sa jeunesse par la fureur de la dissipation et la fièvre du plaisir, pour se ravoir à temps et ressaisir possession de lui, pour devenir un esprit sérieux, conséquent, philosophique, un citoyen convaincu, ferme et inflexible, ayant réfléchi à toutes les grandes questions sociales et s’étant formé sur toutes une opinion radicale sans doute et absolue, mais qui, j’en suis certain, se rapproche fort de ce qui prévaudra dans l’avenir. […] Inculpé odieusement et bassement calomnié hier encore pour avoir eu l’effroyable audace de se laisser porter par une forte minorité démocratique, et de rester jusqu’à la fin en concurrence et en lutte avec un homme du plus grand talent en effet, et qui est subitement devenu l’idole des Parisiens, comme le fut autrefois M. […] Il y devient paresseux et vindicatif. […] William d’Alton, né le 1er janvier 1766, volontaire à quinze ans (avril 1781) au régiment d’infanterie de Berwiek, y avait gagné ses premiers grades lorsque la Révolution éclata ; il eut à subir bien des vicissitudes ; il était en 1793 à l’armée du Rhin, commandée par Beauharnais ; il fit la campagne de 1795 dans l’armée de Rhin-et-Moselle, puis passa dans l’armée de l’Ouest, où il devint aide de camp du général Hédouville ; il l’accompagna à Saint-Domingue en 1798 ; il était estimé de Hoche, sous qui il avait servi en Vendée ; mais cette expédition de Saint-Domingue l’avait retardé dans sa carrière ; il eut quelque peine à se voir confirmé dans le grade de chef de brigade (colonel) que le général Hédouville lui avait conféré dans la traversée ; nommé par le premier consul aux fonctions d’adjudant commandant (titre analogue), employé à l’armée d’Italie, il allait enfin pouvoir se produire sur un théâtre en vue, quand la fortune du premier coup le mit en lumière et le frappa.
En poésie, comme ailleurs, rien de si périlleux que la force : si on la laisse faire, elle abuse de tout ; par elle, ce qui n’était qu’original et neuf est bien près de devenir bizarre ; un contraste brillant dégénère en antithèse précieuse ; l’auteur vise à la grâce et à la simplicité, et il va jusqu’à la mignardise et à la simplesse ; il ne cherche que l’héroïque, et il rencontre le gigantesque ; s’il tente jamais le gigantesque, il n’évitera pas le puéril. […] Mais aujourd’hui qu’il est devenu un homme-géant, Ces plaisirs enfantins n’ont plus pour lui de charmes. […] Cette imagination est si rapide en effet qu’elle se meut sur chaque point à la fois, et qu’elle met la main à tout ; elle devient analytique à force d’être alerte et perçante. […] C’était la seule manière d’être parfait en poésie, autant qu’il est donné à l’humanité de le devenir.
Tant de difficultés n'effrayerent point Descartes ; il examine tous les tableaux de son imagination, & les compare avec les objets réels ; il descend dans l'intérieur de ses perceptions qu'il analyse…… Son entendement, peuplé auparavant d'opinions & d'idées, devient un désert immense **. Entendement peuplé d'opinions, puis devenu un désert immense ! Si vous ne devenez pas Philosophe après cela, sera-ce la faute de l'Orateur ? […] L'indulgence est devenue pléniere, dès qu'il s'est montré digne d'être admis in illo docto corpore, d'en saisir l'esprit & d'en adopter le terrible langage.
Mais les hommes et les bœufs, les chevaux et les chameaux, les chiens et les oiseaux, s’y multiplièrent de telle sorte que ce grand espace devint trop étroit pour les contenir. […] Alors Yma marcha vers les étoiles, et il fendit l’extrémité de la terre d’un si rude coup de sa lance d’or, qu’elle s’écarta sous le choc et devint plus grande d’un tiers qu’elle n’était. […] Les lois s’abattaient devant son caprice ; il trônait au-dessus de tout droit et de tout devoir, — Cambyse devint amoureux de sa sœur, et il voulut l’épouser. […] Hippias, le fils de Pisistrate, réfugié à Suse, était devenu le conseiller de Darius, et le petit tyran déchu poussait le grand despote à la guerre, pour restaurer son principal sur les ruines de sa patrie subjuguée.
devant aucun de ces visages rongés déjà, effacés par deux siècles, pas même devant celui de cette Aurore qui eut l’honneur de jeter la peur d’aimer dans le cœur de glace polaire de Charles XII, et qui plus tard descendit sa fierté jusqu’à devenir l’une des maîtresses d’Auguste de Pologne, le taureau saxon ! […] Ces affreuses petites cours d’Allemagne, gouvernées par des évêques mariés (comme l’évêque d’Osnabruck, qui devint plus tard électeur de Hanovre), préludaient fort bien, et mieux que la France elle-même, à ce xviiie siècle qui allait commencer et qui devait achever l’œuvre de dissolution de Henri IV et de Louis XIV. […] Élevé avec la fille du prince de Celle, Sophie-Dorothée, qui devint duchesse de Hanovre, il avait été aimé d’elle dans son enfance, et, si l’on en croit la correspondance publiée par Blaze de Bury, il le fut encore plus tard, mais d’un amour moins pur. […] Quand son mari devint roi d’Angleterre, frappé, sans doute, de l’attitude d’innocence de cette femme sublime ou diabolique de volonté, il lui envoya des ambassadeurs qui lui proposèrent de sa part le pardon et le partage du trône ; mais, plus fière que si elle avait été pure, ou, qui sait ?
Devenu président parce qu’entre deux candidats significatifs à chance égale il était, lui, insignifiant, et par là ne divisait personne, Soulouque était alors (en 1847), nous dit d’Alaux, avec sa poignante familiarité de récit, « un bon gros et pacifique nègre qui, depuis 1804, époque à laquelle il était domestique du général Lamarre, avait traversé tous les événements de son pays sans y laisser de trace en bien ou en mal. En 1810, le général Lamarre fut tué en défendant le Môle contre Christophe, et Soulouque, qui était déjà devenu quelque chose comme l’aide de camp de son maître, fut chargé de porter son cœur à Pétion. […] Sous Hérard il devint chef d’escadron ; sous Guerrier, colonel ; sous Richer, commandant supérieur de la garde du palais. » Tels étaient Soulouque et son passé, et son historien nous raconte avec infiniment de précision, d’information et de justesse, ce que ce bonhomme ingénu, qui balbutie de timidité en parlant et qui rougit aimablement devant tout inconnu, pour qui sait voir la rougeur de la peau sous son ébène, devint bientôt pour les nègres et pour les mulâtres.
Et il y aurait aussi, de par le monde, de petits messieurs littéraires qui se tortilleraient l’entendement pour devenir les OEdipes de ce Sphinx, trop longtemps mystificateur ? […] Ce que devient Alceste pour Gérard du Boulan, ce qu’il y a pour lui sous ce masque immortel d’Alceste, je vous le dirai tout à l’heure… Seulement, en y cherchant ce qu’il a cru y trouver, qu’il me permette de le lui dire ! […] La misanthropie n’est pas comme l’ambition, l’avarice et le jeu, une passion scénique, agissante et pouvant devenir pivotale. […] Le xviie siècle — je le disais à propos du Cardinal de Retz de Chantelauze — a mal commencé, et ce n’est que tard qu’il est devenu, sous l’influence et l’ascendant de Louis XIV, plus grand que lui, le grand siècle, qu’on a trop vite nommé.
Les poètes poussent partout, quand ils sont vigoureux, mais aucun poète sous le tournant du soleil ne l’a mieux prouvé que Milton, et on peut l’étudier comme un véritable phénomène de végétation poétique, ce chêne de rocher que rien, rien n’a pu empêcher de devenir, à l’âge où les hommes les plus forts se cassent, le rouvre du Paradis perdu. […] rasa ses magnifiques cheveux bouclés et devint une Tête-Ronde, un théologien argumentant, une bouteille d’encre ! […] Il devint pédagogue. […] Celui qu’on ne croyait qu’un vieux théologien aveugle devient l’Homère de l’Angleterre, et la mémoire de ce puritain en habit gris, qui serait maintenant évaporée comme les sons de l’orgue dont il jouait, disent les Histoires, près de sa porte ouverte, aux derniers rayons du soir, se fixe en immortalité.
Catulle Mendès a tant lu Victor Hugo ; il l’a évidemment tant aimé ; il s’est tellement imprégné, imbibé, pénétré de sa substance, qu’il est devenu presque un avec lui, et qu’il a fini par lui ressembler comme les Ménechmes se ressemblent. Il est devenu le Ménechme du père d’élection qu’il s’est donné… Sans l’antériorité indiscutable de Victor Hugo, venu le premier dans la vie, ce serait à se demander lequel est le Sosie ou le Mercure de l’autre ? […] Quelque Narcisse qu’on puisse être, et quelque plaisir orgueilleux qu’on prenne à se regarder dans les autres, devenus des miroirs flatteurs, on finit par se fatiguer et par s’inquiéter d’une répercussion si complète et si fidèle de son moi… On est moins soi-même à ses propres yeux. […] Amarillys, Henri Cardoz, Sébastien de Villaudric, sont des monstres de dévouement incroyables, inexplicables, inexpliqués, comme le clown Aladin en est un de bassesse, de convoitise et de cruauté, comme mademoiselle Arabelle de Villaudric en est un autre de débauche hystérique, en attendant qu’elle en devienne un de génie et de pureté sublime, sortant tout à coup de cette vulve de louve dans les bois, et sans qu’aucun Dieu ne s’en mêle ; car Dieu ne se mêle de rien dans le livre de M.
D’artiste devenu homme de parti, il attaqua l’Église, les gouvernements, les législations, toute la vieille société dont il ne gardait que les vices, et il publia successivement tous ces livres qui ont le plus mordu, vitriol terrible, sur les imaginations de ce temps. […] Lui, l’ancien écrivain régence et à outrance, il devint le moraliste des temps futurs. […] Eugène Sue, qui a de la couleur et de l’expression pour tout mérite — le fracas des événements dans ses romans les plus vantés n’en étant point un à nos yeux — ne pouvait devenir un homme de style, car on ne le devient pas, on l’est.
Ce vœu de Platon, que les philosophes deviennent rois, ou que les rois deviennent philosophes, résume ce que le poëte thébain avait conseillé aux rois grecs de Syracuse, d’Agrigente, d’Etna, de Cyrène, et ce que Xénophon décrivit dans sa Cyropédie. […] « Ainsi, tu as partout harmonisé le bien au mal, de sorte qu’il existe pour tous une seule loi, toujours la même, que désertent par leur fuite tous ceux des mortels qui deviennent méchants ; infortunés qui, désirant toujours la possession des biens, n’aperçoivent pas la loi générale de Dieu, n’écoutent pas cette loi, à laquelle s’ils obéissaient, ils auraient, avec l’intelligence, le bonheur et la vie ! […] Athènes, qui ne pouvait cesser d’être la ville des arts, Athènes, qu’Alexandre avait ménagée comme le théâtre où se donnaient les couronnes de la renommée, n’était plus que suspecte et tremblante sous les soldats macédoniens, devenus rois tour à tour, après le conquérant de l’Asie.