Comprenez, comme Malebranche, que nulle théorie ne révèle mieux l’industrie d’un artisan tout-puissant, distinct du monde.
Lauser, dans le feuilleton excellent qu’il écrivit alors sur Molière, nous donne tout à fait, à nous autres Français, la note de l’admiration que porte une partie de l’Allemagne à l’auteur du Misanthrope, et de la façon dont le comprennent les admirateurs de Schiller et de Goethe. […] N’est-il point d’un intérêt absolu de savoir ce que les étrangers pensent de nous et de nos gloires, et ne devons-nous pas remercier ceux qui s’attachent à nous faire comprendre et à nous faire aimer ? […] La réparation des injustices dont il fut abreuvé, l’acclamation du plus grand nombre qui lui manqua souvent, la reconnaissance d’un pays qu’il illumina de sa gloire personnelle, tout cela est compris entre ces deux chiffres. […] Aujourd’hui, celui qui mourait, dévoré de chagrins intimes en même temps que rongé par la maladie, l’homme dont l’humeur songeuse, contemplative, avait été calomniée par des adversaires indignes, Molière « l’hypocondre », est enfin entré de plain-pied dans l’immortalité et domine de toute la hauteur de son front ce grand siècle si rempli de pompes, de fumées, de victoires et de fêtes, et qu’il traversa, l’œil fixé sur la foule parée qui le coudoyait sans toujours le respecter et qui l’applaudissait sans toujours le comprendre. […] Lorsque Molière parcourait la province, sa troupe, qu’il est bien difficile de reconstituer pour cette époque de débuts, comprenait, d’après Grimarest, les deux frères Jacques et Louis Béjart, Madeleine Béjart, femme entendue et véritable directrice, qui remaniait parfois les pièces selon les nécessités de la mise en scène, Du Parc, dit Gros-René, et la Du Parc, la de Brie et son mari, en outre le fameux pâtissier-poète de la rue Saint-Honoré, François Ragueneau, que d’Assoucy a raillé comme faiseur de petits pâtés et moucheur de chandelles.
Au fond, le drame, comme toute œuvre d’art, ne fait que rendre sensible une idée profonde de l’homme et de la vie ; il y a une philosophie cachée sous ses enroulements et sous ses violences, et le public doit être capable de la comprendre comme le poëte de la trouver. […] Ils ne savent pas que dans ce style l’élégance visible cache une justesse admirable, que s’il est un chef-d’œuvre d’art, il est aussi une peinture des mœurs, que les plus délicats et les plus accomplis entre les gens du monde ont pu seuls le parler et l’entendre, qu’il peint une civilisation comme celui de Shakspeare, que chacun de ces vers, qui semblent compassés, a son inflexion et sa finesse, que toutes les passions et toutes les nuances des passions s’y expriment, non pas à la vérité sauvages et entières comme dans Shakspeare, mais atténuées et affinées par la vie de cour, que c’est là un spectacle aussi unique que l’autre, que la nature parfaitement polie est aussi complexe et aussi difficile à comprendre que la nature parfaitement intacte, que, pour eux, ils restent autant au-dessous de l’une qu’au-dessous de l’autre, et qu’en somme, leurs personnages ressemblent à ceux de Racine comme le suisse de M. de Beauvilliers, ou la cuisinière de Mme de Sévigné, ressemblent à Mme de Sévigné et à M. de Beauvilliers746. […] Il élève au premier rang « l’admirable Boileau, dont les expressions sont nobles, le rhythme excellent, les pensées justes, le langage pur, dont la satire est perçante et dont les idées sont serrées, qui, lorsqu’il emprunte aux anciens, les paye avec usure de son propre fonds, en monnaie aussi bonne et de cours presque universel748. » Il a la roideur des poëtes logiciens, trop réguliers et raisonnables, blâmant l’Arioste, « qui n’a su ni faire un plan proportionné, ni garder quelque unité d’action, ou quelque limite de temps, ou quelque mesure dans son énorme fable, dont le style est exubérant, sans majesté ni décence, et dont les aventures sortent des bornes du naturel et du possible749. » Il ne comprend pas mieux la finesse que la fantaisie.
« — Certes nous quitterions librement ce pays, dit son frère Hagene, si nous avions nos armures qui nous sont si nécessaires et aussi nos bonnes épées ; nous saurions bien adoucir l’arrogance de cette belle femme. » « La noble vierge comprit très-bien ce que dit le guerrier. […] « — Il ne faut point si mal me comprendre, Kriemhilt, car je ne t’ai point tenu ce discours sans de bonnes raisons. […] Tu comprendras, encore aujourd’hui, que ta vassale marche, à la cour, devant tous les guerriers du pays burgonde.
Je me félicite de l’idée que je leur ai donnée — contrairement à l’opinion de Zola — de rester fidèles au roman, de ne pas introduire d’amour, et de faire seulement de la Tompkins une silhouette fantasque, trouvant qu’ainsi comprise et réalisée, la Tompkins fait la pièce originale. […] La vraie douleur, sans aucune dramatisation, avec des pleurs qu’elle comprime. « Hier, dit-elle, en phrases scandées par de petits sanglots, je me suis échappée d’ici un moment… j’ai été poussée par un pressentiment… J’ai trouvé ma mère qui pleurait et qui m’a dit que mon père était en train de lui dire des choses désolantes… Il se plaignait d’être faible, faible à toute extrémité… J’ai compris qu’il était bien mal, parce qu’il ne demandait des nouvelles de personne… Cependant il a mangé un peu le soir, et mon frère est passé me rassurer… Dans la nuit il a voulu dire des choses qu’il n’avait plus la force de dire… Enfin, ce matin, on m’a prévenue à huit heures… Il ne m’a pas reconnue… Il est mort à neuf heures. » Lundi 11 mars Enterrement du père de Mme Daudet. […] Ce soir, Daudet disait, qu’au moment de s’en aller de terre, avant la perte de la connaissance, on devrait avoir autour de soi la réunion des esprits amis, et se livrer à de hautes conversations, que ça imposerait au mourant une certaine tenue, et comme nécessairement venait sous sa parole, le nom de Socrate, moi qui ne comprends guère la mort que le nez dans le mur, je lui répondais que la conférence in extremis de Socrate, me semblait bien fabuleuse, qu’en général les poisons donnaient d’affreuses coliques, vous disposant peu à fabriquer des mots et des syllogismes, et qu’il y aurait vraiment à faire, avec les concours des spécialistes, une enquête sur les effet de l’empoisonnement par la ciguë.
Toutes les productions humaines peuvent être comprises sous trois chefs principaux ; les Sciences, les Arts libéraux, & les Arts méchaniques : sujet immense que nous n’avons pas la témérité de vouloir approfondir, sur-tout dans les bornes d’un article. […] Il est plus court & plus facile de nier ce qu’on ne comprend pas ; mais est-ce à nous de marquer les bornes des possibles, à nous qui voyons chaque jour imiter la foudre, & qui touchons peut-être au secret de la diriger ? […] Cette disposition à la vraie éloquence ne comprend ni les avantages de l’élocution, ni cette harmonie entre le geste, le ton, & le visage qui compose l’éloquence extérieure (Voyez […] Il suit des principes que nous venons d’établir, qu’il n’y a de critique universellement supérieur que le public, plus ou moins éclairé suivant les pays & les siecles, mais toûjours respectable en ce qu’il comprend les meilleurs juges dans tous les genres, dont les opinions préponderantes l’emportent, & se réunissent à la longue pour former l’avis général. […] Le public comprend trois classes ; le bas peuple, dont le goût & l’esprit ne sont point cultivés, & n’ont pas besoin de l’être ; le monde honnête & poli, qui joint à la décence des moeurs une intelligence épurée & un sentiment délicat des bonnes choses ; l’état mitoyen, plus étendu qu’on ne pense, qui tâche de s’approcher par vanité de la classe des honnêtes gens, mais qui est entraîné vers le bas peuple par une pente naturelle.
Mais s’il la nommait mal, cette langue nécessaire à une traduction de Shakespeare, François Hugo la comprenait et pouvait la parler. […] Seulement, s’il y a du fils de l’auteur de Ruy Blas, et si nous aimons à en trouver dans le texte vigoureux et éclatant de la traduction, pourquoi faut-il que hors de la traduction, hors la plastique de cette forme donnée au sens compris de Shakespeare, il y en ait encore, mais pour cette fois-ci, vraiment trop !
Henri comprit aussi, presque dès les premiers temps, l’usage qu’il pouvait tirer de lui comme négociateur.
Avertie par les premiers relâchements et par les fantaisies légères qu’elle avait vues poindre, elle s’occupa à faire à ses filles un rempart de leurs constitutions et de leur règle ; elle comprit, comme toutes les grandes fondatrices, qu’on n’arrive à tirer de la nature humaine un parti singulier et extraordinaire sur un point qu’en la supprimant ou la resserrant par tous les autres côtés.
Dans la nouvelle organisation réglée par le Premier consul, et qui répartissait les détails de l’administration militaire entre deux corps différents, l’un conservant l’ancien titre de commissaires des guerres et destiné à surveiller l’emploi des matières et les approvisionnements, l’autre, sous le titre d’inspecteurs aux revues, destiné à constater le chiffre de l’effectif, Daru fut compris dans la création de ce dernier corps ; et ce fut en cette qualité d’inspecteur aux revues qu’il fut envoyé à l’armée d’Italie et qu’il fit la campagne de Marengo.
Balzac, dès qu’il eut l’éveil, écrivit là-dessus à Conrart des choses fort sensées et fort droites : Je ne comprends point ce qu’a fait le neveu de M. de Voiture, sans en parler à personne, sans vous en donner avis, sans savoir si Le Mans et Angoulême le trouveraient bon.