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1787. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Je sais que la plupart des grands se récrieront contre un tel reproche ; mais qu’ils interrogent leur conscience, qu’ils nous laissent même examiner leurs discours, et nous demeurerons convaincus que le nom d’homme de lettres est regardé par eux comme un titre subalterne qui ne peut être le partage que d’un État inférieur ; comme si l’art d’instruire et d’éclairer les hommes n’était pas, après l’art si rare de bien gouverner, le plus noble apanage de la condition humaine.

1788. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

— Et les principes directeurs offrent une probabilité du même genre : le christianisme, qui fut un élément essentiel du moyen Âge, semble étranger au principe de la Renaissance et à celui de la Révolution ; en théorie, oui ; dans la pratique, il a gardé une importance considérable, non seulement en ce qu’il a d’éternellement vrai, mais aussi en ce que ses dogmes ont de suranné et d’inhumain : l’Église romaine commande encore à des millions de consciences ; la notion chrétienne du Mal trouble encore notre morale et même notre droit pénal ; bien plus : l’intolérance haineuse des « libres penseurs » est elle-même une action du christianisme qui entrave ainsi l’évolution de cette humanité qu’il avait jadis délivrée.

1789. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Le reste, entiché de notions fausses, est perdu pour l’Art : & le signe de réprobation est déja empreint dans leurs fastidieux écrits ; ils murmureront, ou plutôt ils frémiront avec le désespoir secret qui suit la conscience de l’erreur, & le regret d’avoir pris une fausse route : mais c’est à ceux qui ont une âme neuve à se présever du précipice ; & au-lieu de répéter des platitudes, ou les inepties de leurs devanciers, à s’ouvrir une carrière nouvelle, où l’on marche toujours avec succès, quand on s’y élance avec l’audace & le courage. […] Tous ces Prôneurs de l’antiquité, n’ont pas toujours la conscience de leur admiration.

1790. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

» détermine dans ma conscience le même bruissement qu’un coup de vent dans les feuilles de la forêt… » L’auteur ajoute que c’étaient les Chateaubriand, les Byron, les Renan, les Leconte de Lisle, qui bruissaient en lui, et que son propre jugement n’avait aucune part à son enthousiasme… On ne comprend pas la perfection, il faut la sentir ; et ici Barrès, en dépit de sa raison, la sent si fortement, qu’il en est meurtri… * Le cadre athénien rejette avec violence ce qui est médiocre ; il rejette aussi ce qui n’est beau que tout juste. […] Il avait conscience de son grand mérite ; mais n’avait-il pas aussi, au fond de son cœur, comme un pressentiment de sa destinée ? […] Ce gros homme a-t-il, veut-il avoir conscience de ce qui se passe autour de lui ?

1791. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Enfin, pour dernier exemple, je prendrai L’Histoire du roman français ; et, si je ne me trompe, vous verrez là, comment, quand le temps en est venu, un Genre se forme du débris de plusieurs autres ; comment, et de lui-même, il se conforme à ce que j’appellerai l’idée intérieure de sa définition ; et comment, après beaucoup d’essais et de tâtonnements, en arrivant à la conscience de son objet, il arrive en même temps à la plénitude et à la perfection de ses moyens. […] 1° Nous trouverons qu’il a pris conscience de l’un avec Lesage et Marivaux, dans les premières années du xviiie  siècle, et qu’il n’a vraiment touché l’autre que de notre temps, avec George Sand et Balzac. […] On donne aujourd’hui des expédients à ceux qui ont volé le bien d’autrui pour le pouvoir retenir en saine conscience. […] Née, pour ainsi dire, dans les bibliothèques des érudits de la Renaissance, nous l’avons vue grandir pendant deux cent cinquante ans, et prendre insensiblement conscience de son objet.

1792. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Ce n’est pas pour la forme, c’est en conscience que cet esprit d’élite fait appel au vœu des majorités, qu’il leur accorde non-seulement une puissance de fait, mais comme une faculté de justesse.

1793. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Le plus sûr des augures, c’est de combattre pour sa patrie. » Ces vers d’Homère témoignent assez qu’il y avait dès ces jours antiques une piété raisonnée et sérieuse qui dédaignait les crédulités populaires, et qui croyait à la conscience, seul oracle du patriotisme et du devoir.

1794. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Onze jours, j’ai vécu sans fermer l’œil, et toujours me remuant et toujours parlant, avec la conscience toutefois que je déraisonnais, mais ne pouvant m’en empêcher.

1795. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Mardi 6 juillet Ici, avec le traitement, on n’a pas une parfaite conscience de soi-même.

1796. (1886) Le naturalisme

Ainsi, dans Madame Bovary, malgré la scrupuleuse conscience réaliste de l’auteur, chaque chose est toujours en sa place, et toujours le principal est le principal, l’accessoire l’accessoire. […] Les darwinistes logiques et enragés, pour appuyer leurs théories de la descendance de l’homme, aiment à nous rappeler les tribus sauvages de l’Australie et à nous décrire ces maladies dans lesquelles la responsabilité et la conscience sombrent.

1797. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Quintilien prodigue à l’odieux despote de Rome les plus vils éloges ; non seulement il en fait un Dieu, il le loue même d’être un grand poète, ce qui devait coûter davantage à sa conscience de critique ; il le félicite aussi d’avoir banni les philosophes ; il s’indigne que ces hommes se soient crus plus sages que les empereurs, et les accuse dans les mêmes termes, dont les délateurs s’étaient servis contre Thraséas. […] En lui seul étaient la voix du peuple, la liberté du sénat et la conscience du genre humain. […] Tel est un drame d’Appius et Virginie, où la Conscience et la Justice figurent comme personnages. […] Dans une respectueuse pitié pour tant de génie et d’abaissement, Pope, voulant rendre à cette grande âme, abattue par ses fautes, la conscience d’elle-même, lui adressa ce pompeux éloge, cette apothéose vengeresse qui termine l’Essai sur l’Homme, et que l’on peut placer au rang des plus beaux vers qu’un noble sentiment ait jamais inspirés à un poète.

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