Imposteur grossier dans ses fictions, non moins grossier, mais plus dangereux dans sa morale, incapable de peindre le vice et la vertu de leurs véritables couleurs, il n’est propre qu’à encourager les scélérats, et qu’à égarer les gens de bien. à l’égard de la poësie, on peut compter les défauts d’Homere, par les qualités mêmes que la poësie exige. […] L’homme n’admire que ce qu’il trouve extraordinaire ; le poëte ne lui doit donc proposer que des choses qui soient hors de l’ordre commun ; et pour concilier ces deux principes qui paroissent si opposés, il doit donner au merveilleux les couleurs de la vérité, par des préparations si vraisemblables, que les prodiges mêmes dont il veut frapper l’esprit, en paroissent comme des suites naturelles. […] Par exemple, pour ne point sortir d’Homere, quand il me peint Achille occupé à préparer lui-même le repas qu’il veut donner aux ambassadeurs d’Agamemnon ; quand il me le représente dans les fonctions d’un cuisinier, je suis blessé du desagrément de l’image, sans sçavoir gré d’ailleurs au poëte d’une imitation aisée, qui ne consiste que dans la propriété des termes ; au lieu que le tableau d’Achille en cet état, tout ridicule qu’il seroit pour le choix, pourroit néanmoins être admirable, par la vérité du dessein et des couleurs, où il est si difficile et si rare que les peintres atteignent. […] Si le poëte juge l’action odieuse, il ne choisit que des couleurs propres à exciter le mépris ou la haine ; s’il la juge belle, il la revêt de tout ce qui peut attirer l’admiration.
Personne n’ignore qu’en son adroite éloquence, Joachim Du Bellay essaye de parer la servilité d’une pompeuse couleur de conquête. […] Le lait prit très vite la couleur du sang. […] L’opinion commune s’est montrée cette fois moins inconsidérée qu’elle ne le fut en d’autres cas ; c’est un des plus impérissables chefs-d’œuvre de l’art moderne, ce livre d’où rayonnent toutes les splendeurs de la couleur, toutes les magnificences de la forme. […] Oui, par le prodige de la couleur et par le strict tassement de toute la joie d’être lumière et vie en des formes que resserre la ceinture de la beauté, il devient un autre Leconte de Lisle qui, renonçant à la fixité vers l’éternel néant, s’éblouit d’aurores, de midis et de soirs splendides, dans l’infini d’un miroir d’or. […] Et, romantique, — le Sonnet sur la couleur des voyelles n’a rien qui me contredise, — il l’est quant à la forme aussi.
Cette Italie de la Sainte-Alliance que nous voyons, d’après Stendhal et autres, sous des couleurs assez noires, Lamartine l’a vue tout à fait en beau et en bien. […] Par exemple, Renan a été très sincère quand il nous a dit qu’il avait passé un an de sa vie à éteindre, à amortir les couleurs trop éclatantes de la Vie de Jésus, telle qu’elle était au premier manuscrit. […] Voulez-vous des couleurs ? […] On voit assez à quel maître en l’art des sonorités et des couleurs nous avons affaire, à la fois à un maître mosaïste et à un maître sonneur. […] La vérité humaine n’est que dans les nuances subordonnées à une couleur générale et dans la complexité subordonnée à une tendance maîtresse qui fait l’unité du personnage.
Le Cornet à dés, c’est une sorte de miraculeuse corne d’abondance, vous savez, comme on en voit dans les trumeaux du xviiie siècle, toute ornée, toute enguirlandée et d’où fleurs et fruits s’échappent, si pressés et si luxuriants, que c’est un flot, d’odeurs et de couleurs, et une griserie sans fin qui se répandent partout alentour. […] Puis, tout d’un coup, tout chavire et, suspendu aux architraves de la syntaxe, son style essaie les équilibres les plus osés, risque de se tuer, se promène sur les entablements, casse les cariatides, maquille les chapiteaux, y pose des couleurs et des dessins qui les balafrent. […] La Joie des Sept Couleurs — Pierre-Albert Birot (Editions sic). — P.
Sans doute, le culte que les romantiques professent pour le moyen âge a quelque chose de « littéraire » ; mais derrière leur catholicisme esthétique et sentimental, il y a le sens religieux nécessaire pour la compréhension du passé ; de même la « couleur locale » sera bientôt de la science vivante. […] Tous les peintres se servent de lignes et des sept couleurs du prisme ; d’où vient que, même en faisant abstraction du sujet en soi, l’artiste révèle aussitôt sa personnalité ? c’est un fait difficile à expliquer, mais c’est un fait ; on ne l’analyse jamais jusqu’au fond, on le sent ; et cette personnalité est l’essentiel ; les lignes et les couleurs sont les moyens de tous ; la vision est de l’individu.
» Je ne sais si le lit galonné de Mme de La Fayette prêtait beaucoup aux plaisanteries ; mais, couchée là-dessus, comme il lui arrivait trop souvent, elle y était plus simple à coup sûr que son amie sous ce manteau couleur de feuille morte qu’elle affecte d’user jusqu’au bout. […] Pour nous, que ces invraisemblances choquent peu, et qui aimons de la Princesse de Clèves jusqu’à sa couleur un peu passée, ce qui nous charme encore, c’est la modération des peintures qui touchent si à point, c’est cette manière partout si discrète et qui donne à rêver : quelques saules le long d’un ruisseau quand l’amant s’y promène ; pour toute description de la beauté de l’amante, ses cheveux confusément rattachés ; plus loin, des yeux UN PEU grossis par des larmes, et pour dernier trait, cette vie qui fut assez courte, impression finale elle même ménagée.
Le peuple n’est pas de leur avis : il aime ces cordons de toutes couleurs, comme il aime les pompes religieuses. […] D’autres en ont donné des fragments d’une grande précision et d’un style peut-être supérieur comme couleur, mais aucun ne les a placés à leur jour et à leur place dans ce vaste et magnifique ensemble qui donne à chacun de ces événements, militaires ou civils, sa place, sa proportion, sa valeur historique et sa signification dans la destinée du monde.
» Angélique se colore à ces mots d’une couleur pudique ; elle aurait couvert son visage rougissant de ses mains, si elles n’étaient rivées au dur rocher par des anneaux de fer ; mais ses larmes, qui au moins pouvaient couler librement, tombèrent de ses yeux et voilèrent son visage, qu’elle s’efforça de cacher en le baissant sur sa poitrine. […] « Il arrive, dit la stance, au bord d’un ruisseau qui semblait rouler des lames de cristal ; une riante prairie fleurissait sur ses rives, prairie émaillée de couleurs, les plus fraîches et les plus flatteuses à l’œil, parsemée de bouquets d’arbres élégants et majestueux.
Socrate la prit avec la plus parfaite impassibilité, sans aucune émotion, sans changer ni de couleur ni de visage ; mais, regardant cet homme d’un regard ferme et assuré comme à son ordinaire : « Dis-moi, est-il permis de répandre un peu de ce breuvage pour en faire une libation ? […] C’est que, là, Platon n’a pu altérer par le clinquant des couleurs la sereine simplicité de son modèle ; le dialogue est d’un sophiste, le récit est d’un philosophe.
Les sièges, de forme antique, étaient garnis en tapisseries représentant les fables de la Fontaine ; mais il fallait le savoir pour en reconnaître les sujets, tant les couleurs passées et les figures criblées de reprises se voyaient difficilement. […] Quand le soleil atteignit un pan de mur, d’où tombaient des cheveux de Vénus aux feuilles épaisses à couleurs changeantes comme la gorge des pigeons, de célestes rayons d’espérance illuminèrent l’avenir pour Eugénie, qui désormais se plut à regarder ce pan de mur, ses fleurs pâles, ses clochettes bleues et ces herbes fanées, auxquelles se mêla un souvenir gracieux comme ceux de l’enfance.
À la place du fer, ce sceptre des Romains, La lyre et le pinceau chargent tes faibles mains ; Tu sais assaisonner des voluptés perfides, Donner des chants plus doux aux voix de tes Armides, Animer les couleurs sous un pinceau vivant, Ou, sous l’adroit burin de ton ciseau vivant, Prêter avec mollesse au marbre de Blanduse Les traits de ces héros dont l’image t’accuse. […] De pareils morceaux n’ont jamais rien prouvé, que le plus ou moins de talent de leurs auteurs à se pénétrer des couleurs de leur sujet, ou à exercer leur verve satirique sur des nations ou des époques, c’est-à-dire sur des abstractions inoffensives.