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20. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté La gaieté française, le bon goût français, avaient passé en proverbe dans tous les pays de l’Europe, et l’on attribuait généralement ce goût et cette gaieté au caractère national ; mais qu’est-ce qu’un caractère national, si ce n’est le résultat des institutions et des circonstances qui influent sur le bonheur d’un peuple, sur ses intérêts et sur ses habitudes ? Depuis que ces circonstances et ces institutions sont changées, et même dans les moments les plus calmes de la révolution, les contrastes les plus piquants n’ont pas été l’objet d’une épigramme ou d’une plaisanterie spirituelle. […] Il y avait dans d’autres pays des gouvernements monarchiques, des rois absolus, des cours somptueuses ; mais nulle part on ne trouvait réunies les mêmes circonstances qui influaient sur l’esprit et les mœurs des Français. […] Les hommes qui composent ces premières classes, disposant de toutes les faveurs de l’état, exercent nécessairement un grand empire sur l’opinion publique ; car à l’exception de quelques circonstances très rares, la puissance est de bon goût, le crédit a de la grâce, et les heureux sont aimés.

21. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Consciencieux, travaillé, fouillé, positif comme une instruction criminelle, son livre, la Défection de Marmont en 1814 22, nous paraît d’un péremptoire affreux pour l’honneur de Marmont, et nous croyons qu’après l’avoir lu personne ne reprendra pour la plaider à nouveau la cause du coupable défectionnaire d’Essonnes, malgré la manie des circonstances atténuantes dont les sociétés sans force soutiennent leur faiblesse, et qui pour le moment s’introduisent partout, même en histoire. Il C’est ce bénéfice, en effet, ce triste bénéfice des circonstances atténuantes, sur lequel Marmont avait compté, qui lui est arraché par Rapetti. […] Marmont étant ce qu’il était : un satrape par-dessus un soudard, et tout cela chamarré d’idées modernes et de vieille civilisation sur toutes les coutures, et d’un autre côté les circonstances de 1814 ayant été ce qu’elles furent à l’heure où le caractère de cet homme s’effondra, nul historien de sens ne s’étonnera de cette honteuse affaire d’Essonnes, qui fut une si grande catastrophe. […] Il n’est point de circonstance qui puisse relever un soldat de l’obligation de mourir plutôt que de faiblir au devoir.

22. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Comme un tableau ne répresente qu’un instant d’une action, un peintre né avec du genie, choisit l’instant que les autres n’ont pas encore saisi, ou s’il prend le même instant, il l’enrichit de circonstances tirées de son imagination, qui font paroître l’action un sujet neuf. Or c’est l’invention de ces circonstances qui constituë le poëte en peinture. […] Il s’est servi pour cela de la circonstance du supplice de ce reprouvé qu’on lit dans l’évangile : que pour hâter sa mort on lui cassa les os.

23. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Dès qu’il est donné, aucune autre condition n’est requise ; les circonstances peuvent être quelconques, il n’importe. […] À cet effet, répétons deux fois le même cas en y introduisant ou supprimant la seconde fois une circonstance unique bien définie ; cette circonstance ajoutée ou retranchée, étant la seule différence qui sépare les deux cas, sera la condition cherchée. […] La texture lâche est donc une des circonstances qui la provoquent. […] Il est possible que dans le soleil la température excessive, par-delà les dernières nébuleuses quelques circonstances inconnues, interviennent pour annuler ou altérer la loi. […] Il n’y a point de place entre elles deux pour une circonstance qui vienne les disjoindre, car elles ne sont qu’une seule chose sous deux aspects.

24. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Mais le propre du génie poétique et artistique consiste à pouvoir se dépouiller non seulement des circonstances extérieures qui nous enveloppent, mais des circonstances intérieures de l’éducation, des conjonctures de naissance ou de milieu moral, du sexe même, des qualités ou des défauts acquis ; il consiste à se dépersonnaliser, à deviner en soi, sous tous les phénomènes moins essentiels, l’étincelle primitive de vie et de volonté. […] Il est toujours périlleux de vivre plusieurs vies d’homme à la fois, dans leurs circonstances les plus distinctes, d’une manière trop intense et trop convaincue. […] Le plus souvent l’historien est comme le prophète après coup ; il cherche dans les mœurs, dans les lectures favorites, dans les circonstances de la vie les causes qui ont déterminé telle ou telle œuvre, et il ne s’aperçoit pas que toutes ces circonstances s’expliquent par les raisons mêmes qui ont produit l’œuvre : le génie intimement lié avec le caractère moral. […] L’influence des circonstances et du milieu, qui est si notable, quoique non universelle, au début des littératures et des sociétés, va décroissant à mesure que celles-ci se développent, et elle devient presque nulle à leur épanouissement. […] Comme toute créature, l’homme tend, par économie de forces, à persister dans son être, à le modifier le moins possible pour s’adapter aux circonstances physiques ou sociales qui varient autour de lui.

25. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Circonstances favorables au pouvoir sélectif de l’homme. — IX. […] Or, un tel concours de circonstances extraordinaires présente le plus haut degré d’improbabilité. […] Circonstances favorables au pouvoir sélectif de l’homme. — Je dois dire maintenant quelques mots des circonstances favorables ou défavorables au pouvoir sélectif de l’homme. […] Cette seule circonstance doit avoir beaucoup favorisé la formation de nouvelles races.

26. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Toujours on rencontre pour ressort primitif quelque disposition très-générale de l’esprit et de l’âme, soit innée et attachée naturellement à la race, soit acquise et produite par quelque circonstance appliquée sur la race. […] Car l’homme n’est pas seul dans le monde ; la nature l’enveloppe et les autres hommes l’entourent ; sur le pli primitif et permanent viennent s’étaler les plis accidentels et secondaires, et les circonstances physiques ou sociales dérangent ou complètent le naturel qui leur est livré. […] Quand le caractère national et les circonstances environnantes opèrent, ils n’opèrent point sur une table rase, mais une table où des empreintes sont déjà marquées. […] Posez ici que la seconde dépend en partie de la première, et que c’est la première qui, combinant son effet avec ceux du génie national et des circonstances enveloppantes, va imposer aux choses naissantes leur tour et leur direction. […] Nous pouvons dire avec assurance dans quelles circonstances elle devra renaître, prévoir sans témérité plusieurs parties de son histoire prochaine et esquisser avec précaution quelques traits de son développement ultérieur.

27. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Mais il fut et il parut, dans toutes ces charges et conditions de rencontre et de circonstance, avec les qualités de bon sens, de modération et d’humanité qu’on lui connaît, avec un excellent esprit et un zèle qui, dans ses intermittences, avait des accès assez vifs, bien que ne se soutenant pas. […] C’est à cette mairie dès longtemps restaurée et remise en son lustre que Montaigne fut élu, et dans des circonstances et avec des particularités si honorables et si flatteuses pour lui. […] Des lettres de Du Plessis-Mornay à Montaigne, d’une date antérieure à 1585, mais écrites dans le même temps de cette mairie de Bordeaux, nous montrent combien, du côté du roi de Navarre, on se fiait en lui à titre de caractère modéré et conciliant, et nous prouvent qu’on aimait en toute circonstance à le prendre pour témoin et garant des intentions, comme quelqu’un qui, « en sa tranquillité d’esprit, n’était ni remuant ni remue pour peu de chose. ». […] En de telles circonstances, le devoir d’un maire semble tout tracé : il est à son poste d’honneur au fort du danger ; il fait ce que firent, à Dreux le poète Rotrou, victime de son zèle ; l’évêque Belzunce à Marseille, et d’autres encore ; — ce que fit le maréchal d’Ornano, maire lui-même de Bordeaux, dans une autre épidémie de 1599. […] Grün lui-même, en ceci le plus sévère de ses juges, prend soin de relever quelques circonstances qui sont tout à fait à sa décharge.

28. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La première des difficultés, dans tous les gouvernements où les distinctions héréditaires sont établies, c’est la réunion des circonstances qui donnent de l’éclat à la vie ; les efforts que l’on fait pour sortir d’une situation obscure, pour jouer un rôle sans y être appelé, déplaisent à la plupart des hommes. […] Les individus de la même classe que soi, qui se sont résignés à n’en pas sortir, attribuant bien plutôt cette résolution à leur sagesse, qu’à leur médiocrité, appellent folie une conduite différente, et sans juger la diversité des talents, se croient faits pour les mêmes circonstances. […] En étudiant le petit nombre d’exceptions à l’inconstance de la faveur publique, on est étonné de voir que c’est à des circonstances, et jamais au talent seul, qu’on doit les rapporter. […] Comme il n’y a jamais rien de suffisant dans les plaisirs de la gloire, l’âme ne peut être remplie que par leur attente, ceux qu’elle obtient ne servent qu’à la rapprocher de ceux qu’elle désire ; et si l’on était parvenu au faîte de la grandeur, une circonstance inaperçue, un obscur hommage refusé, deviendraient l’objet de la douleur et de l’envie. […] L’homme, jadis comblé de gloire, qui veut abdiquer ses souvenirs, et se vouer aux relations particulières, ne saurait y accoutumer ni lui, ni les autres ; on ne jouit point par effort des idées simples, il faut, pour être heureux par elles, un concours de circonstances qui éloigne naturellement tout autre désir.

29. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

À une époque ultérieure, le phénomène α se reproduit dans des circonstances à peu près identiques et simultanément le phénomène β se reproduit aussi en un point très éloigné du monde et à peu près dans les mêmes circonstances. […] Calinon dans un mémoire récent (Étude sur les diverses grandeurs, Paris, Gauthier-Villars, 1897) : « Une des circonstances d’un phénomène quelconque est la vitesse de la rotation de la terre ; si cette vitesse de rotation varie, elle constitue, dans la reproduction de ce phénomène une circonstance qui ne reste plus identique à elle-même. […] Comment énoncer des règles applicables à des circonstances aussi complexes ?

30. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVII » pp. 298-304

Une autre circonstance est remarquable dans la lettre de madame Scarron, c’est cet empressement de la cour à se rendre chez madame de Montausier malade, presque mourante, au moment où chancelait la favorite qui avait causé sa maladie. […] Elle devait même monter plus haut que madame de Montausier ; mais c’est une singularité de sa fortune que la première circonstance par où elle fut signalée, fut l’acquisition de la terre de Maintenon qui appartenait à la maison d’Angennes, dont le marquis de Rambouillet était le chef ; et que, quand le roi donna à madame Scarron, comme on le verra en suivant l’ordre des faits, le titre et le nom de marquise de Maintenon, ce titre et ce nom étaient portés par un des fils d’Angennes ; de sorte qu’elle succéda à un domaine, à un titre, à un nom de l’hôtel Rambouillet, en même temps qu’à la réputation d’esprit et de mœurs, et à la considération de la duchesse de Montausier, dernier rejeton de cette maison. […] 3º Elle est de peu de temps antérieure à ce départ, puisqu’elle annonce sa proximité et l’impatience générale d’en voir les circonstances.

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