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285. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Grâce à l’effroi qu’inspiraient ses armes, le terrible condottiere, à ce moment d’indépendance où il avait toute la liberté de ses mouvements et où il pouvait se porter à volonté sur tel ou tel point du pays pour le ravager, s’était créé un revenu fort considérable ; il touchait — tant, de Bérenger, comte de Barcelone ; — tant, du prince de Valence ; — tant, du seigneur d’Alpuente ; — tant, du seigneur de Murviédro, etc. ; on a les chiffres de ces sommes régulières que lui payaient les princes et seigneurs musulmans ou chrétiens, et qui constituaient ce que M.  […] L’homme a besoin de se créer des idoles dans le passé, et il se prend à ce qu’il a sous la main : il lui suffit d’un prétexte. […] Et d’abord il a fallu lui créer une enfance, une première jeunesse ; car l’histoire ne le présentait que déjà mûr et homme fait, approchant de la quarantaine. […] Nous sommes ici à l’époque chevaleresque, tout à la fin du xiie  siècle ou au début du xiie  ; un siècle entier s’est écoulé depuis la mort du Cid ; un idéal s’est créé à son sujet : il est devenu une figure noble et pure, et même douce autant que fière, un modèle de chevalerie en cette civilisation féodale.

286. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Tandis que M. de Régnier, beau magicien des formes, crée en elles et par elles. […] Les Cygnes sont des poèmes humains, dans le meilleur sens de ce mot, puisqu’ils font vivre l’homme, l’homme d’à présent, d’hier et de demain, celui qui a toujours été, celui que nous voyons, celui-là même de l’avenir : l’homme en tant qu’être sensitif et agissant, voué à la douleur et à la joie et tenant en ses mains la force qui fait créer. […] Maurice Maeterlinck lorsqu’il créa ses admirables Serres chaudes admettait certainement qu’un poème doit être profondément « malade », et sans doute M.  […] Il créa certes ainsi de très beaux vers, mais dont l’apparat un peu étranger masquait une plus silencieuse et plus sûre noblesse.

287. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Le pacifisme chrétien du Pays de Galles créa une atmosphère qui nuisit au manifeste du parti. […] Nous avons dit comment le digne ouvrier français respecte en lui-même une qualité de bon travailleur, une aptitude à créer qui est le résultat d’une longue sélection le fruit de sa propre vie et des vies de ses aïeux. […] Peu avant sa mort, relisant son ouvrage la Paix intérieure, il écrit en marge : « Ô alouettes de ces matins, chères alouettes françaises, inspirez-moi mieux. » A ce cri, je le comprends : il s’arrache aux partis, ce plébéien que la campagne vivifie, ce fils d’une race de paysans et de soldats, cet ouvrier qui s’acharne sur ses carnets pour faire du bel ouvrage, pour créer, pour saisir une vérité. […] » Vous savez quels soucis ils nous ont créés, quelle peine nous nous sommes donnée, à l’Instituteur français, organe antisyndicaliste, pour ramener au simple bon sens et à la plus élémentaire prudence ces enfants terribles de la grande famille primaire, que rien n’arrêtait, ni leur propre sécurité, ni le tort qu’ils faisaient à l’École et à ses maîtres, natures ardentes, mais, à la vérité, généreuses, ne pouvant supporter d’aucune façon l’arbitraire et l’injustice.‌

288. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Elle créa des conquérants ; mais elle ne portait eu elle aucun germe de développement intellectuel. […] Le droit de vie et de mort souvent accordé à l’autorité paternelle, les communs exemples du crime de l’exposition des enfants, le pouvoir des époux assimilé, sous beaucoup de rapports, à celui des pères, toutes les lois civiles enfin avaient quelque analogie avec le code abominable qui livrait l’homme à l’homme, et créait entre les humains deux classes, dont l’une ne se croyait aucun devoir envers l’autre. […] C’est que l’art du raisonnement, la force de méditation qui permet de saisir les rapports les plus métaphysiques, et de leur créer un lien, un ordre, une méthode, est un exercice utile aux facultés pensantes, quel que soit le point d’où l’on part et le but où l’on veut arriver.

289. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Elle ne l’observe général et abstrait que pour le rendre particulier et complexe ; elle n’agit que pour réparer, reformer et créer. […] Il crée comme elle, et d’après elle, mais sans défaillance ni interruption ; il fait autrement parce qu’il fait mieux, et ses copies sont toujours des inventions. […] Créer n’est donc que choisir, parce que choisir, c’est rassembler et agrandir.

290. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Enfin, dans quelques pièces, Du Bellay se révèle comme un excellent ouvrier de rythmes vifs et délicieux : tout le monde connaît ces Vœux d’un vanneur de blé aux vents, un petit chef-d’œuvre d’invention classique, je veux dire de cette véritable invention qui ne consiste pas à créer la matière, mais à lui donner âme et forme. […] L’œuvre est inégale et mêlée, parce qu’une contradiction fâcheuse est au fond du génie même qui la crée. […] Puis, il a créé, mis en usage, laissé aux poètes futurs une grande variété de rythmes lyriques.

291. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Janin s’est fait un genre et une manière à part, et qu’il a créé un feuilleton qui porte son cachet. […] Mme de Mondonville, libre et riche, sans enfants, pensa à se créer un petit empire et à être la Sémiramis d’un monde choisi où elle régnerait. […] Elle n’aurait pas été languir et mourir dix-huit ans dans l’exil, comme tant de souverains dépossédés, elle qui avait passé ses belles années à se créer une petite principauté et un petit trône.

292. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Théophile était plus poète que Malherbe, mais Malherbe composait : Théophile jetait sur le papier tout ce que sa fantaisie créait, et, sous prétexte de libre inspiration, noyait son talent dans la facilité et ses beaux vers dans le fatras. […] En effet, comme l’invention consiste alors à découvrir des rapports inaperçus, à créer des liaisons nouvelles d’idées et de sentiments, elle est inséparable de l’ordre, et ne pourra se réaliser et s’exprimer que par lui.

293. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Voilà tout, en effet, et qui ne sait que, si le besoin crée l’organe, l’organe fixe et développe le besoin ? […] Le Journal des Débats, créé en 1789, prit un grand développement à partir de 1799, où il passa aux mains des Bertin ; il fit une large place à la littérature, et là, comme en politique, il représenta surtout les opinions, le goût, les aspirations de la classe bourgeoise.

294. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

C’est qu’Émile Verhaeren a le don d’incruster sa pensée, il crée dans l’âme un monde d’impressions étranges dont l’esprit se ressouvient avec une netteté jamais atténuée ; elles s’imposent, revivent ainsi que des flammes soudaines ou bien encore font dévier vos sensations originales. […] Il aura créé un mode d’expression qui lui demeurera propre.

295. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Nous soutenons que pour bien voir il faut mettre de bonnes lunettes ; on nous reproche d’enseigner que les lunettes créent la faculté de voir. […] Nous soutenons que pour bien voir il faut mettre de bonnes lunettes ; on nous reproche d’enseigner que les lunettes créent la faculté de voir.

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